Bilan économique de Cuba en 2018 et quelques perspectives pour 2019 (3e partie)

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Nous publions ici la troisième partie de l’analyse en quatre volets de l’économie cubaine par José Luis Rodriguez, conseiller du Centre d’Investigations de l’Économie Mondiale (CIEM), ancien ministre de l’Économie de Cuba. Après l’expertise du commerce extérieur confronté à une conjoncture internationale négative, l’auteur livre une analyse sectorielle qui permet de constater que la croissance continue d’être soutenue en dépit de sérieux revers.
Louis Gigout

Photo : Juventud rebelde/ Archive

La complexité des conditions commerciales et financières extérieures existant en 2018 s’est traduite dans les résultats économiques réalisés cette année-là et dans les prévisions pour l’année 2019.

Comme on l’a vu précédemment, la croissance du PIB l’an dernier a été de 1,2 % alors qu’elle avait été planifiée à 2 %.

Avant de faire l’analyse des différents secteurs, il convient de souligner la croissance de 13,2 % réalisée dans les investissements, même si celle-ci est nettement inférieure aux 34 % programmés, ce qui s’est avéré d’un optimisme excessif étant donné la conjoncture extérieure préexistante en 2017 et les scénarios négatifs prévus pour l’an dernier.

Dans ces chiffres, on remarque l’augmentation des engagements d’investissement étranger qui se sont accrus en 2017 et 2018, mais avec un faible niveau de réalisation, puisque celle-ci est estimée à environ 500 millions par an, un chiffre qui représente seulement le quart de l’objectif considéré comme nécessaire.

En ce qui concerne les investissements, on observe une absence de logistique d’approvisionnement sûr et hiérarchisé pour les ressources matérielles et la main d’œuvre, à quoi s’ajoutent des études de faisabilité dont les principes ne sont pas respectés dans le processus d’investissement ni dans le retour sur investissement. En la matière, et bien qu’elle ne soit pas exempte de difficultés, une situation exceptionnelle existe dans les chantiers de l’hôtellerie touristique où on atteint un meilleur niveau de respect des échéances fixées, lequel est largement tributaire de sociétés d’investissement étrangères telles l’entreprise française Bouygues Bâtiment International.

Il serait également intéressant d’évaluer l’expérience du processus d’investissement dans le secteur du logement où a été obtenu un bond significatif du nombre de chantiers réalisés en 2018.

En ce qui concerne l’exécution des différents secteurs durant l’année 2018, on observe à nouveau un déclin de l’agriculture, particulièrement affectée par les conditions climatiques défavorables avec des pertes d’environ 4 000 millions de pesos causées par l’ouragan Irma de septembre 2017.

En outre, le volume d’investissements dans ce secteur demeure inférieur à ses besoins en recapitalisation. Cependant, de bons résultats ont été obtenus dans la production de riz qui a réussi à subvenir à 40 % des besoins de consommation avec 283 000 tonnes et un rendement de 4,19 tonnes à l’hectare. L’exécution des plans prévus a également été signalée dans la production du haricot et de la viande de porc, cette dernière ayant été de 178 000 tonnes pour la commande d’État.

Les productions de l’industrie de la pêche dans le domaine de la langouste et de la crevette ont été conformes à ce qui était prévu pour 2018.

Pour sa part, la production de l’industrie manufacturière a augmenté de 3,7 %, se relevant du recul constaté l’année précédente. Parmi les efforts les plus importants dans ce secteur, l’accent est mis sur l’introduction, dans les cinq dernières années, de 25 613 matériels nouveaux et d’investissements pour 230 millions de dollars dans l’industrie pharmaceutique qui répondent à 62 % de la liste de référence de ces produits sensibles. Cependant et même si la situation est allée en s’améliorant, on enregistrait encore à la fin de l’année une pénurie de 40 % de médicaments mis à disposition de la population.

Il a aussi été signalé la réalisation de productions industrielles visées de récipients et d’emballages, de rhum, de tabac, de produits d’hygiène, les chiffres restant à préciser.

Le secteur de la construction a subi une baisse de la valeur ajoutée de 2,2 % en 2018, par rapport à un plan qui prévoyait une hausse de 12 % et, à ce jour, on n’a pas le détail de l’ensemble des productions non réalisées, même si ont été recensées des ruptures d’approvisionnement en matériaux de construction, dans le bilan national comme dans le bilan local.

Malgré ce qui précède, environ 5 000 chambres pour le tourisme international ont été achevées et les logements construits ont atteint le nombre de 29 235, représentant une hausse de 34 %, et ayant bénéficié de l’appui de 529 entreprises de l’industrie locale de matériaux de construction et de 131 363 opérations financées par des subventions entre 2012 et 2018, dont 57 % ont été menées à bien.

Quant aux chantiers en faveur du développement hydraulique du pays, ils ont connu des résultats positifs, avec des investissements approchant les 1 600 millions de pesos qui ont renforcé la construction ou la réhabilitation de plus de 2 000 kilomètres de réseaux de canalisations, conducteurs et collecteurs d’évacuation des eaux usées et de drainage, lesquels ont bénéficié à plus d’un million de personnes. En ce qui concerne les travaux d’aménagement hydraulique, la dérivation est-ouest s’est poursuivie, un renversement qui nécessite 800 millions de pesos et qui doit améliorer l’approvisionnement en eau des provinces de Holguín, Guantánamo, Las Tunas et le nord de Camagüey notamment.

Autre secteur touché en 2018, c’est celui des mines car la production de nickel et de cobalt a atteint environ 50 000 tonnes contre 56 000 l’année précédente, ce qui a mis en évidence le fait que la baisse de production constatée à partir de 2014 ne s’est toujours pas arrêtée.

Quant au secteur de l’énergie, on a atteint un coefficient d’intensité de 89 tonnes par millions de pesos de PIB, par rapport à un plan de 91,2, mais la quantité d’électricité générée par des sources renouvelables n’a pas été respectée et la production de pétrole équivalente a été maintenue autour de 3,5 millions de tonnes en 2018 à cause de l’assèchement des puits.

La plus forte croissance sectorielle est apparue dans le secteur du transport et des communications avec une hausse de 5,7 % en 2018, illustrée par le développement des installations portuaires de Mariel et du terminal polyvalent de Santiago de Cuba, ainsi que dans la relance progressive des FFCC (chemins de fer) et de l’informatisation de la société, la couverture par Internet étant devenue accessible pour environ la moitié de la population.

En ce qui concerne le tourisme, il convient d’ajouter, à propos de ce qui a déjà été noté dans une autre partie de cette étude, qu’il s’agit du secteur le plus prometteur en termes de croissance et d’association avec d’autres secteurs de l’économie nationale. Cependant, l’activité touristique voit toujours son rendement affecté par des taux d’occupation linéaire de 55,4 % contre un plan à 66 % et par des coûts de 67 centimes par peso de recette brute, chiffres qui doivent être améliorés en raison de leur impact immédiat sur l’économie.

Le budget de l’État, pour sa part, a enregistré un déficit de 9 % du PIB pour un montant prévu de 11,4 %, toutefois supérieur aux 8,4 % de l’année 2017 quand l’économie avait progressé de 1,8 %. L’an dernier, les recettes ont été supérieures de 1,2 % alors que 2,5 % des dépenses n’ont pas été effectuées, en raison du niveau des investissements exécutés inférieur à ce qui avait été prévu.

Malgré les difficultés, on a maintenu l’aide nécessaire aux politiques sociales de base, ainsi qu’aux activités liées à la réparation des dommages causés par l’ouragan Irma et les allocations prévues, dont 3 600 millions de pesos pour le panier de la ménagère.

Au milieu des difficultés rencontrées en 2018, il a été possible de respecter un ensemble d’indicateurs sociaux de base.

Au chapitre de l’emploi et des salaires, on a enregistré un faible taux de chômage de 1,7 % ; l’emploi dans le secteur non étatique est estimé à 31 % des travailleurs, 580 828 d’entre eux travaillant pour leur propre compte. En même temps, le taux d’activité économique montre un fléchissement de 76,1 à 63,4 % entre 2011 et 2017, tendance à laquelle il faut prêter attention étant donné la structure démographique du pays.

Par ailleurs, il avait été prévu que le salaire moyen du secteur public atteindrait 779 pesos en 2018, mais dans le secteur des entreprises d’État celui-ci s’élevait déjà à 851 pesos par mois en septembre de l’an dernier, même si on estime que 62 % des travailleurs perçoivent encore un salaire inférieur à ce montant.

La question du salaire dans le secteur des administrations publiques est complexe et ne présente pas de changement ; on constate une érosion en particulier dans les tableaux d’effectifs des employés de l’éducation et du domaine scientifique, laquelle n’a pas cessé en 2018, les bas salaires étant un facteur de découragement à prendre en compte, notamment à cause du caractère stratégique de ces deux domaines.

D’autre part, un pas a été fait dans la bonne voie en portant le montant minimum de la pension des retraités à 242 pesos, et à 70 pesos celui des allocations d’aide sociale, bien que ces montants soient considérés comme insuffisants pour les besoins de ce segment de la population.

En dépit des hausses constatées dans les revenus de la population, on constate, compte tenu des informations disponibles actuellement, que son pouvoir d’achat moyen n’a pas augmenté dans la mesure où les prix sont restés élevés, particulièrement en ce qui concerne les marchés agricoles d’offre et de demande, les marchandises en libre accès et celles vendues dans les magasins collectant des devises, ainsi que les tarifs des transports non étatiques.

Les services sociaux de base dans le domaine de la santé ont été consolidés, le taux de mortalité infantile atteignant 4,0 pour mille enfants nés vivants, semblable à celui de l’année précédente. Dans le domaine de l’éducation, on a atteint de bons taux de scolarisation dans tous les enseignements.

Enfin, on est parvenu à augmenter d’un peu plus de 33 % les constructions de logements, 29 235 unités étant terminées dans l’année.

En outre, un plan sur dix ans a été publié pour résoudre la pénurie de logements au nombre de 929 695, dont 402 000 devant être réhabilités et 527 000
constructions neuves.

Il convient maintenant d’examiner les perspectives pour l’année 2019 et de se pencher sur quelques mesures à mettre en application qui pourraient améliorer la conjoncture économique à court et moyen termes. (À suivre)

Articles précédents : première partie, deuxième partie.