Appliquer la Constitution au jour le jour

Par Yudy Castro Morales 27 mars 2019

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L’activité législative intense qui découlera de la Constitution devra garantir qu’aucun article ne reste hors du champ juridique du pays et, plus que cela, qu’aucun article ne reste sans être appliqué.


Les députés ont une grande responsabilité dans l’exercice législatif. Photo : Tony Hernandez Mena

Comment sont faites les lois à Cuba ? Existe-t-il un seul processus pour cela ? Qui les propose ?

Ces questions pourraient être, sans doute, certaines des interrogations que beaucoup de gens peuvent avoir, surtout en ces jours où l’on parle tant de l’intense activité législative qui résultera de la Constitution une fois proclamée.

A Cuba aujourd’hui, il n’existe pas de norme qui unifie les moyens d’élaborer les lois avant de les soumettre à l’approbation de l’Assemblée Nationale du Pouvoir Populaire (ANPP). Toutefois, il existe bien un processus pour en suivre le déroulement lorsqu’elles arrivent là-bas, processus qui date de 1996 et qui, dans ce contexte de transformations, a besoin d’être actualisé.

Il faut souligner que lorsqu’un projet de loi est soumis à l’examen de l’Assemblée, il dispose déjà du consensus des députés. Ce débat fertile qui précède, avec des opinions diverses, discordantes que nous réclamons si souvent lors des sessions plénières, intervient, oui, mais préalablement. Rendre visible ce que nous faisons toujours, permettrait de dépouiller le Parlement de cette fausse unanimité qu’on lui attribue parfois.

Pour parvenir à cette approbation collective, un processus de discussion se déroule avec des réunions territoriales auxquelles participent les députés des provinces, les présidents de Conseils populaires, des spécialistes des thèmes en question, des juristes, des représentants d’organisations de masse et l’on y accepte même des courriels pour que les citoyens émettent leurs avis, comme cela fut fait récemment avec les projets de loi sur les Symboles Nationaux et la Pêche.

Mais au-delà de ces procédés, si l’on parle de l’élaboration des lois, avec quelques dispositions et des années de pratique qui a été plus ou moins efficiente, plus ou moins semblable entre différents organismes, insuffisante par moments et, en général, lente.

Pour cela, l’adjectif « intense » que nous utilisons si souvent, en plus de faire foi du volume de normes que l’on devrait édicter, suppose être aussi un défi si nous voulons être conséquents avec les propositions qui sont faites.

La Constitution elle-même, dans ses dispositions transitoires, établit une forme de guide sur quelques lois prioritaires comme la Loi électorale, celle qui concerne les Tribunaux et dispose, entre autre, ce qui se réfère au processus de consultation populaire et ce qui se rapporte au projet de Code de la Famille.

De plus, elle renvoie aux modifications qui devront être mises en œuvre pour rendre effectif ce qui est prévu à l’Article 99 sur la possibilité des citoyens d’accéder au système judiciaire en vue de réclamer ses droits.

Parmi ce qui est le plus significatif, il ressort peut-être l’approbation au terme d’un an d’application de la Constitution, d’un calendrier législatif qui permette la mise en œuvre de tous ses principes, avec des étapes, des responsables et qui soit ajusté à des priorités … et à des réalités.
C’est pour cela qu’à tous les niveaux, on a insisté sur l’importance de cette nouvelle étape et du rôle principal que tout le secteur juridique devra assumer.

QUI PROMEUT LES LOIS ?

Dans l’article 164 de la Constitution, il est spécifié qui en a la capacité, depuis le Président de la République jusqu’aux citoyens. Mais n’importe qui ne peut pas proposer une loi de sa propre initiative. Dans le cas où une proposition émane de citoyens, il faut que cette proposition soit par au moins 10 000 électeurs. Mais à Cuba nous nous sommes habitués à ce que les lois proviennent des Conseil d’Etat ou des Ministres et lorsqu’une proposition émane d’une Commission de l’Assemblée, cela paraît novateur comme cela est survenu, par exemple avec la Loi sur les symboles Nationaux. Et nous ne nous retenons même pas, parfois dans notre droit d’assister les députés au Parlement.

Face à cette nouvelle étape, la majorité des lois devra émaner des structures de gouvernement et cela implique, de fait, de la qualification, c’est-à-dire renforcer la culture juridique. Mais indépendamment de qui en prendra l’initiative, il y a quelque chose de plus transcendant : il ne peut rester un seul article du texte constitutionnel sans application concrète dans la législation du pays et plus que cela, il ne peut y avoir un seul article sans application comme cela est arrivé d’autres fois pour des raisons diverses.

DISPOSITIONS TRANSITOIRES DE LA NOUVELLE CONSTITUTION

  • Premièrement : Avant le délai de six mois après l’entrée en vigueur de la présente Constitution, l’Assemblée Nationale du Pouvoir Populaire approuve une nouvelle Loi Electorale qui réglemente l’élection des députés à l’Assemblée nationale, son Président , Vice-président et Secrétaire ; le Conseil d’Etat, le Président et le Vice-président de la République, les membres du Conseil Electoral National, les Gouverneurs et Vice-gouverneurs provinciaux, les délégués aux Assemblées municipales du Pouvoir Populaire, leur Président et Vice-président.
  • Septièmement : L’Assemblée Nationale du Pouvoir Populaire, dans le délai d’un an après l’entrée en vigueur de la Constitution, approuve son règlement et celui du Conseil d’Etat.
  • Huitièmement : Le Conseil des Ministres, dans le délai de deux ans d’entrée en vigueur de la Constitution, présente à l’Assemblée Nationale du Pouvoir Populaire le projet de règlement de cet organisme et celui des gouvernements provinciaux.
  • Neuvièmement : L’Assemblée Nationale du pouvoir Populaire dans le délai de deux ans d’entrée en vigueur de la Constitution, approuve le règlement des assemblées municipales du Pouvoir Populaire et de ses conseils d’administration.
  • Dixièmement : Le Conseil de Gouvernement du Tribunal Suprême Populaire, dans le délai de dix-huit mois, présente à l’Assemblée Nationale du Pouvoir Populaire le projet de Loi des Tribunaux Populaires ajusté aux modifications établies par la présente Constitution tout comme les modifications de la Loi de Procédure pénale, la Loi de Procédure Civile, Administrative, économique et du travail qui correspondent.
  • Onzièmement : Compte tenu des résultats de la Consultation Populaire réalisée, l’Assemblée Nationale du Pouvoir Populaire devra, dans le délai de deux ans d’entrée en vigueur de la Constitution, initier le processus de consultation populaire et ce qui relève du projet de Code de la Famille dans lequel devra figurer la forme de constituer un couple.
  • Douzièmement : L’Assemblée Nationale du Pouvoir Populaire, dans le délai de dix-huit mois après l’entrée en vigueur de la Constitution, approuve les modifications législatives requises pour rendre effectif ce qui est prévu dans son Article 99, sur la possibilité des citoyens d’accéder au système judiciaire en vue de réclamer ses droits.
  • Treizièmement : L’Assemblée Nationale du Pouvoir Populaire approuve, dans le délai d’un an après l’entrée en vigueur de la Constitution, un calendrier législatif qui permette l’application des lois qui établissent les préceptes de cette Constitution.

ARTICLE 99

  • La personne dont les droits reconnus par cette Constitution ne seraient pas respectés et qui par voie de conséquence subirait du tort ou préjudice de la part des organes de l’Etat, ses dirigeants, fonctionnaires ou employés par action ou omission indues de leurs fonctions ou de la part de particuliers ou entités non étatiques, a droit à demander devant les tribunaux la restitution de ses droits et obtenir réparation ou indemnisation en conformité avec la loi.
  • La Loi garantit ces droits ainsi que la méthode préférentielle, rapide et concise pour sa mise en œuvre.

ARTICLE 164

  • L’initiative d’une loi revient : au Président de la République ; aux députés de l’Assemblée Nationale du Pouvoir Populaire ; au Conseil d’Etat ; au Conseil des Ministres ; aux commissions de l’Assemblée Nationale du Pouvoir Populaire ; au Conseil de la Centrale des Travailleurs de Cuba et aux directions nationales des autres organisations de masse et sociales ; au Conseil de gouvernement du Tribunal Suprême Populaire dans le domaine relatif à l’administration de la justice ; au Ministère public général de la République dans son champ de compétence ; à l’Inspection Générale des Finances de la République dans son champ de compétence ; au Conseil Electoral National en matière électorale et aux citoyens. Dans ce dernier cas, il sera requis et indispensable que cette initiative relève d’au minimum dix mille électeurs. La Loi dispose de la méthode pour rendre effective son application.