Le pari fou d’un Corrézien de produire un charbon de bois durable à Cuba

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Mettre en place une filière de charbon de bois durable à Cuba tout en éradiquant le marabù, un arbre qui a envahi 800.000 hectares de terres agricoles, tel est le pari en passe d’être réussi par Philippe Maus, un chef d’entreprise basé à Ussel (Corrèze).

Un article de Dominique DIOGON publié sur le quotidien LA MONTAGNE.

 

 

 

Le pari fou d’un Corrézien de produire un charbon de bois durable à Cuba

Marabù Cuba 3

 

Les après-midisde farniente sur les bords de la piscine de l’hôtel Nacional, le palace au charme suranné de la Havane. Ou les séances intensives de bronzage sur l’immense langue de sable blanc de Varadero. Très peu pour lui. À raison de quatre voyages par an minimum depuis 2015, Philippe Maus s’est inventé un tout autre type de circuit. Qui n’a rien de touristique.

’Mise en service dans un an et demi’

Le patron de MonSapin Forest Compagny, spécialisée comme son nom l’indique dans le sapin de Noël, touche presque au but. La recherche d’un financement pour la construction d’une première usine de charbon de bois dans l’île de la mer des Caraïbes vient d’entrer dans une phase active.

« Nous espérons une mise en service dans un an et demi », explique l’homme d’affaires, qui opère depuis Ussel en Corrèze.

La fabrication du charbon de bois à partir de la technique traditionnelle des meules se révèle très polluante et peu efficace.

Une pollution à limiter. Faute de moyens financiers et techniques suffisants, les Cubains coupent le marabù à la machette et letransforment en charbon de bois en le faisant brûler en meule. « Le problème, c’est que cette technique ancestrale est très mauvaise pour l’environnement et la santé des coupeurs. Nous recyclerons les gaz et fumées en énergie et les résidus seront transformés en biochar et charbon actif », avance Philippe Maus

Tout a commencé en mars 2015, quand Philippe Maus a accompagné Matthias Fekl, alors secrétaire d’État chargé du commerce extérieur, lors d’un voyage officiel à Cuba. « Le pays s’ouvrait aux investissements étrangers. Et je partais là-bas dans l’optique de monter un projet d’agroforesterie, alliant culture du cacao et forêt. Nous avons eu un rendez-vous au ministère de l’agriculture. Le courant est tellement bien passé que j’ai décidé de rester un mois entier pour me rendre réellement compte de l’environnement cubain. »

’Cela tenait par des bouts de ficelle’

Une immersion en forme de road trip de 1.000 km jusqu’à Baracoa à l’extrémité est de l’île, région où est cultivé le cacao. L’usine, construite en 1963 par le Che, comme les plantations, sont dans un tel état que le Corrézien doit se faire une raison.

En pleine croissance, la filière bois peine à recruter en Corrèze (2019)

« Cela tenait par des bouts de ficelle. Tout était à revoir. Mais dans mon périple, je me suis rendu compte qu’une plante envahissante, le marabù, colonisait dans certaines zones semi-arides 60 à 70 % des terres agricoles. Et comme je m’intéressais à la culture du guayule (lire ci-dessous) qui nécessite peu d’eau, je me suis dit qu’il y avait là une opportunité à saisir si l’on parvenait à éradiquer ces arbustes. »

Le marabù, un arbre invasif au bois très dur, a colonisé plus de 800.000 hectares de terres agricoles à Cuba.

Au même moment, l’Agence française de développement (AFD) montait un projet pour redynamiser l’élevage à Cuba. « Mais pour créer des prairies, il faut aussi enlever le marabù. C’est comme cela que l’AFD est venue me chercher pour m’intégrer dans son projet. »

Un produit d’exportation. Le but de la nouvelle filière franco-cubaine, qui prendra la forme d’une AEI (Association économique internationale) à 50-50, est d’exporter le charbon de bois de marabù afin de faire rentrer des devises dans le pays. « Le marché est colossal. La France en importe 110.000 tonnes par an », explique Philippe Maus.

Mais éradiquer le marabù grâce à une technologie plus moderne que la machette, c’est bien, trouver une valorisation durable sur le plan économique et écologique, c’est mieux. Grâce à l’obtention d’un FASEP (fonds d’études et d’aides au secteur privé), financé par le ministère français des finances, le consortium monté par Philippe Maus (lire ci-contre) a mené deux ans d’études. « Celles-ci ont validé la valorisation du marabù en trois coproduits : le charbon de bois, le biochar (intrant idéal pour l’agriculture biologique) et les plaquettes. Dans le cas du charbon, nous amenons une technologie quipermet d’en produire deux tonnes et demie contre une seule avec la méthode traditionnelle cubaine. »

’Nous réfléchissons à un financement participatif’

Reste maintenant à trouver le financement pour construire la première usine afin de donner corps à cette filière franco-cubaine. « Nous sommes confrontés au durcissement de l’embargo américain sur Cuba. Nous réfléchissons à un financement participatif pour le contourner ainsi qu’un recours aux fonds verts de la Cop21. Nous partirons aussi peut-être sur une technologie mobile, moins coûteuse, pour commencer », avance Philippe Maus

Le guayule, le futur du caoutchouc ?

Philippe Maus s’intéresse au guayule (photo d’un champ d’essai de la Cirad dans l’Hérault), une espèce de plantes dicotylédones de la famille des Asteraceae, originaire du Mexique, comme alternative à l’hévéa dans la production de caoutchouc.

« L’hévéa est touché par une maladie en Amérique du sud pour laquelle il n’existe aucun remède. Et si celle-ci venait à se répandre en Asie, ce serait une catastrophe mondiale, explique-t-il. Or, le guayule est, avec le pissenlit russe, la seule source économiquement viable. Il pousse dans des zones semi-désertiques. La plaine de Guantanamo à Cuba serait très adaptée. Nous avons signé un accord avec l’équivalent de l’Inra à Cuba pour l’implanter dans l’île. Nous espérons aboutir à un horizon de 5 ans. »

Le guayule, qui pousse dans les zones semi-arides, se pose en alternative majeur à l’hévéa pour la production de caoutchouc naturel.

Dominique Diogon