Quatre places , 500 ans

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par Lili Chang , Melissa King , Mónica Mestre

Les deux tours de taille différente et la façade baroque de la Cathédrale en font l’un des monuments les plus importants du patrimoine Caribéen

Le soleil contracte les pavés, peut-être pleurent-ils, fatigués par la chaleur et le poids des ans. Des hommes en chemise et chapeau de paille jouent de la musique avec des maracas et deux guitares, la place d’Armes ressemble à Idilio, Cette reine vit naître la ville ; s’y ajoutèrent quatre autres pour donner vie à la Havane.

Que représente le Templete pour la Havane ?
Un témoin de la création de la ville à côté du Puerto de Carenas en 1519 . C’est l’identité de la ville, de ses habitants. Il fait partie de l’histoire, il est là chaque année, quand le 16 novembre les habitants célèbrent la fondation de la ville et rendent hommage au ceiba qui règne à l’intérieur.

Le Templete est le plus petit des monuments autour de la Place d’Armes mais le premier ouvrage civil à caractère notoirement néoclassique de La Havane.

Depuis quand es-tu ici ?
Depuis le 19 mars 1828. Mais la ville a commencé à vivre bien avant...
On dit qu’on y célébra la première messe et le premier conseil municipal à l’ombre d’un ceiba. Le gouverneur Francisco Cagigal fit ériger une colonne commémorative jusqu’à ce que, en 1927, le gouverneur de l’île , Don Francisco Dionisio Vives y Planes, Comte de Cuba, devant sa détérioration décida de le restaurer et de construire un monument plus grand. Celui que tu vois aujourd’hui.

Et cette place ?
Ce fut la première, considérée comme le cœur de la ville intra-muros. Elle servit de place publique, accueillant les maisons des principaux habitants. On édifia la Parroquial Mayor, qui lui donna le nom de Plaza de la Iglesia ou Plaza Mayor ; puis, avec le château de la Real Fuerza en 1577, elle fut réservée aux exercices militaires et aux revues de troupe ; elle perdit ainsi son caractère de centre public et devint la Plaza de Armas.

Plus tard, de nouvelles constructions donnèrent à la place ses dimensions actuelles. En 1772, sur le terrain de la Parroquial , on construisit le Palacio de Correos et Intendencia , plus connu sous le nom de Palacio del segundo Cabo ainsi que le Palacio de los Capitanes Generales. Ces deux édifices publics symbolisent le mieux la période coloniale, la puissance économique et militaire des autorités de l’époque ainsi que le style baroque.

Dans le périmètre de la Place se trouvaient à l’époque coloniale le siège des autorités civiles et militaires ainsi que l’église paroissiale de la Ville

Mais Céspedes est là...
Oui, depuis 1955 la statue de Carlos Manuel de Céspedes, par l’artiste cubain Sergio López Mesa, a remplacé celle du roi espagnol Fernando VII qui trônait depuis 1834, sous le gouvernement de Don Miguel de Tacón et réalisée par le sculpteur Antonio Solá ; elle se trouve encore sur le portail du Palacio de los Capitanes Generales,

Combien de ceibas ont été plantés ici ?
Un certain nombre. On a conservé le premier jusqu’en 1753. Entre 55 et 57 on en a planté trois ; un seul survivra jusqu’en 1827. L’année suivante on en a resemé trois ; un seul s’enracina et dura jusqu’en 1959. On en planta un autre qui dura jusqu’en 2016 : il fut déterré car rongé par les termites. En 2017 il fut remplacé par un autre âgé de 8 ans, de 6 mètres de haut et qui est toujours là.

Pour toi, qu’ont été ces presque 500 ans ?
Regarde-moi bien. Penses-tu que je suis aussi vieille ?

Qu’as-tu à me dire sur tes voisines ?
San Francisco a toujours été solennelle. La Cathédrale était connue comme Plaza de la Ciénaga (NdT : marécage) et la Plaza Vieja n’a jamais entretenu de relation avec un centre religieux. Ces places, de la même manière que Armas, portent dans leurs fondements les mémoires de La Havane.

Chroniques de Asís

Au 16ème siècle les eaux de la baie arrivaient jusqu’à la rue Oficios et se faufilaient au fond du Convento . Bien que l’église m’ait donné mon nom, ma raison d’être ne fut jamais la religion.

Etre une place âgée de presque 500 ans donne droit à des centaines de récits. Depuis qu’on m’a donné le même nom que le Convento , San Francisco de Asís , jusqu’à ce que je devienne, durant le 15ème siècle, l’endroit le plus public de la ville.

En 1592, on inaugura le premier aqueduc de Cuba, premier ouvrage civil des Amériques, notre Zanja Real. On installa chez toutes mes voisines un système de fontaines. Actuellement, sur mon territoire se trouve celle des lions.

La Place San Francisco de Asís vers 1631 était l’endroit le plus publique de la ville

J’ai toujours aimé observer les processions du vendredi saint dans la rue Amargura, où l’on parcourait les stations du chemin de croix jusqu’à l’église del Santo Cristo del Buen Viaje.

Avec les années, j’ai assumé le rôle de centre civique. La vie fut bien animée durant cette période : des fêtes partout, tout particulièrement les Ferias de San Francisco.
En1842 on détruisit la muraille adossée au Convento pour construire en pierre une jetée sur pilotis. Un vent de réforme inondait ma Havane.

A l’aube du 18ème siècle le gouvernement réalisa une série de travaux. On empierra la rue de los Oficios et on termina les travaux du Convento de San Francisco de Asís. La majestueuse église posséda, après sa reconstructio , la tour la plus haute de l’île. Comme elle a dû m’envier ma voisine de Armas !

A cette époque j’eus les meilleurs voisins qu’une place pouvait espérer. De nobles membres de l’aristocratie de la Havane embellissaient mes alentours avec des éléments les plus délicats de l’architecture de l’époque ; les Marqueses de San Felipe y Santiago, à l’angle des rues de los Oficios et Amargura en sont un bel exemple.
20ème siècle. Les somptueuses demeures qui m’entouraient assument d’autres fonctions . On a construit le bâtiment de la Lonja del Comercio pour développer les opérations commerciales. Un an plus tard fut créé le bâtiment de la douane. Depuis, je ne vois plus la mer .

Durant le 20ème siècle on a construit à proximité de la place la Lonja del comercio .

Ces constructions accentuèrent le caractère mercantile qu’a depuis toujours connu ce coin de La Havane.

Fragments d’une Plaza Vieja

la Plaza Vieja rajeunit tous les soirs, illuminée par les bars et les restaurants qui l’entourent ; ils accueillent amis et amoureux séduits par la beauté des édifices et la tranquillité de cet environnement colonial où cohabitent le baroque cubain et l’Art Nouveau inspiré de Gaudí.

Elle surgit comme un espace ouvert en 1559, après la plaza de Armas et celle de San Francisco. Construite à seulement 100 mètres de cette dernière, elle permit aux crieurs publics de ne pas perturber les messes du Convento de San Francisco de Asís. Elle fut crée dans un but purement commercial. Elle est ainsi la seule à ne pas être associée à un édifice religieux.

La plaza Vieja, Plaza Nueva à ses début , fut un quartier résidentiel de la bourgeoisie créole

Au début appelée Plaza Nueva, elle fut un quartier résidentiel de la bourgeoisie créole. Les constructions qui l’entourent ont été restaurées mais elles conservent encore la beauté qu’avaient les résidences de la classe la plus aisée de la ville. Pendant l’époque néocoloniale elle connut diverses modifications, Elle devint un parc arboré dédié à Juan Bruno Zayas, puis accueillit un amphithéâtre avec un parking souterrain. En 1995 commencent les travaux de restauration pour lui redonner son aspect originel ; on réutilise chacun de ses espaces pour qu’elle devienne un centre culturel.

La Chambre Obscure, le Musée des cartes à jouer, le Planetarium, la Photothèque de Cuba, l’Usine de la Bière, le Palais Cueto et le Palais du comte de San Juan de Jaruco sont les principaux lieux qu’hébergent cette place aujourd’hui. Sans aucun doute, un endroit qui, sans renier ses valeurs historiques et patrimoniales, a trouvé sa place dans La Havane moderne.

La Cathédrale qui fut Ciénaga

La Cathédrale de San Cristóbal de La Havane est une destination obligée pour ceux qui visitent cette ville qui va avoir 500 ans. Ses deux tours de taille inégale et sa façade baroque en font l’un des sites avec la plus grande valeur symbolique et architecturale des Caraïbes. Sa construction débuta en 1748 à la demande des jésuites ; l’extérieur fut conçu par l’italien Francesco Borromini. En 1788 elle fut convertie en cathédrale sur ordre de l’évêque Felipe José de Tres Palacios.

Elle se trouve enclavée sur la Place de la Cathédrale, la dernière des cinq grandes places de la Havane ancienne. Sa façade reçoit des contrastes de lumières et d’ombres, favorisés par le climat de l’île et donne la sensation d’une place fermée, alors que ce n’est pas le cas.

Dans la seconde moitié du 16ème siècle des créoles y construisirent leurs demeures ; ils la baptisèrent Plaza de la Ciénaga parce qu’y arrivaient les eaux qui parcouraient la ville avant de se jeter dans la mer ; la place était inondée lors des marées. Le premier aqueduc de la ville, la Zanja Real , sortait par un trou percé dans un mur de la place. Aujourd’hui cet espace est connu sous le nom de Callejón del Chorro et signalé par une plaque commémorative.