Trois clefs du Parti de Fidel

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La grande œuvre de Fidel, selon le théologien brésilien Frei Betto, c’est la Révolution cubaine, qui n’a pas commencé le 1er janvier 1959, mais bien plus tôt, sans être toutefois achevée. Cependant, l’épine dorsale de ce projet monumental, édifié à seulement 90 miles de l’empire le plus puissant de l’Histoire, ne saurait être expliquée sans l’existence de son Parti

Auteur : Alejandra Garcia Elizalde | informacion@granmai.cu
27 novembre 2019 14:11:15

Comme Fidel et Raul nous l’ont enseigné, dans notre pays et dans notre société, un principe doit primer : l’exemple, qui se traduit en mérite, capacité et modestie. Photo : Granma Archive

La grande œuvre de Fidel, selon le théologien brésilien Frei Betto, c’est la Révolution cubaine, qui n’a pas commencé le 1er janvier 1959, mais bien plus tôt, sans être toutefois achevée. Cependant, l’épine dorsale de ce projet monumental, édifié à seulement 90 miles de l’empire le plus puissant de l’Histoire, ne saurait être expliquée sans l’existence de son Parti.

Des historiens, des philosophes, des écrivains et des journalistes renommés le confirment, en soulignant, entres autres, trois clefs qui soutiennent ce fabuleux instrument politique.

L’UNITÉ

L’unité fut pour Fidel une obsession. Il était timide ; il demandait presque l’autorisation d’être qui qu’il fut, « en dépit de tout son génie, de toute l’Histoire qu’il incarne ». Ainsi le décrit Frei Betto. Il se métamorphosait lorsqu’il se trouvait face à un défi ou lorsqu’il expliquait à des foules « l’art de construire une corrélation de forces sociales, politiques et militaires qui permette de transformer les conditions présentes de lutte, en rendant possible dans l’avenir ce qui sur le moment paraît impossible », ajoute la sociologue chilienne Marta Harnecker.

Il a compris, comme peu d’autres, que l’on n’obtient pas l’unité uniquement par le discours, mais par des actes, et que pour cela il faut être prêt à tout. « Il s’est exposé aux balles lorsque l’invasion est arrivée [à Playa Giron le 17 avril 1961] ; il a tenu tête aux ouragans d’égal à égal, d’ouragan en ouragan ; il survécut à 637 attentats, et ce ne fut ni par un envoûtement de Mandinga [Diable] ni par un miracle divin que cette nouvelle patrie a pu survivre à 10 présidents des États-Unis (12, à l’heure actuelle), qui avaient déjà noué leur serviette pour la dévorer avec un couteau et une fourchette », a écrit l’écrivain uruguayen Eduardo Galeano.

Pour faire face à des forces aussi puissantes que l’impérialisme étasunien et les oligarchies locales, la tâche principale d’un révolutionnaire de cette époque, avertissait souvent Fidel, c’était de créer l’unité des forces révolutionnaires. Ce n’est qu’après avoir réalisé un effort dans ce sens que l’on devait envisager un effort plus vaste. Cependant, signale Marta Harnecker, il ne se montra pas rigide dans cet objectif. Lorsqu’il n’atteignait pas ce but de façon immédiate, le leader de la Révolution ne s’arrêtait pas dans la recherche d’une unité plus vaste. Il insistait sur le fait que « nous ne devrions pas commencer par nous proposer des objectifs maxima, mais minima ».

Or, de tous les exploits de Fidel, l’un de ses héritages les plus importants fut la création du Parti, le principal instrument pour l’unité. Il savait que toute révolution est une guerre et que pour y faire face dans les meilleures conditions, il fallait « avoir un commandement unique qui soit capable de diriger les combats, en définissant clairement quel était l’ennemi stratégique et l’ennemi immédiat, la forme de lutte à adopter, la situation actuelle dans laquelle elle se trouve et la politique à suivre pour gagner de plus en plus de partisans contre cet ennemi immédiat », affirme Marta Harnecker lorsqu’elle se penche sur l’héritage du commandant en chef, dans ce qui serait sans doute l’un des derniers textes de cette théoricienne marxiste latino-américaine.

Le 3 octobre 1965 marque la création du premier Comité central du Parti communiste de Cuba (PCC) et la consolidation de l’instrument politique de l’unité. Lors de la cérémonie solennelle, Fidel lut la lettre d’adieu d’Ernesto Che Guevara, qui fut doublement symbolique : le Guérillero héroïque allait poursuivre le projet révolutionnaire dans « d’autres terres du monde (qui) réclame le concours de mes modestes efforts », écrivait le Che. C’était également le message envoyé par un archétype de communiste qui, dans une autre lettre adressée à Fidel, cette même année, avait écrit :

« Le Parti et chaque membre du Parti doit être l’avant-garde…La morale d’un communiste est son trophée le plus précieux, il doit conduire le soin de la morale individuelle… » (Lettre du Che à Fidel, le 26 mars 1965, avant son départ pour sa mission internationaliste au Congo)

Si la clef de ce Parti d’avant-garde était l’unité, l’inclusion devait être son essence. « Il n’y a pas de secteur révolutionnaire, social, qui ne soit pas représenté », devait expliquer Fidel en créant le Comité central, et il insisterait sur le fait que la Révolution devait être au-dessus de ce que chaque militant avait fait par le passé. L’important, c’était ce que toutes ces forces allaient faire ensemble dans l’avenir. C’est pourquoi, ajoute Harnecker, le leader cubain « n’a pas perçu de droits d’auteur et en dépit du fait que le Mouvement 26 Juillet ait été reconnu comme par l’immense majorité du peuple comme l’artisan de la victoire, Fidel abandonna alors le drapeau de son mouvement pour assumer la bannière de la Révolution ».

Fidel lui-même devait expliquer que c’est de l’union et de l’idée, de l’unité et de la doctrine, dans le creuset d’un processus révolutionnaire que « ce Parti a été formé. Et nous devrons veiller en permanence à ces deux choses, parce que ce sont nos piliers fondamentaux. »

L’EXEMPLE

Il a été confié au Parti communiste de Cuba l’objectif d’assurer et de défendre la Révolution de tout le peuple, avec la participation et l’organisation de ses travailleurs, paysans, techniciens, professionnels, étudiants et, en général, avec la jeunesse rebelle.

La logique d’organiser le pouvoir du peuple fut étroitement liée à celle de faire échec à toute tentative de coup d’État, d’invasion ou de siège, ce qui serait mis en évidence durant plus d’un demi-siècle, face aux agressions répétées de l’impérialisme et face au blocus économique, qui aurait fait tomber tout gouvernement qui n’aurait pas compté sur l’immense majorité du peuple organisé.

« Cependant, ce Parti n’aurait pas survécu sans une composante morale : l’exemple », affirme l’intellectuel mexicain Pablo Gonzalez Casanova.

Cuba fut le seul et unique pays qui maintient son projet socialiste d’un « monde moral », ou d’un « autre monde possible », comme on a coutume de le dire, ou d’« une autre organisation du travail et de la vie dans le monde », ajoute Gonzalez Casanova.

On a souvent entendu Fidel aborder ce sujet : « Dans notre société et dans notre Parti, un principe doit prévaloir : l’exemple, qui s’exprime par le mérite, la capacité, la modestie. » La plus grande aspiration de Fidel fut que le Parti ne perde jamais sa vertu, ce respect affectueux, ce respect fraternel et cette affection que les masses ressentent pour lui. Il doit être sacrifice et travail, abnégation, honneur, « mais il ne doit jamais un privilège », estimait Fidel en 1974, en prenant la parole devant l’Assemblée de bilan du PCC dans la province d’Oriente.

Aussi bien la pratique de la confrontation que celle de la concertation impliquent des mesures d’organisation de la morale, de la conscience et de la volonté collectives, et cela, c’est le Parti organisé par Fidel, déclare Pablo Gonzalez Casanova.

Le Parti communiste cubain a adopté une ligne de conduite claire selon laquelle la concertation peut avoir lieu au milieu de conflits et au milieu d’une lutte de classe, qui se poursuit y compris lorsque les consensus semblent prédominer. « L’expérience de Cuba à cet égard est immense, et pas seulement dans la défense de sa propre Révolution et à cause des divers affrontements et accords avec les États-Unis, mais pour avoir participé à la guerre en Angola contre l’armée de l’ancien pays colonialiste et raciste d’Afrique du Sud – la plus puissante du continent – et après avoir contribué à sa défaite et avoir réussi à le faire asseoir à la table des négociations jusqu’à parvenir à un compromis de paix », conclut Gonzalez Casanova.

LE SACRIFICE

« Il avait un sens de l’honneur chevaleresque, basé sur le sacrifice », selon l’écrivain uruguayen Eduardo Galeano. Le révolutionnaire et penseur cubain, Armando Hart, ancien ministre cubain de l’Éducation et de la Culture, interpréta cette vocation désintéressée du Parti comme des valeurs indissociables de la vie de son principal leader : « Cet homme qui a conçu, dirigé et défendu intelligemment et sans aucune hésitation, l’œuvre gigantesque de la Révolution cubaine était appelé à être un exemple très élevé et peu commun d’éthique, de culture, de sécurité, d’expérience et de fermeté des principes : le tout dans une même personne. »

Dès 1962, alors qu’il prononçait les paroles de clôture de la 7e Réunion nationale des Écoles d’enseignement révolutionnaire, le leader cubain souligna : « Le Parti n’est pas une sinécure. Le Parti est un sacrifice. On ne vient pas au Parti pour chercher quoi que ce soit. Surtout, enseignons à chaque révolutionnaire que l’on entre au Parti pour tout donner. »

Et le 14 mars 1974, devant cette même Assemblée de Santiago de Cuba, il ajouta :

« Le Parti doit avoir autorité devant les masses, non pas parce qu’il est le Parti, ou parce qu’il a le pouvoir, ou parce qu’il a la force ou parce qu’il a le pouvoir de prendre des décisions. Le Parti doit avoir autorité devant les masses pour son travail, pour son lien avec ces mêmes masses, pour ses relations avec les masses ; le Parti dans les masses, le Parti avec les masses, mais jamais au-dessus d’elles … »

Et de conclure : « …Le Parti ne doit jamais perdre cette vertu, le Parti ne doit jamais perdre ce respect affectueux, ce respect fraternel et cette affection que les masses ressentent pour lui, le Parti doit être sacrifice, le Parti doit être travail, le Parti doit être abnégation, le Parti doit être honneur, mais il ne doit jamais être un privilège. »