Code des familles : ouvert, inclusif, expression des temps nouveaux

Partager cet article facebook linkedin email

Le Code des familles, qui sera soumis à l’Assemblée nationale en mars 2021, devra intégrer les droits, les principes et les valeurs consacrés par la Constitution en vigueur et écarter les préjugés et les stéréotypes

Le nouveau Code des familles a désormais une date de présentation à l’Assemblée nationale : mars 2021. Il sera suivi de la consultation populaire, du débat avec les députés et de l’approbation définitive, par référendum, du texte qui en résultera, comme le dicte la 11e Disposition transitoire de la Constitution.

Il incombe auparavant aux spécialistes chargés de sa rédaction la haute responsabilité de rédiger un Code qui soit, selon les termes du Dr Leonardo Pérez Gallardo, président de la Société cubaine de Droit civil et familial, de l’Union nationale des juristes cubains, « ouvert, inclusif, qui embrasse les droits, les principes et les valeurs consacrés dans la Constitution et écarte les préjugés et les stéréotypes ».

Nous assistons, estime-t-il à une renaissance du Droit cubain. Toutefois, le grand défi de la Constitution réside dans sa propre application, soit comme norme suprême, avec une efficacité directe, soit à travers des réglementations d’application, parmi lesquels figure évidemment le Code des familles, « qui doit être l’expression des temps nouveaux ».

Un Code, insiste-t-il, « qui place l’affection, l’amour, la solidarité et la responsabilité sur le piédestal des valeurs juridiques ; un Code qui veille à une interprétation du Droit, à partir d’une vision axiologique, avec une approche des droits humains, qui dépasse les canons stricts dans lesquels les différents modèles familiaux ont été traditionnellement conçus ; un Code avec un regard pluraliste, beaucoup plus complet qui dépasse y compris les limites du Droit ».

En fin de compte, dit-il, « les familles demeurent pour toujours, elles nous identifient, non seulement en tant qu’enfants, parents, frères et sœurs, conjoints, compagnons de fait, partenaires affectifs, mais aussi, et essentiellement, en tant qu’êtres humains, quel que soit le modèle familial auquel nous appartenons ou que nous décidons construire ».

LE MARIAGE ET SES PARTICULARITÉS

De toutes les responsabilités du Code, la façon de constituer le mariage, telle que le texte constitutionnel l’établit, est probablement la plus complexe, et est sujet à des félicitations ou des questionnements, selon la diversité des analyses, depuis les plus inclusives et pluralistes jusqu’aux plus conservatrices, voire discriminatoires.

Nous ne pouvons cependant pas perdre de vue que le mariage n’est qu’une petite partie de la législation. Le nouveau Code des familles va beaucoup plus loin et doit également instrumenter les questions relatives à l’égalité et la reconnaissance de toutes les formes d’organisation des familles cubaines de nos jours ; les relations parentales et de parenté ; la protection des personnes âgées et des personnes en situation de handicap et la violence familiale, entre autres.

Concernant le mariage, il revient à la nouvelle réglementation, selon les termes de Pérez Gallardo, de déterminer les sujets entre lesquels il peut être contracté, leur nombre, l’autorité compétente pour son officialisation, les empêchements au mariage, les documents à fournir, ainsi que toute autre exigence pour son officialisation et ses effets juridiques, comme le dicte l’article 82 de la Constitution.

Contrairement à d’autres Constitutions du continent, explique le Dr Leonardo Pérez, qui est également professeur de la faculté de Droit de l’Université de La Havane, la Constitution cubaine considère le mariage comme l’une des sources d’organisation des familles, mais pas la principale.

Cela signifie, selon lui, que le mariage cesse d’être l’axe, au sens juridique, des relations familiales. « La famille issue du mariage est l’une de celles qui sont protégées par l’Article 81 de la Constitution, bien qu’elle ne soit pas la seule, ni exclusive ni préférentielle. »

De même, selon Leonardo Pérez, les buts constitutionnels du mariage ne sont pas réglementés, « ou du moins ne sont pas explicitement déterminés dans la Constitution ».

« L’Article 82 de la Constitution définit le mariage, fondé sur le libre consentement et dans l’égalité des droits et des obligations de ses membres ; mais il ne mentionne aucun but. C’est la clé pour comprendre que le mariage constitutionnel cubain n’est pas fondé sur l’hétérosexualité, associée au principe de non-discrimination pour quelque motif que ce soit en vertu de la Constitution ».

De même, le mariage doit être officialisé conformément aux normes imposées aujourd’hui par les conventions internationales, telles que la Convention relative aux Droits de l’enfant, à savoir, entre personnes adultes ou majeures, afin de protéger l’intérêt supérieur de l’enfant et de l’adolescent, qui est le principe recteur en matière de Droit de l’enfance.

Perez Gallardo souligne que rien ne justifie de contracter un mariage à un âge où la maturité n’a pas encore été atteinte, car cela entraîne des conséquences pour la famille, en particulier le fait d’avoir un enfant à un âge encore très précoce de l’adolescence.

Par ailleurs, précise-t-il, « les réglementations du mariage doivent également être conformes aux conventions internationales telles que celle relative aux droits des personnes handicapées et, par conséquent, répondre au principe constitutionnel qui régit le devoir de l’État, de la société et des familles en matière de protection, de promotion, d’inclusion et de participation sociale des personnes en situation de handicap, leur permettant d’assurer le plein exercice de leurs droits. De ce fait, les déficiences intellectuelles ou psychosociales ne doivent pas être considérées comme un obstacle au mariage ».

LE RESPECT DE TOUTES LES FAÇONS DE FORMER UNE FAMILLE

La Constitution reconnaît également, – et cela doit être inclus dans le nouveau Code des familles –, l’union de fait comme une autre source de formation des familles, qui est actuellement l’un des modèles familiaux les plus courants, et pas seulement à Cuba. Les faibles taux de mariage et les taux élevés de divorce en sont la preuve.

Selon Pérez Gallardo, « la Constitution rompt ainsi avec une longue tradition à Cuba, qui remonte à la Constitution de 1940, consistant à tenter d’assimiler l’union de fait au mariage ».

Le mariage n’est plus désormais, comme on l’a répété, la seule source factuelle de relations familiales, de sorte que la personne a la possibilité, sur la base du droit au libre développement de la personnalité, de choisir le modèle familial qui correspond à son projet de vie, ou simplement de ne pas constituer une nouvelle famille.

Le chemin qui mènera au nouveau Droit des familles à Cuba sera long et étroit, signale le Dr Leonardo Pérez. Mais « ce n’est qu’avec le sens de la justice, la solidarité familiale, l’intégrité et des esprits ouverts, cultivés dans les valeurs de la diversité, la pluralité et l’inclusion, qu’il sera possible de construire ce Droit auquel nous sommes appelés politiquement et constitutionnellement ». 

PRÉCISIONS

Article 81 : Toute personne a le droit de fonder une famille. L’État reconnaît et protège les familles, quelle que soit leur forme d’organisation, en tant que cellule fondamentale de la société et crée les conditions pour garantir que la réalisation de leurs objectifs soit pleinement encouragée.

Elles se constituent à partir de liens juridiques ou de fait, de nature affective et reposent sur l’égalité des droits, des devoirs et des opportunités de leurs membres.

La protection juridique des différents types de familles est régie par la loi.

Article 82 : Le mariage est une institution sociale et juridique. C’est l’une des formes d’organisation des familles. Il est fondé sur le libre consentement et l’égalité des droits, des obligations et de la capacité juridique des conjoints.

La loi détermine la forme selon laquelle il est constitué et ses effets.

Elle reconnaît également l’union stable et unique avec capacité juridique, qui constitue de fait un projet de vie en commun qui, dans les conditions et les circonstances indiquées par la loi, génère les droits et les obligations qu’elle prévoit.

11e Disposition transitoire : Conformément aux résultats de la consultation populaire, l’Assemblée nationale du Pouvoir populaire engagera, dans un délai de deux ans à compter de l’entrée en vigueur de la Constitution, le processus de consultation populaire et de référendum sur le projet de Code des familles, dans lequel figurera la forme de constituer le mariage.