Leonardo Padura : "La littérature m’a sauvé la vie à bien des égards"

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Un entretien publié sur le site de franceCulture le samedi 11 janvier.

Les "Masterclasses" par Arnaud Laporte.

Dans le cadre du Festival littéraire "Le gout des autres" qui s’est tenu au Havre du 16 au 19 janvier 2020.

 Crédits : Adalberto Roque - AFP

Ses années de journalisme culturel, la censure cubaine, ses inspirations et le genre policier, Leonardo Padura se livre sur son parcours d’écrivain à Cuba et l’intensité de son travail d’écriture, au micro d’Arnaud Laporte, dans le cadre du festival Le Goût des Autres.

Mes histoires partent toujours de Cuba, démarrent à Cuba et reviennent à Cuba. Je veux être un écrivain cubain, qui habite à Cuba. Leonardo Padura

Leonardo Padura est né en 1955 à La Havane à Cuba. Il est journaliste, scénariste, écrivain, auteur de nombreux romans policiers et lauréat de nombreux prix. Le journalisme a occupé la première partie de sa vie d’abord au sein de la revue culturelle El Caiman Barbudo, puis dans le journal Juventud Rebelde où il a signé des critiques littéraires. Il devient ensuite rédacteur en chef jusqu’en 1995, de la revue la plus importante de Cuba : La Gazeta de Cuba

Des années de journalisme qui ont construit l’écrivain

La période où je travaillais dans un journal a été très profitable pour moi. J’ai commencé à écrire des critiques littéraires en même temps que j’écrivais mes premières nouvelles. La destinée existe car il fallait que je passe par ce travail quotidien au journal pour que je me construise en tant qu’écrivain. Je dois dire que étant donné que c’était à Cuba, j’étais un journaliste très libre qui a pu écrire sur tout ce qu’il voulait. J’ai écrit mes reportages comme des nouvelles, et j’ai expérimenté des structures parallèles, différentes voies narratives. J’ai atteint le comble du journalisme lorsque j’ai interviewé un mort, c’était une ressource purement littéraire. [...] Vers 1981, je commence à écrire mes premiers textes et en 1983, je décide d’écrire une nouvelle un peu pluslongue. [...] C’est devenu finalement mon premier roman qui est un roman d’apprentissage, Fièvre de cheval, et j’ai tous les doutes et toutes les interrogations d’un débutant. Mais c’est un roman dont je n’ai pas honte, c’est un roman très digne. Leonardo Padura

Le personnage de Mario Conde

Ce n’est qu’en 1988, à 33 ans qu’il publie son premier livre traduit littéralement Fièvre de cheval. En 1991, son roman Passé parfait ouvre la tétralogie des Quatre Saisons où ses lecteurs vont faire connaissance du personnage Mario Conde. Avec le roman policier, Leonardo Padura a sûrement trouvé un moyen de contourner la censure de l’État cubain, pour parler au plus près de lasociété cubaine. (L’entretien est traduit par par Débora Farji-Haguet).

Lorsque j’ai créé le personnage de Mario Conde dans les années 1990 pour ’Passé Parfait’, je lui ai donné beaucoup de missions. Il devait être un policier cubain, qui marche en tant que cubain, et non en tant que policier. Un policier cultivé, très poli, quelqu’un de bien et c’est difficile à trouver partout dans le monde. Il avait la responsabilité d’être mes yeux dans ces romans. Il devait être de ma génération pour comprendre la perspective cubaine, de ce point de vue. Il devait donc me ressembler, avec une histoire personnelle similaire à la mienne. (...) Ce que j’ai essayé de faire avec Mario Conde dans l’évolution de sa vie, c’est d’avoir un regard extérieuret un regard intérieur. Le premier m’a permis de faire en sorte que Conde enregistre la réalité quotidienne et son évolution. Et le regard intérieur m’a permis de montrer ce que signifie le vieillissement de quelqu’un. Avec ces deux regards, j’ai fait en sorte qu’il soit proche de moi. Leonardo Padura 

Ses inspirations

J’ai écrit ’Fièvre de cheval’ lorsque j’ai lu ’Diamants sur canapé’ de Truman Capote. [...] Je peux mentionner quelques auteurs français que nous lisions à l’époque où j’étudiais : ’La Chanson de Roland’, tout le théâtre classique du XVIIe et XVIIIe siècle, dont Racine, tout le roman réaliste du XIXe siècle. Nous avons bien sûr lu Balzac, Stendhal, Flaubert, Zola... Ensuite nous avons lu toute la poésie surréaliste desannées 1920 et 1930. (...) Il y a deux découvertes qui m‘ont beaucoup marqué. D’un côté, le roman américain du 20ème siècle car c’est eux qui savent le mieux raconter des histoires, comme Hemingway, Dos Passos et Fitzgerald ou encore Paul Auster. Et parallèlement, j’ai trouvé chez les auteurs latinos-américains, postérieurs à la décennie de 1960 ce que je voulais trouver en tant qu’écrivain. .

En audio, l’intégralité de l’interview :
Leonardo Padurahttps://www.franceculture.fr/emissions/la-grande-table-1ere-partie/leonardo-padura-une-melancolie-cubaine