Cuba territoire sans analphabétisme !

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Un article de Granma International du 19 décembre 2011 qui célèbre le 50e anniversaire de la formidable et courageuse campagne d’alphabétisation lancée par la toute jeune Révolution cubaine juste avant le débarquement des mercenaires nord américains à Playa Giron. C’est l’histoire de trois jeunes filles qui ont, pendant cette campagne d’alphabétisation participé également aux actions militaires contre les envahisseurs américains...

50e anniversaire de la campagne d’alphabétisation

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HECTOR ARTURO

ALBA, Patria et Lilavatti ont dépassé la soixantaine, mais elles conservent toujours la joie de vivre et l’énergie d’il y a 50 ans, lorsqu’elles sillonnaient les plaines et les montagnes pour apporter la lumière du savoir aux personnes illettrées.

Comme l’a dit notre Héros national José Marti :

« Tout homme a droit à l’éducation pour ensuite, en retour, contribuer à l’éducation des autres ».

Un an avant le lancement de la Campagne nationale d’alphabétisation, le commandant en chef Fidel Castro avait déclaré au monde, à l’Assemblée générale de l’ONU, qu’en 1961 Cuba éradiquerait l’analphabétisme une fois pour toutes.

Des milliers de jeunes répondirent à l’appel de la Révolution, et même les crimes des assassins à la solde de la CIA ne purent empêcher notre pays de devenir la plus grande salle de classe de la planète.

Pas même les parents, à l’époque hésitants, ne purent empêcher leurs enfants – certains n’avaient même pas encore fêté leurs 12 ans – de répondre présent à l’appel.

Parmi ces jeunes figuraient Patria Silva Trujillo, Alba Margarita Cortina Aguirre et Lilavatti Diaz de Villalvilla Carbo.

Patria avait 20 ans, Alba 17, et Lilavatti venait tout juste d’avoir 15 ans.

Au terme d’un bref cours préparatoire à Varadero, Alba et Patria surent qu’elles iraient apprendre à lire et à écrire aux habitants des Marais de Zapata.

C’est ainsi qu’elles se retrouvèrent aux prises avec les moustiques, les taons, les couleuvres, les crocodiles dans ces régions marécageuses où les maisonnettes paysannes étaient séparées par des grandes distances.

Mais ce n’était pas le pire, non. Le pire intervint à l’aube du 17 avril 1961, avec le débarquement des mercenaires de l’empire, qui avaient également pour mission de faire avorter coûte que coûte la Campagne d’alphabétisation lancée par la jeune Révolution cubaine.

Au loin, dans l’obscurité de l’horizon, où l’on ne peut savoir où commence le ciel ni où finit la mer, elles aperçurent les premières lumières. Patria monta dans une jeep avec un groupe de miliciens pour aller voir ce qui se passait.

La première rafale de calibre 50 fracassa le pare-brise du véhicule, qui fit aussitôt demi-tour, quittant l’endroit qui en quelques secondes se transforma en un véritable enfer.

Ils se réfugièrent dans la maison qui faisait office de poste de garde, sans armes, car il n’y en avait plus.

Les mercenaires encerclèrent l’endroit et leur proposèrent de se rendre, leur disant qu’ils étaient venus libérer Cuba du joug communiste. Ils refusèrent d’obtempérer à cette sommation, et Patria passa la nuit avec un bazooka entre les mains, en compagnie d’un petit groupe de charbonniers et de pêcheurs, dont une fillette de 5 ans.

Au petit matin, commencèrent les interrogatoires, dirigés par un tel Andrew.

« Il me promit de m’envoyer à La Havane par avion si je me joignais à eux. J’ai répondu que je préférais faire le voyage à pied plutôt que de trahir les miens. Un autre homme, qu’ils appelaient « Kim le Chinois », demanda qui était la maîtresse communiste. Je lui rétorquai que c’était moi, que j’étais aussi catholique et socialiste. Il m’envoya ensuite sur la ligne de feu avec un groupe de mercenaires, et c’est là que j’ai pu voir combien ils étaient lâches.

« Ils ne nous donnèrent rien à manger ni à boire jusqu’au 19. C’est à partir de ce jour-là qu’ils ont commencé à tenter de s’échapper en barques. Ils nous ont enfermés dans une armoire et nous n’avons plus rien su d’eux. Finalement, les nôtres sont arrivés, et ils m’ont conduite à l’hôpital de Jagüey Grande, car j’étais couverte de sang. Ce n’était pas mon sang, mais celui d’autres blessés.

« Je suis aussitôt retournée dans les Marais pour finir d’apprendre à lire et à écrire à mes huit élèves ».

Patria fut faite prisonnière par les mercenaires. Mais en moins de trois jours, l’invasion fut écrasée.

Alba avait aussi demandé à être affectée dans les Marais de Zapata, et c’est ici qu’elle fut surprise par l’invasion mercenaire.

Courageuse et décidée, elle pensa que son père devait se trouver dans les parages, car il faisait partie des milices du 117e Bataillon. Elle quitta le groupe de paysans chargé de protéger les instituteurs et, à travers le maquis et les montagnes, elle partir en quête de son père.

Elle se disait aussi qu’elle pourrait aussi tomber sur son fiancé, qui était serveur de DCA.

« Quelqu’un me demanda son nom et me remit un bout de papier écrit par mon père, me disant qu’il se trouvait très près d’où nous étions, non loin de la sucrerie Covadonga.

« J’ai enfourché un cheval – je suis Havanaise, mais je m’étais bien adaptée à la vie de la campagne – et je suis partie au galop le long de la voie de chemin de fer.

« Les avions volaient en rase-mottes, mitraillant et pilonnant l’endroit. À plusieurs reprises, j’ai arrêté l’animal effrayé pour m’allonger dans le fossé, sur le bas côté de la ligne de chemin de fer, pour me couvrir la tête avec les bras et attendre que ça finisse, avant de repartir au galop retrouver mon père.

« Je suis finalement arrivée au Bataillon, et j’ai senti mon sang se glacer quand j’ai vu un camarade blessé qui lui ressemblait. Mais ce n’était pas lui, et une heure plus tard, nous étions ensemble. Il m’a rappelé qu’il m’avait donné la permission de prendre part à la Campagne d’alphabétisation, soulignant qu’il espérait vraiment que je n’allais pas le décevoir. Il dénicha une mitraillette tchèque pour moi, et je suis restée au Bataillon jusqu’au 18, m’occupant des blessés et aidant à préparer les repas de nos miliciens ».

Lilavatti fut envoyée beaucoup plus loin, dans le quartier La Represa de la sucrerie Antonio Guiteras, à Puerto Padre, dans la province de Las Tunas, dans l’est du pays.

Elle se rendait chaque jour dans le quartier de la Boca, pour s’occuper de ses cinq élèves adultes, des macheteros, des travailleurs agricoles qui se reconvertissaient en pêcheurs pendant la saison morte.

« Quelque temps plus tard, je fus nommé coordinatrice à Los Alamos, où je suis restée jusqu’à la fin de la Campagne d’alphabétisation. Nous sommes rentrés en train à La Havane.

« À notre arrivée, notre maison, dans le quartier de La Vibora, fut transformée pendant quelques jours en un véritable campement d’alphabétiseurs, car de nombreux brigadistes d’autres provinces étaient venus pour la cérémonie nationale prévue sur la Place de la Révolution.

« Quelques jours plus tôt, des gens étaient venus chez moi pour me proposer de prendre la parole au nom des alphabétiseurs. Je leur ai demandé pourquoi moi, et ils m’ont répondu qu’on avait pensé à moi parce que j’étais en quatrième année de baccalauréat et secrétaire générale de ma cellule de l’Association des jeunes rebelles (AJR) à l’Institut de La Vibora.

« J’ai acquiescé non sans leur avoir précisé que je n’écrirais pas mon discours, que je préférais improviser. Quelqu’un s’est exclamé : « Cette fille a du cran ! ». Tout le monde a été d’accord, et nous avons déterminé les points à aborder dans mon discours.

« Il pleuvait, ce 22 décembre. Une fois sur la tribune, j’ai été très touchée par la trompette annonçant la minute de silence à la mémoire des compatriotes tombés pendant la Campagne d’alphabétisation.

« J’ai ensuite pris la parole. Je dois avouer que je n’avais pas le trac, mais j’étais quand même très émue de me trouver si près de Fidel et de voir cette foule énorme venue fêter la victoire de notre peuple.

« J’ai conclu mon discours en signalant que la Campagne d’alphabétisation avait été une tâche titanesque, et que avions triomphé grâce aux martyrs, au peuple et à notre vaillante jeunesse.

« Je me suis ensuite retournée vers Fidel pour lui dire : « Mission accomplie. Nous ne te décevrons jamais ! Nous sommes revenus meilleurs révolutionnaires après avoir partagé la vie des paysans, que nous remercions pour leur hospitalité, leur générosité et leur affection. Nous resterons à la hauteur de notre Révolution qui a toujours fait confiance aux jeunes qui demain la dirigeront ! »

« J’ai enchaîné en lançant un appel à mes contemporains, les exhortant à être meilleurs, à redoubler d’efforts dans nos missions et d’être prêts à assumer n’importe quelle tâche qui nous serait confiée par la Révolution, car c’est ainsi que se doit d’être la jeunesse d’un pays socialiste ».

Patria a ensuite hissé l’énorme drapeau rouge qui proclamait Cuba comme un Territoire sans analphabétisme.

Cinquante ans se sont écoulés depuis ce véritable exploit, et cette expérience s’est ensuite étendue à 28 pays frères, où plus de 5 millions de personnes ont appris à lire et à écrire.

Aujourd’hui, Patria, Alba et Lilavatti sont fières d’avoir pu apporter leur modeste contribution à cette campagne d’alphabétisation sans précédent, qui permit de réaliser la promesse faite par Fidel à l’ONU, ainsi que la phrase qu’il prononça le vendredi 22 décembre 1961, au pied de la statue de notre Héros national José Marti : « Nous avons balayé quatre siècles d’ignorance… »