La Loi Helms-Burton

un instrument pour la reconquête néocoloniale de Cuba

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La Loi Helms-Burton : un instrument pour la reconquête néocoloniale de Cuba

Article de Elier Ramírez Cañedo internet@granma.cu du 18 février 2020, traduit par Pascale Hébert

La loi Helms-Burton est non seulement illégale et illégitime, mais elle n’est pas politiquement viable, étant donné qu’elle est ancrée dans un passé ignominieux que les Cubains ont dû surmonter à force de courage, de sacrifices, de sueur, de larmes et de sang sur plusieurs générations.

« En 1953 la famille cubaine avait un revenu de six pesos par semaine. Entre 15% et 20% de la force de travail était chroniquement sans emploi. (…) »

« D’une manière qui dressait contre nous le peuple de Cuba, nous avons usé de notre influence sur son Gouvernement pour favoriser les intérêts et augmenter les bénéfices des compagnies privées nord-américaines qui dominaient l’économie de l’île. Au début de 1959 les entreprises nord- américaines possédaient près de 40% des terres sucrières, presque tous les élevages de bétail, et 90% des mines et des concessions minières, 80% des services et pratiquement toute l’industrie du pétrole et elles fournissaient les deux tiers des importations de Cuba. »

« Peut-être que la plus désastreuse de nos erreurs a été la décision de porter aux nues et d’apporter notre soutien à l’une des dictatures les plus sanglantes et les plus répressives de la longue histoire de la répression latino-américaine. Fulgencio Batista a assassiné 20 000 Cubains en sept ans, une proportion de la population cubaine plus grande que celle des Nord-américains qui sont morts lors des deux grandes guerres mondiales. Des porte-paroles de notre Administration encensaient Batista, ils le présentaient comme un allié digne de confiance et un ami sûr alors même que Batista assassinait des milliers de citoyens, détruisait les derniers vestiges de liberté et volait des centaines de millions de dollars au peuple cubain. »

Ces paroles ont été prononcées par le jeune sénateur démocrate J. F. Kennedy pendant la campagne présidentielle de 1960. Le même Kennedy qui peu après, désormais sous la logique du système et comme président des Etats-Unis, aurait la responsabilité de l’invasion mercenaire de Playa Girón*, de l’approbation de l’Opération Mangouste**, de la signature de l’ordre exécutif qui a officialisé le blocus contre Cuba, mais qui explorait un rapprochement secret avec Cuba au moment où s’est produit son assassinat. Qu’elles aient fait partie de la démagogie électorale ou qu’elles aient été sincères, les paroles de Kennedy sur la Cuba des années 50 reflètent une réalité irréfutable. C’est précisément cette Cuba là qu’ont toujours voulu restaurer –ajustée à un nouveau contexte- les ennemis de la nation cubaine qui ont participé à l’élaboration de la Loi Helms-Burton de 1996 ou ont fait du lobbying en faveur de son approbation. Ce sont les mêmes secteurs réactionnaires de la plus pure culture « Platt » qui se retrouvent maintenant enhardis par le soutien inconditionnel de l’Administration de Donald Trump dans leur offensive d’hostilité envers la Révolution Cubaine. Situation qui a situé les relations bilatérales à leur point le plus bas depuis l’époque de W. Bush, avec des risques qu’elles continuent à empirer davantage encore.

On a beaucoup discuté sur l’égarement juridique, en violation ouverte du Droit International, qu’implique la Loi Helms-Burton, mais en première instance, tout cela part d’une aberration politique de groupes de pouvoir aux Etats-Unis qui représentent une pensée rétrograde qui refuse de disparaître et d’accepter une réalité beaucoup plus prometteuse pour leurs relations avec Cuba.

Quant à eux, les titres III et IV de la Loi ont reçu beaucoup plus d’attention médiatique, à cause de leur impact international ; cependant, sans ôter de l’importance à ces derniers, l’essence de la Loi repose sur les titres I et II, et de fait, dans une large mesure, les titres III et IV répondent à l’intérêt d’atteindre les objectifs fixés dans les deux premiers.

Dans sa lettre et dans son esprit, la Loi tout entière a un caractère extraterritorial et constitue une atteinte à la souveraineté de Cuba, parce qu’elle ne reconnaît pas le droit de la nation cubaine à l’indépendance et à l’autodétermination.

Comme on sait, c’est dans le titre I qu’est codifié le blocus, c’est-à-dire que toutes les régulations, mesures, ordres exécutifs et dispositions qui jusqu’à cette date faisaient partie des échafaudages de guerre économique contre Cuba sont alors transformés en Loi. De telle sorte qu’il se produit un transfert de prérogatives de l’exécutif au législatif quant à la possibilité de lever totalement le blocus de l’Île. C’est aussi dans celui-ci que sont renforcées toutes les sanctions internationales contre des pays tiers qui établiraient un genre quelconque de relation économico-commerciale avec Cuba ou lui apporteraient un genre quelconque d’assistance, de même qu’est officialisé le financement et le soutien général aux groupuscules contrerévolutionnaires qui agissent comme cinquième colonne sur l’Île.

Cependant, le titre III dépasse les limites de ce que nous pouvons considérer irrationnel et comme faisant partie la prétention impériale qui a caractérisé la politique des Etats-Unis envers Cuba. En lisant ce titre, il est impossible pour n’importe quel Cubain de ne pas établir de parallélisme avec l’amendement Platt, imposé de force par les Etats-Unis comme appendice de la Constitution de 1901. L’Amendement Platt constitue dans l’imaginaire cubain l’un des souvenirs les plus tristes et les plus odieux de ce qui fut l’ingérence et la domination nord-américaine sur l’Île pendant 60 ans de République Néocoloniale Bourgeoise. L’application de cet amendement a provoqué plusieurs interventions militaires ̶ directes ou préventives ̶ des Etats-Unis à Cuba, y compris une seconde occupation de 1906 à 1909. De telle sorte que le label « Platt », présent dans la Loi Helms-Burton, continue de provoquer le plus énergique rejet du peuple cubain, bien que le fait de prétendre internationaliser le blocus et d’établir des menaces à des tiers impliqués ou désireux de commercer et d’investir à Cuba a également fait s’élever nombre de cris de condamnation dans la communauté internationale, y compris à l’intérieur des Etats-Unis. Ce n’est pas pour rien que plusieurs analystes ont vu également dans la Loi Helms-Burton une espèce de corollaire de l’Amendement Platt et de la Doctrine de Monroë.

C’est dans la Loi Helms-Burton, et notamment dans son titre I, qu’ est ratifié le blocus économique, commercial et financier comme pierre angulaire de la politique agressive des Etats-Unis contre Cuba avec l’objectif de faire plier la volonté souveraine de toute une nation et de conditionner la levée des sanctions économiques au retour de Cuba dans la zone d’influence et de domination des Etats-Unis.

L’Amendement Platt donnait aux Etats-Unis le droit d’intervenir à Cuba à chaque fois qu’ils le considéreraient nécessaire, mais la Loi Helms-Burton va au-delà en établissant ce que le président et le congrès des Etats-Unis entendront comme un gouvernement de transition élu démocratiquement à Cuba pour lever à l’avenir le blocus et apporter une assistance économique.

Mais en nous situant hypothétiquement dans la situation où leurs rêves de reconquête néocoloniale capitaliste à Cuba seraient accomplis, la démesure est telle qu’elle indique déjà clairement qu’après l’instauration d’un gouvernement contrerévolutionnaire au pouvoir à Cuba, avec une démocratie représentative bourgeoise et le multipartisme, l’économie de marché, Radio Martí et TV Martí transmettant sans interférences, parmi d’autres conditions requises établies dans ce titre, le blocus continuerait encore d’exister. Avant sa levée définitive, d’après l’alinéa de sa section 205, ce gouvernement pro-yankee devrait rendre ou indemniser les propriétés confisquées par le gouvernement révolutionnaire cubain aux citoyens nord-américains le 1er janvier ou après.

Et pour bien prouver que cet élément est le plus important de ce titre, il déclare : « C’est le sentiment du Congrès que la liquidation satisfaisante des réclamations de propriétés de la part d’un Gouvernement cubain reconnu par les Etats-Unis continue d’être une condition indispensable pour le plein rétablissement des relations économiques et diplomatiques entre les Etats-Unis et Cuba ».

La date du 1er janvier 1959 est incluse très intentionnellement, car on ne parle pas là seulement des « 5 911 réclamations certifiées » jusqu’à l’approbation de la Loi Helms-Burton, mais on est en train d’y incorporer ceux qui n’étaient pas citoyens nord-américains lorsque s’est produit le processus de nationalisation et qui l’ont obtenue après, mais aussi les fidèles de Batista et toute la mafia qui s’est enfuie de Cuba dans les premiers jours de janvier 1959 lorsque s’est produit le triomphe de la Révolution et auxquels on n’a rien nationalisé, mais auxquels on a confisqué les propriétés qu’ils avaient laissées à l’abandon face à l’urgence de se savoir menacés de jugements pour malversation, vol, assassinat et torture. Cuba redeviendrait un pays qui aurait les pieds et les poings liés par le pouvoir étranger. De cette façon, est dévoilé sans fard le véritable objectif de la Loi Helms-Burton, qui explique aussi la raison d’Etat de la politique des Etats-Unis contre Cuba et l’essence du conflit entre les deux pays durant plus de deux siècles, et spécialement durant les six dernières décennies.

La plupart des secteurs qui ont conduit la politique des Etats-Unis envers Cuba, et parmi eux les défenseurs à outrance de la Loi Helms-Burton et les faucons qui aujourd’hui prédominent dans la définition de la politique envers l’Île, se moquent bien en réalité de la démocratie libérale et des droits de l’homme si cela ne leur assure pas par-dessus tout la conversion de l’Île en une enclave de domination yankee. Ce dernier point est ce qui est véritablement important pour leurs intérêts ; le premier point peut être fonctionnel, mais il n’est pas une condition sine qua non, même si on le dissimule dans le discours politique. La Loi Helms-Burton et le titre II auquel nous nous sommes référés sont truffés de langage trompeur et cynique. De fait, toute la loi est basée sur l’idée que Cuba est une menace non seulement pour la sécurité nationale des Etats-Unis, mais y compris pour la sécurité internationale. Lorsque les Etats-Unis parlent de « sécurité nationale » et même de « sécurité internationale », ce à quoi ils font en réalité allusion c’est à la sécurité impériale de la classe dominante de ce pays, aujourd’hui plus déchaînée et violente que jamais face à l’évident déclin de son hégémonie mondiale.

La loi Helms-Burton est non seulement illégale et illégitime, mais elle n’est pas politiquement viable, étant donné qu’elle est ancrée dans un passé ignominieux que les Cubains ont dû surmonter à force de courage, de sacrifices, de sueur, de larmes et de sang sur plusieurs générations, et auquel on ne pourrait revenir qu’en éliminant physiquement tout un peuple et en balayant depuis leurs fondements l’histoire, la tradition et la culture de la nation cubaine.

Comme l’avait fait observer Fidel en 1994 : « La normalisation des relations entre les deux pays est la seule alternative ; un blocus naval ne résoudrait rien, une bombe atomique, pour parler en langage figuré, non plus. Faire éclater notre pays comme on l’a prétendu et comme on le prétend encore, ne bénéficierait en rien aux intérêts des Etats-Unis. Il le rendrait ingouvernable pendant cent ans et la lutte ne s’arrêterait pas là. Seule la Révolution peut rendre viable la marche et l’avenir de ce pays ».

*Connue en France sous le nom de Baie des Cochons (NdT) **Plan secret destiné à stimuler une rébellion à Cuba contre le nouveau Gouvernement (NdT)

www.granma.cu/mundo/2020-02-18/ley-helms-burton-instrumento-para-la-reconquista-neocolonial-de-cuba-18-02-2020-23-02-18