Sergio Corrieri : du théâtre et du cinéma à la poésie

Partager cet article facebook linkedin email

Article d’Ana Rosa Perdomo Sangermès | Radio Enciclopedia | 31 Mar 2020. Publiè sur le site CUBARTE.

Il y a 15 ans, à l’occasion du 10e anniversaire de notre association que nous fêtions dans les jardins de l’ICAP, dont il était le Président, il avait tenu à venir à nos cotés. Hospitalisé, il avait obtenu une autorisation de sortie exceptionnelle pour venir fêter cet évènement en fauteuil roulant ... Nous ne saurions oublier cet homme de grand talent et d’énorme générosité...
RG

L’incursion du remarquable acteur et directeur de théâtre Sergio Corrieri dans le monde de la poésie est une facette presque inconnue et l’une des moins diffusées de sa vie, car son travail comme acteur a toujours accaparé l’attention de ceux qui ont vu chez lui l’homme à la foi profonde dans la capacité émancipatrice de la culture.

Sa disparition physique cela fait 12 ans a fauché sa passion plutôt intime pour les vers, qui remontait à un certain temps en arrière avec trois recueils de poèmes attrayants :Los Noventa (Les 90), Asuntos propios (Questions personnelles), Del mar y los peces (De la mer et des poissons), et avec le livre de contes También lo imaginado (Ce qu’on imagine aussi), où il reflète les expériences vécues dans la Plage de Jaimanitas, un endroit situé à l’ouest de la capitale cubaine et où son enfance s’est déroulée.

Deux autres recueils de poèmes inédits sont restés inachevés ainsi qu’un roman court portant sur la Troupe de Théâtre Escambray qui a été pour beaucoup sa plus grande création intellectuelle.

Considéré comme un des grands acteurs de théâtre et du cinéma cubains, Corrieri (Sergio Lucio Corrieri Hernández) a incarné de façon convaincante les rôles de l’intellectuel hésitant de Memorias del subdesarrollo (Mémoires du sous-développement), du combattant Alberto Delgado infiltré dans les bandes contre-révolutionnaires de El hombre de Maisinicú (L’homme de Maisinicú) et du jeune leader extraordinaire Julio Antonio Mella, dans le film de même nom.

Lorsque cela fait trois décennies on lui a demandé quel autre personnage, outre celui de Mella, il aurait aimé incarner au grand écran. Il a dit qu’il aurait choisi –non pas pour l’incarner lui mais, mais pour le voir- l’intellectuel et révolutionnaire Rubén Martínez Villena et Alfredo López, dirigeant du mouvement ouvrier cubain.

Il considérait qu’avec un film dédié à Mella ni le thème ni l’époque n’étaient épuisés car la vie d’un héros de cette taille mériterait d’être vue de nouveau plus en profondeur. À ce sujet, il avait déclaré qu’il ne pouvait pas dire que le personnage de Mella était celui qu’il avait eu plus de mal à incarner, mais que par contre c’était celui qui l’avait le plus préoccupé durant tout le temps d’étude du personnage et durant le tournage du film.

Il a redonné de la vie à d’autres personnages emblématiques dans le cinéma cubain avec Río Negro et Baraguá, jusqu’à compléter les 14 films auxquels il a participé avec ces rôles de tout premier plan qui lui ont survécu.

Répondant à la question : Préférez-vous le théâtre ou le cinéma ? Il avait signalé que si on l’envisageait d’un point de vue strictement interprétatif, le théâtre lui donnait plus de satisfaction, surtout en raison du facteur social et de communication avec le public. Et il a mis l’exemple de l’interaction qui s’établissait dans les présentations de la Troupe de Théâtre Escambray. Il considérait que le cinéma était quelque chose de différent, avec un charme très spécial, mais il n’oubliait pas qu’en ce qui concerne la portée et la massivité il était très supérieur au théâtre.

Mais il a eu la plus grande reconnaissance des Cubains avec le personnage David de En silencio ha tenido que ser (Tout a dû se faire dans le plus grand silence) et El regreso de David (Le retour de David), des séries télévisées qui renouvellent leur impact chaque fois qu’elles repassent à la télévision tout comme si elles venaient d’être tournées et qui ont toujours accaparé l’attention du public à la recherche de bons scénarios et de bonnes performances, mais surtout en raison du dévouement inconditionnel et de nombreux fois anonyme envers la Patrie.

Sa vie a été toute une expression cohérente de son engagement révolutionnaire, dans n’importe quelle tranchée de la vie intellectuelle, sociale et politique à Cuba et au-delà de ses frontières lorsque s’acquittant de ses fonctions en tant que président de l’Institut Cubain d’Amitié avec les Peuples (Icap) il a représenté la Révolution dans plus de 60 pays de tous les continents.

Sa qualité professionnelle, son dévouement et sa fidélité sans bornes lui ont valu l’amour et la reconnaissance immenses de son peuple et d’importantes distinctions décernées par le Conseil d’État de la République de Cuba dont les Ordres Félix Varela de Premier Degré et Alejo Carpentier, la Réplique de la Machette du Général Máximo Gómez et le Prix National de Théâtre en 2006.

Lorsqu’il a appris la nouvelle du décès de ce remarquable acteur, le Commandant en Chef Fidel Castro, dans sa Réflexion du 1er mars 2008 le plaçait de façon sublime « dans un quelconque bois de l’Escambray, où un arbre pousse avec sa mémoire ».