Sécheresse, construction et logement en ces temps de COVID-19

Partager cet article facebook linkedin email

Par Oscar Figueredo Reinaldo, Yunier Javier Sifonte Díaz, Dinella García Acosta

Mesa Redonda (Table Ronde), publiée dans Cubadebate le 28 avril 2020

Faire le point sur la sécheresse qui sévit dans le pays et sur les actions entreprises pour atténuer les effets sur la population, indiquer la contribution de la construction dans la bataille contre la COVID-19 et le bilan actuel du programme national du logement, tels furent les sujets principaux abordés.

La Ministre des Sciences, de la Technologie et de l’Environnement ainsi que le Ministre de la Construction, le Président de l’Institut National des Ressources Hydrauliques (INRH) et la Directrice Générale du Logement participent ce mardi à la Table Ronde.

La Ministre commença son intervention en alertant sur la sécheresse qui sévit dans le monde et dans le pays.

Cuba dispose d’un système hydrométéorologique qui, en étroite collaboration avec l’Institut National des Ressources Hydrauliques, analyse le climat et la sécheresse en particulier.

L’Institut de Météorologie de Casa Blanca, par exemple, dispose d’un Centre du climat qui met à jour les indicateurs des variables climatiques.
« La sécheresse est aujourd’hui l’un des phénomènes climatiques extrêmes que nous devons affronter et c’est complexe. Cela nécessite de la science, de la surveillance, de l’innovation et des moyens d’évaluation », affirma la ministre
Perez Montoya expliqua qu’il existe quatre types de sécheresse : la météorologique, l’agricole, l’hydrologique et la socio-économique.

« A cuba la première est très variable. Elle se manifeste de façon différente chaque année et dans chaque région. Le déficit de précipitations survient quand les pluies ont été très inférieures à la normale entraînant un important déséquilibre hydrique qui porte préjudice aux systèmes de production », précisa la ministre.

Pluies de janvier à mars 2020

88°/° du territoire national affecté par la sécheresse météorologique : 23% très sévèrement, 41% modérément et 24% faiblement.

La sécheresse météorologique est récurrente et l’impact du changement climatique peut modifier son intensité et sa fréquence, précisa-t-elle.

Les pluies cumulées en mars ont été très en-dessous de la normale et mars fut le mois le plus sec depuis 1961.

« Si on ajoute les niveaux bas de janvier et de février à la fin de ce trimestre 88°/° du territoire souffre de la sécheresse ».

Selon les prévisions cette sécheresse va durer, il est donc nécessaire de réduire son impact et de prendre des mesures.

Pérez Montoya précisa que la sécheresse agricole, vitale pour la production alimentaire, ne commence pas quand il cesse de pleuvoir, mais quand les racines des plantes ne peuvent plus trouver l’humidité du sol.

Au commencement de la période peu pluvieuse, en novembre 2019, ce phénomène couvrait environ 20°/°du territoire national, un résultat en-dessous de la moyenne habituelle.

Provinces et Municipalités subissant une sécheresse de sévère à extrême :
Pinar del Río, Artemisa, Matanzas, Cienfuegos, Villa Clara, Sancti Spiritus, Ciego de Ávila, Camagüey et Granma

« Cependant, à cause des faibles précipitations de ces derniers mois le nombre de régions touchées a augmenté . Fin avril pratiquement 99,2°/°du pays souffre de la sécheresse agricole ».

La région occidentale présente la situation la plus complexe, surtout les provinces de La Havane, Mayabeque et la municipalité d’Isla de la Juventud.
En mai commence la saison des pluies mais pas simultanément dans tout le pays, précisa-t-elle.

Normalement les mois les plus pluvieux sont mai, juin, septembre et octobre. Habituellement ils reçoivent 74°/°du total des pluies, signala-t-elle.

Pérez Montoya expliqua que la sécheresse sévit en plus dans un contexte de hausse des températures extrêmes, ce qui entraîne l’évaporation de l’eau.

Cependant dans les prochains mois les précipitations seront normales, c’est-à-dire, à leur niveau habituel ; et plus fortes au cours des mois d’août, septembre et octobre.

Prévisions de l’Institut Météorologique sur les précipitations de mai à juillet

« En temps de sécheresse météorologique, même s’il pleut beaucoup il est impossible de renverser la situation à court terme, la situation ne changera pas avant août, ce qui coïncide avec les mois de plus forte activité cyclonique ».
Même s’il pleut, le rattrapage ne se fera pas à cour terme.

En outre, « en ce moment le phénomène El Niño présente une phase normale, mais les modèles indiquent la proximité dans la saison cyclonique du phénomène La Niña, entraînant plus de pluies, mais aussi des ouragans ».

Il faut donc continuer à être vigilant car cela concerne différents secteurs. « Économiser l’eau est fondamental pour combattre la sécheresse, en plus de toutes les stratégies menées par le pays ».

La ministre recommanda aussi aux institutions et aux cuenta propistas (N.d.T. : travailleurs indépendants) d’utiliser les applications de l’Institut de Météorologie et de suivre sur les réseaux sociaux les prévisions à court et moyen terme sur l’impact de la sécheresse.

Recherche d’alternatives au manque d’eau.

Antonio Rodríguez, Président de l’INRH informe sur la grave sécheresse qui touche le pays, où les réservoirs sont remplis à 45°/°de leur capacité et 12 des bassins souterrains sont dans un état défavorable. On a augmenté la distribution d’eau par camions citerne.

Il commenta les mesures adoptées dans le pays pour diminuer l’impact de cette « sécheresse prolongée ».

Il rappela que le mois de mars a été le plus sec depuis 1961, et qu’ à la fin avril il avait plu seulement 17,3 mm , ce qui représente 24°/°de la moyenne.

« Ces deux derniers jours il a plu un peu et nous atteignons 26°/°. Les réservoirs sont remplis à 45°/° de leur capacité, avec 664 hectomètres en dessous de la moyenne habituelle ».

Dix provinces ont un taux de remplissage inférieur à 50% et deux inférieur à 25%, La Havane et Sancti Spiritus. « Concernant le mois de mars le taux de toutes les provinces et de la Isla de la Juventud est en baisse ».

Sur les 101 principaux bassins souterrains, 72 ont un niveau en baisse, 23 stable et 6 en hausse.

« Concernant La Havane, Ariguanabo est en baisse défavorable ; Cuenca Sur, en baisse normale ; Vento en baisse défavorable et Jaruco en baisse critique ».
La sécheresse affecte 406 sources d’approvisionnement, touchant plus de 708 000 personnes. « C’est pourquoi il a fallu chercher des alternatives comme l’allongement des cycles de distribution ou le recours à des camions citerne ».

On a appris au cours de cette Table Ronde que l’on distribue de l’eau par camions citerne à plus de 596 000 personnes et que les provinces dont la situation est la plus complexe sont Santiago, La Havane et Villa Clara.

Situation actuelle de la distribution d’eau par camions citerne.

Il faut ajouter 21 028 habitants qui reçoivent de l’eau par camions citerne suite à une rupture de matériel de pompage.
– Population totale affectée : 137 852 habitants dont 129 149 habitants avec des cycles de distribution de plus de 10 jours
– 30 690 habitants ont des cycles de plus de 7 jours, nombre en diminution.
– Les habitants ayant des cycles de plus de 7 jours sont concentrés dans 6 provinces.

Malgré cette situation, le Président de l’INRH affirma que les ressources pour maintenir et perfectionner le système hydraulique national sont préservées. « Nous allons continuer à effectuer des travaux pour éviter d’affecter la population. Dans toutes les provinces des programmes ont débuté en lien avec le Ministère de la Construction », précisa-t-il.

Situation très complexe à La Havane

Le Président nota que seul Cuenca Sur présente un état favorable. « Il a plu seulement 13°/° de la moyenne du mois, ainsi que dans les bassins qui alimentent la capitale dans les provinces d’Artemisa et Mayabeque ».

Actuellement il y a un déficit de 4 880 litres mais depuis la mise en service de la conduite d’eau de Cuenca Sur on a commencé à entrevoir un léger mieux dans les municipalités comme Diez de Octubre, Habana Vieja, Cerro et Plaza de la Revolución, au centre de la ville.

Malgré la contribution de la Dérivation de Maurín avec environ 200l/s , sont affectées les municipalités de Playa, Lisa et Marianao alimentées par le système Ariguanabo, en dessous du niveau du manteau terrestre à cause de la sécheresse. Les puits 5, 10 et13 fonctionnent par intermittence en ce moment et le puits 11 qui fournissait 240l/s, est surveillé et régulé à 150l/s ».

Tous les endroits de la ville présentant de grandes difficultés ont été identifiés. Plus de 70 000 personnes sont ravitaillées par camions citerne ; pour plus de 250 000 il a fallu changer les cycles de distribution et pour 150 000 les horaires » ajouta-t-il.

État de l’approvisionnement en eau. Zones touchées

Pour faire face à ces difficultés on mène plusieurs chantiers comme celui de Cuenca Sur, aujourd’hui terminé, le Système d’alimentation du barrage Maurín, le Système Coscuyuela, l’usine de dessalement de Playa, les points faciles d’accès dans la Habana Vieja, la recharge artificielle de Jaruco et le réseau hydraulique de San Miguel ainsi que la récupération des puits.

« Les principaux systèmes sont interconnectés, il nous reste à relier Arroyo Naranjo et Boyeros à Paso Seco. Nous voulons aussi améliorer les centres étatiques qui ont leur propre source d’approvisionnement ; l’eau a donc été rationnée pour plusieurs organismes pour éviter le gaspillage », dit-il.

Un autre programme privilégié est l’élimination des fuites d’eau. Au mois de mars on en a éliminé 1282 et malgré des problèmes de matière première on continue.

Pas d’arrêt de l’activité dans la construction

René Mesa Villafañas, ministre de la Construction, se réfère à un ensemble important de travaux liés à l’actuel combat contre le COVID-19.

On a continué à investir tout particulièrement dans l’entretien et la réparation, essentiellement dans le secteur de la santé, par exemple dans les centres d’isolement.

« Parmi les tâches prioritaires on trouve le programme hydraulique, l’alimentaire et le logement. On travaille aussi avec des investisseurs dans des domaines importants comme les sources d’énergie renouvelable. Nous travaillons dans des usines industrielles comme Antillana de Acero, le bloc électrique de 100MW dans le port de Mariel et la modernisation des usines de matériaux de construction et de ciment. »
Tous ces travaux se font en coordination avec les Conseils de Défense et dans le respect strict des orientations données par les dirigeants du pays.« 107 camps peuvent accueillir 16000 travailleurs, mais ils en hébergent seulement 6 000. Nous avons aussi procédé à des aménagements dans le planning d’exécution des travaux en tenant compte de la disponibilité des ouvriers, pour ne pas avoir trop de personnes à la fois ».

Une des tâches principales a été d’aménager des locaux pour l’isolement ; à ce jour 11 396 places sont disponibles, en particulier à la Havane.

Les hôpitaux qui accueillent les patients contaminés par le COVID-19 ont été réhabilités. Nous avons aménagé 1600 nouveaux lits à partir de la restructuration de petites chambres, mais il nous en reste environ 300 à terminer Nous avons aussi travaillé dans les cuisines et autres locaux importants.

René Mesa Villafañas a mis en avant le travail réalisé à l’hôpital de l’Université des Sciences Informatiques (UCI) qui a bénéficié d’une restauration totale ». On lui a ajouté deux blocs augmentant ainsi sa capacité à 670 lits. Nous avons 6 blocs dédiés à l’isolement des personnes et un au personnel de santé ».

A un autre moment de son intervention le ministre centra son exposé sur les principaux investissements du pays. « Pour cela on a garanti les ressources et les forces techniques nécessaires. Nous avons aussi privilégié les meilleures pratiques pour utiliser l’acier et le bois avec le plus d’efficacité. Une coordination avec l’industrie locale a été mise en place pour obtenir des produits de bonne qualité. Des consignes ont été données aux entreprises de conception et d’ingénierie pour qu’elles travaillent avec les matériaux locaux".

Le ministre précisa qu’on étudie aussi l’utilisation d’extenseurs, d’argiles calcinées, de différents types de chaux « qui mélangés au ciment peuvent donner des travaux de qualité ».

Pour les logements on a donné la priorité à la construction d’immeubles dans des locaux désaffectés ; on a désormais identifié 2 572 zones du pays ayant un potentiel de plus de 15 000 logements. Il y a déjà les fondations et les structures et les entresols sont en place. Il ne resterait donc qu’à les terminer ».

Il est nécessaire d’augmenter la production de matériaux de construction locaux »Il faut utiliser les argiles, la terre et nos autres ressources. On peut fabriquer aussi des éléments pour les murs et les sols. Nous pouvons même produire les câbles électriques et la tuyauterie des sanitaires, donna-t-il comme exemples.

Mesa Villfañas a mis l’accent sur la nécessité de la qualité ; les bureaux chargés de la qualité garantissent les années d’exploitation de ces ressources.

En conclusion il indique que malgré le problème du carburant le pays garantit le pétrole brut nécessaire à la fabrication du ciment. »Cette année on aspire à respecter le plan, chiffré à environ 1 million 400 000 tonnes ».

Programme du logement : avancer malgré les obstacles

Vivían Rodríguez Salazar, Directrice Générale du Logement au Ministère de la Construction

2019 fut la première année de la mise en œuvre de la Politique du Logement. Cuba a construit 44 500 habitations, 11 000 de plus que prévu par le plan. Cette année on espère en terminer 41 014 de plus.

« A la fin du premier trimestre nous avons livré 9558 logements par la voie de l’initiative personnelle, de l’octroi de subventions ou construits par l’État. Cela nous a permis de rattraper le retard et nous met dans une situation confortable pour les prochains mois. Nous n’avions pas obtenu de tels résultats au cours des cinq dernières années » commenta-t-elle.

Sur les logements prévus en 2020, les organismes de l’État doivent en construire un peu plus de 15 000, 12 000 subventionnés et environ 13 500 dus à l’initiative personnelle. Vivian Rodríguez Salazar reconnaît dans cet engagement le leadership des provinces de LasTunas, Artemisa et Mayabeque.

Attentif à la dynamique démographique, un programme comprend une part importante de construction de logements ; aujourd’hui on a recensé 11 805 mères avec au moins 3 enfants. On envisage de mieux les aider en leur accordant un logement ou bien en aidant à la réhabilitation ou à l’agrandissement des bâtiments.

« Ainsi 1762 femmes en ont bénéficié entre 2019 et le premier trimestre de cette année. L’année dernière le budget de l’État leur a consacré plus de 42,5 millions de pesos. Cette année il s’élève à 50 millions dont 30 millions ont déjà été distribués »

En outre Cuba participe à d’autres programmes faisant partie du plan général mis en œuvre par le pays.
– Réhabilitation de logements : à ce jour sur les 5 841 interventions, 197 réhabilitations complètes d’immeubles et 113 remplacements de réseaux sanitaires .
– Suppression des sols en terre : 7 583 effectuées, ce qui représente 14°/°des prévisions pour 2020.
– Suppression des »cuarterías »(N.d.T : immeubles multifamiliaux à usage collectif) : 92 effectuées et avancée dans le processus de livraison aux propriétaires.
– Dommages climatiques : à part quelques-unes à Camagüey, on a réparé les toitures complètement ou partiellement effondrées. Au cours de ce trimestre on a réparé 8 556 maisons totalement ou partiellement écroulées mais il en reste encore 58 000.

D’autre part, pour mettre en œuvre la Politique du Logement une des principales lignes directrices consiste à résoudre les problèmes avec les ressources disponibles, travailler avec les productions locales et transformer davantage de locaux de l’État en habitations.

En conclusion, « 15 000 immeubles sont prêts à devenir des logements, mais nous devons encore améliorer la rapidité des démarches et le soutien des organismes. Si nous y arrivons et si nous avançons bien dans les autres projets, nous pouvons respecter le programme du logement ».

Portfolio