Depuis la "Casa" avec Abel Prieto (Première Partie)

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COVID-19
et de ses implications pour la culture, l’idéologie et la politique dans le monde
interview de M. Abel Prieto Président de la Casa de las Américas
ancien Ministre Cubain de la Culture
nommé Officier des arts et des lettres en 2012
par l’ambassadeur de France à Cuba M. Jean Mendelson

Abel Prieto dans « la Casa de las Américas »[1]

Photos : Patricia Musoa

Plus mince que d’habitude, avec le masque exigé et un petit pot contenant un liquide avec lequel il se nettoie souvent les mains, on retrouve Abel Prieto Jiménez. Comme dans des entrevues précédentes, lorsqu’il a d’abord été ministre de la Culture, puis directeur du Bureau du programme Martiano et ensuite président de la Société Culturelle José Marti, assis confortablement dans un fauteuil a bascule. A cette occasion, il n’a pas eu à l’apporter avec lui, comme il le fait chaque fois qu’il assume un nouveau poste (en plus de ses livres), Roberto Fernandez Retamar les aimait aussi et en avait plusieurs à la Casa de las Américas, une institution clé dans la culture cubaine et dans les efforts d’intégration dans ce domaine et d’autres dans notre Amérique.

Depuis décembre de l’année dernière, Abel Prieto est le président de « La Casa de las Américas », le relais de Roberto Fernandez Retamar, qui n’est plus déjà physiquement dans ces espaces, bien que son esprit y est comme dans beaucoup d’autres endroits. L’affinité des fauteuils n’est pas la seule similitude entre deux hommes qui sont également indispensables dans l’histoire de la Révolution Cubaine.

Le Covid-19 a façonné le début d’Abel Prieto à « La Casa de las Américas » :« J’ai eu peu de temps, disons, pour travailler avec les gens, avec les incroyables potentiels que cette institution a ». Avec son humour habituel, il se corrige et précise que le Covid est féminin, bien qu’il ajoute qu’il est difficile d’imaginer une femme avec une telle méchanceté.

Il parle avec fierté du rôle de pas mal d’artistes et d’intellectuels qui, depuis les réseaux sociaux ont été en communication permanente avec ses adeptes en période d’isolement social : « La culture a une fonction de guérison, en termes spirituels on pourrait dire que l’artiste est un médecin de l’âme et moi, je crois que l’effort uni des artistes, des organisations et des institutions qui ont apporté aux gens des moments de joie, du plus propre et du plus pur sentiment d’être cubain, est vraiment très méritoire... Je crois que le fait d’essayer de faire que la culture accompagne les gens pendant la quarantaine c’est en réalité l’une des meilleures initiatives que j’ai vu, c’est réellement une nouvelle expérience pour les Cubains ».

Photos : Patricia Musoa

Notre conversation se déroule dans une salle mémorable en raison des personnalités qui l’ont fréquentée, des conversations que ces murs ont entendu et des images qui ont été immortalisées dans plusieurs documentaires. Pour insinuer, je dis que nos précédentes personnes interrogées ont répondu avec le masque ennuyeux, j’observe Abel, mais il estime qu’il ne peut pas parler dans ces conditions, comme il dit, « bâillonné » et demande humblement que si ce n’est pas très grave et ne comporte pas de sanctions, qu’on l’autorise à ne pas l’utiliser pendant l’entrevue. La profondeur de la salle signifie que nous pouvons être situés à plusieurs mètres de lui et ensuite profiter du mot libre.

A un moment donné dans la conversation et loin du conventionnel et des formalismes qui lui sont si étrangers, il fait référence à ses prédécesseurs à la direction de « La Casa de las Américas » : « Des figures comme Haydée, une héroïne dans tous le sens profond de ce grand mot, une femme qui, comme le dit Roberto, a tout marqué avec le feu de sa volonté, de sa vocation , de son impulsion de transformer pour mettre en place ; dirigée après par un extraordinaire artiste de l’avant-garde cubaine, Mariano Rodriguez, puis par Roberto Fernandez Retamar, peut-être l’un des plus grands essayistes de la langue espagnole et de toutes les langues, quelqu’un qui a suivi le fil de la pensée décolonisante qui va de Marti à Fidel et qui l’a vraiment conduit a des chemins éblouissants.

« Pour parler très clairement, je me sens petit, ce n’est pas une fausse modestie, tu me connais un peu et je n’ai rien à voir avec cela, je me sens petit face à la mission que la direction de la Révolution m’a donné et, en même temps, la quarantaine m’a surpris quand j’étais encore dans un moment préliminaire.

« Je dois faire l’impossible pour rendre l’institution plus présente, surtout dans notre région, dans un moment où de nombreux gouvernements progressistes ont fait marche arrière, c’est une étape très particulière de l’ Amérique latine et des les Caraïbes, il y a eu un moment d’or, parce que lorsque Chavez et Fidel signent le Fonds culturel Alba à La Cabaña lors d’une Foire du Livre de La Havane, c’était en réalité l’expression des idées qui avaient conduit à la fondation de « La Casa de las Américas », pour parvenir à l’intégration de la famille spirituelle latino-américaine et caribéenne par la biais de la culture et c’est après qui est arrivé ce qui s’est passé en Equateur, en Bolivie plus récemment, le piège judiciaire qu’ils ont fait à Dilma au Brésil , puis à Lula, le néo-fasciste de Bolsonaro faisant sortir nos médecins...’.

Fotos : Patricia Muñoa

Mais cette fois, le sujet de notre conversation est le même qui envahit tous les espaces possibles pendant des mois, la pandémie de coronavirus SRAS COV-2 qui a tant d’implications pour la vie, mais aussi pour la pensée et la culture du monde entier. Il commence par reconnaître que le Cubain est très ’tourné vers l’extérieur, vers l’étreinte, vers la rencontre de ses compatriotes, qu’il invente la raison de faire la fête et si elle n’existe pas, celle-ci apparaît rapidement, nous sommes très imaginatifs à l’heure de porter un toast pour toute occasion qui nous soit donnée et, à sa place, une sorte de recueillement inévitable.

’ Sans aucun doute, nous vivons une époque apocalyptique au niveau mondial, toute l’humanité a dû se confiner, se soumettre à des restrictions, changer ses habitudes de vie. Je crois que dans ce sens notre pays a été très strict, très rigoureux, et à mon avis, on est en train de constater les résultats de cette politique si sérieuse, si équilibrée, où tant d’informations ont été données aux gens, appelant à la discipline, à la collaboration.

« Chaque citoyen cubain doit être à la hauteur de l’effort extraordinaire et admirable que les dirigeants du pays font pour mettre fin à cette épidémie et éviter toute erreur, irresponsabilité, ce qu’on appelle un événement de transmission locale qui déclenche soudainement les chiffres des contagions et on recule. Cuba se porte bien, dans un monde où la plupart des pays se trompent malheureusement et beaucoup vont très mal.’

Les liens de la pandémie avec la culture et l’idéologie, tant à Cuba, comme dans la région que dans le monde, feront l’objet de la deuxième partie de cette interview de Casa avec Abel Prieto, à l’aide d’un fauteuil à bascule sans masque ; mais avec une distance responsable, de l’humour et de la cubanie.

Photos : Patricia Musoa Abel Prieto dans « la Casa de las Américas »[1]

[1] La Casa de las Américas (en Français : « Maison des Amériques ») est un organisme culturel cubain créé à La Havane le 28 avril 1959 par le gouvernement de Fidel Castro après sa prise de pouvoir.
La Casa de las Américas participe à la diffusion et aux échanges culturels, littéraires et scientifiques entre les États d’Amérique latine et les Caraïbes. Elle participe aux activités de promotion culturelle, à l’organisation de concerts, concours, expositions, festivals et séminaires.