Chronique culturelle mois d’août 2020

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La fin de l’été, et la rentrée, sont l’occasion de lectures« apprenantes » comme on dit joliment cet été 2020 en parlant de colonies de vacances au temps du COVID-19. Pour ceux qui veulent mieux connaître et comprendre Cubadeux livres, différents dans leur facture, mais plein d’informations et d’analyses, me paraissent à lire ou relire. Publiés il y a quinze et vingt ans ils n’en restent pas moins indispensables.

Cuba est une île

Danielle BLEITRACH, Jacques-François BONALDI, Viktor DEDAJ

Éditions Le Temps desCerises 2004

Présentation de l’éditeur

Le lecteur va tanguer, comme Cuba depuis un demi-siècle. Nous ne vous embarquons pas dans une croisière.Notre volonté d’éprouver de l’intérieur l’étranglement perpétré dansle silence général a créé néanmoins notre unité autour d’une conscience commune : nous n’aidons pas Cuba, mais c’est Cuba qui nous aide à comprendre, à lutter, à vivre...

La Critique duMonde Diplomatique -janvier 2005 , sous la plume de Maurice Lemoine, spécialiste de l’ Amérique latine.

« Cuba est une île »

Qu’on ne s’attende pas à trouver ici un ouvrage nuancé, équilibré, mettant en perspective les réussites, mais aussi les échecs, voire les fautes de la Révolutioncubaine. Il s’agit d’un plaidoyer quel’on qualifiera de ’procubain’. A ce titre, il irritera plus d’une fois. Toutefois, il possède un mérite indiscutable : donner à entendre la version cubaine de l’histoire, une voix systématiquement censurée dans le faux débat consistant à juger- et par définition à condamner !- La Havane.Au-delàdes réserves précédemment exprimées, ce livre se révèle infiniment plus sérieux que nombre d’ouvrages traitant du même thème et encensés par leTout-Parismédiatico-mondain- on pense ici, en particulier, au monument de malveillance qu’est Castro l’Infidèle de Serge Raffy (Fayard 2003). L’île est bien autre chose qu’un simple fragment de feu l’URSS sous le soleil des Caraïbes ! Comment analyser Cuba, comment même comprendre la vague répressive du printemps 2003, sans expliquer en détail, comme il est fait ici, l’implacable garrot serré par Washington à travers attentats terroristes, viol de la législation internationale et tentative de déstabilisation ?

Le second livre que je lis et relis toujours avec plaisir estle regard du célèbre écrivain catalan de romans policiers, créateur du détective privé Pepe Carvalho qui a servi de passeur de l’Espagne franquiste à la Barcelone des JeuxOlympiques. Portrait ici de Cuba jusqu’à la fin du siècle précédent, ce livre estun régal, plein d’informations et de rencontres avec les nombreux protagonistes cubains que connaît l’auteur.


Et Dieu est entré dans La Havane

Manuel Vázquez Montalbán

Le seuil 2001(traduit de l’espagnol par Monique Beguin-Clerc et Jean-Pierre Clerc).

Présentation de l’éditeur

En 1998, alors que l’effondrement des pays de l’Est a signifié pour Cuba la ruine de son économie et pour Rome la disparition de son ennemi principal,Jean-Paul II se rendait à la Havane et scellait avec Fidel Castro une rencontre historique. Pour Manuel Vázquez Montalbán, la visite papale a été l’occasion non seulement de donner longuement la parole, sur place, à ceux qui, du côté cubain comme du côté Vatican, ont œuvré à cet événement, mais aussi de recueillir, en Espagne et à Miami, la vision et l’analyse de ceux qui ont depuis longtemps affirmé leur distance avec la révolution cubaine. C’est donc une Cuba multiple qui s’exprime ici, celle de l’intérieur et de l’exil, de l’enthousiasme et de l’usure, du travail et de la prostitution, de la pénurie et de la dollarisation, une Cuba consciente de ses échecs mais qui coïncide avec laplupart des tendances de l’Église au moins en ceci : lamondialisation ducapitalisme se révèle incapable de satisfaire les besoins de l’immense majorité des hommes et conduit à une aggravation dramatique des inégalités et des injustices.

Écartant tout manichéisme, refusant de réduire la révolution cubaine au rôle de Fidel Castro et celui de l’Église à une mission dépassée, ce livre redonne tout leur sens à ce que peuvent et doivent être une parole et une pensée critiques.

La critique de Ramon Chao, journaliste, responsable du RFI en langueespagnole, inLe MondeDiplomatique Mars2OO1

Quel est l’état de la révolution, dans quel contexte se trouve Cuba au moment de la visite de Jean Paul II, le 15 janvier 1998 ? Manuel Vásquez Montalbán a lu, enquêté, interrogé. Il s’est même rendu plusieurs fois à Cuba et à Miami. Fidèle à sesconvictions, il a écrit un témoignage de quelque 600 pages qui s’inscrit dans son œuvre comme une pièce maîtresse. Il y traite d’économie, de politique, de stratégie, de dissidence, nous laissant percevoir quarante ans d’une révolution que l’auteur ne cesse de comparer à l’ajiaco, ce succulent plat créole fait d’épices, de légumes et de toute sorte de fruits tropicaux. L’auteur, tel un Pepe Carvalho idéologique, ose se promener au bord du fossé où se rencontrent politique et religion. Accessoirement, il analyse les espoirs et les résultats de la rencontre des deux « atlantes », Jean Paul II et Fidel Castro, leaders, l’un d’une croyance que Montalbán ne partage pas, et l’autre d’une révolution dont il se considère comme un ami critique, ou un critique bien qu’ami. Les idées reçues tombent, tant d’un côté que de l’autre, à la suite d’une investigation minutieuse. Le livre se termine de façon surprenante et peut-être symbolique, par un échange de lettres entre l’auteur et le sous-commandant Marcos, dans lesquelles le dirigeant zapatiste évoque sa vision du futur.

Ramon Chao

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