Comment l’ingéniosité cubaine permet de réduire les importations dans la production de nickel

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Entre les importations coûteuses des pièces nécessaires et la conception de la plupart des solutions dans l’industrie du nickel, l’équipe de l’Entreprise mécanique Comandante Gustavo Machin a choisi la seconde option

Auteur : Germán Veloz Placencia | german@granma.cu

Dans les ateliers de l’Entreprise Gustavo Machin, les décisions sont toujours prises collectivement. Photo : Juan Pablo Carreras

MOA, Holguin. — La réparation d’un seul des grands fours que l’Entreprise Ernesto Che Guevara utilise pour l’extraction du nickel, révèle un chiffre effrayant : elle coûte entre trois et cinq millions de pesos, et pour que l’usine – clé dans l’entrée de devises de le pays – ne s’arrête pas de fonctionner, il y a deux possibilités. : soit une importation onéreuse des pièces nécessaires, soit trouver à Cuba nos propres solutions.

L’équipe de l’Entreprise mécanique du nickel Comandante Gustavo Machin s’est chargée de mettre en œuvre la deuxième option, dans le cadre de la capitalisation de ce géant industriel, qui fabrique à l’heure actuelle plus de 70% des composants mécaniques de ces fours, notamment les énormes bras qui remuent le mélange de minerai. « Le four N°10, par exemple, est entré en opérations en septembre. Nous avons effectué pratiquement toute la tôlerie de la partie métallique extérieure, et à l’intérieur nous avons réparé le corps des carreaux réfractaires qui supportent les hautes températures », précise Martinez Mora, qui a ajouté que le four N°6, l’un des trois complètement réparés, a subi le même traitement, l’engagement étant d’en réparer en moyenne, quatre dans l’année.

VASTE ÉVENTAIL INDUSTRIEL

Le directeur confirme que 80% des ventes de l’entreprise, aussi bien en pièces qu’en fabrications métalliques, est destinée à l’entreprise Che Guevara. Les contrats incluent, entre autres, la réparation de décanteurs et des alambics, des éléments qui permettront également la récupération progressive de la capacité de l’usine.

« Depuis des années nous mettons en œuvre un travail systématique d’innovation et de développement. Nous avons réduit la quantité d’éléments importés dans la fabrication des bras, car nous utilisons de la ferraille provenant de parties qui ont été démontées de l’usine. Notre réussite, c’est d’avoir obtenu un alliage adapté », a-t-il expliqué.

Ils ont également créé une technique pour résoudre les problèmes qui apparaissent dans les nœuds de combustion des fourneaux, si bien qu’ils ont récupéré un type de brûleur très spécifique et ils ont poursuivi, le travail sur les régulateurs de pression, comme on peut le constater aujourd’hui

« À l’étranger, les brûleurs coûtent environ 5 000 dollars, mais à l’heure actuelle nous investissons moins dans leur achat, car nous leur augmentons leur vie utile. Du fait que nous fabriquons les pièces, certaines d’entre elles dans le cadre des enchaînements de production avec l’industrie militaire, nous avons l’option de les changer quand cela est nécessaire. Néanmoins, le choix n’est pas seulement un problème d’argent, mais aussi d’obstacles auxquels nous sommes confrontés à cause du blocus au moment de les acheter. »

De la même façon, grâce à l’innovation, ils ont réussi à supprimer de la liste du matériel à importer, les éléments principaux des pompes utilisées dans les systèmes de recirculation de l’usine. Le fait qu’ils disposent de leurs propres personnels pour la maintenance et à la réparation des moteurs et des transformateurs électriques de différentes puissances et dimensions, le montage de tout ce qui est fabriqué dans les ateliers, la protection anticorrosive des structures métalliques, la remise en état technique des équipements automoteurs, aussi bien les légers que les megacamions qui tirent le minerai, libère l’entreprise d’énormes dépenses supplémentaires. Par ailleurs, le colosse industriel ne renonce pas à d’autres projections, comme la recherche de financement qui permettraient de réaliser des investissements visant l’augmentation de la capacité technologique. En attendant cette opportunité, l’entreprise s’attache à réparer les tours et autres machines installés dans les ateliers. Elle dispose de l’essentiel : un capital humain bien formé.

LES ENCHAÎNEMENTS PRODUCTIFS

L’entreprise mécanique de nickel Comandante Gustavo Machin offre toute les garanties, conformément à la décision du pays, de poursuivre la production – en dépit de la COVID-19 – sur les sites des entreprises Comandante Che Guevara et Comandante René Ramos Latour, les deux piliers nationaux quant à la production du nickel.

Lors d’une émission télévisée de la Table ronde à la fin du mois d’août, le ministre de l’Énergie et des Mines, Livan Arronte Cruz, a tracé à grands traits la stratégie de ce ministère, affirmant que la volonté est de maintenir les investissements dans ce secteur, notamment dans la capitalisation de l’usine Che Guevara. Il a été prévu, a-t-il déclaré, de « renforcer les fabrications des ressources nécessaires pour la production et le soutien à l’industrie, en encourageant le programme de récupération des parties et des pièces des principaux équipements, que cela soit dans les installations elles-mêmes de l’usine ou dans les entreprises cubaines spécialisées dans cette activité ».

Selon l’ingénieur Eder Manuel Oliveros Garcell, directeur général du Groupe d’entreprise Cubaniquel, à l’heure actuelle les relations avec d’autres entreprises acquièrent une dimension supérieure. En premier lieu, il signale les liens avec l’Usine mécanique de Santa Clara qui, pour les fours, fabrique des tronçons de transporteurs rotatifs et de grandes roues dentées.

« Nous travaillons au développement d’un brûleur cubain avec l’Entreprise d’ingénierie et de projets pour l’électricité, de l’Union électrique, en même temps que nous apportons une aide technique au système de combustion des fours, tandis que l’Entreprise de maintenance des centrales électriques se charge de la réparation des transformateurs de grande puissance et des broyeurs de minerais. »

L’entreprise Oleo hidraulica, de la province de Cienfuegos, répare des cylindres, en plus de fabriquer des poulies, a-t-il ajouté.

Par ailleurs, a-t-il poursuivi, l’Unité d’entreprise de base Soluciones mécanicas Holguin intervient dans la réparation des bulldozers chargés des travaux miniers, et une entreprise qui opère avec la participation de capital étranger se révèle déterminante dans la maintenance du coefficient de disposition technique des camions de transport du minerai des deux usines de traitement du nickel.

UNE ÉQUIPE À TOUTE ÉPREUVE

L’assurance de la production du nickel a de nombreux artisans. Jesus Llorente, travailleur de l’entreprise mixte Comandante Pedro Soto Alba, accomplit les travaux quotidiens. Si le harnais était défectueux ou un autre des équipements de sécurité, ce serait une chute fatidique de 18 m du haut du réacteur, l’une des installations techniques indispensables dans le processus de production.

À ce risque impressionnant s’ajoute qu’il reste de la boue avec des résidus de souffre au fond. Dans un environnement aussi hostile, une simple rayure sur le revêtement anti-acide pourrait blesser n’importe qu’elle partie du corps. Mais le spécialiste semble ignorer le danger. « Nous sommes ainsi, les Pinto ! », s’exclame-t-il.

Carlos Manuel Jimenez, l’un des membres de la brigade, qui porte ce singulier surnom, explique que Jesus, et le collègue qui effectue une descente, ont devant eux une tâche difficile : « Ils vont nettoyer la croûte qui a adhéré aux parois, et s’ils trouvent des carreaux endommagés, ils devront les changer. »

Plus de 13 ans d’expérience lui permettent de donner des détails sur le déroulement des journées. « En général, chaque duo travaille sans interruption entre une heure ou une heure et demi. En haut se trouve un contrôleur chargé de remettre ou de retirer les outils nécessaires et d’évaluer les situations difficiles. » Tout cela fait partie d’une opération cyclique. Elle a lieu en fin de campagne dans les unités de lixiviation, chacune composée de quatre réacteurs.

« Les Pinto » assurent également la maintenance dans les différentes zones de l’usine, et interviennent régulièrement dans la mise en marche des équipements. Des hommes forts et vigoureux sont sélectionnés parmi le personnel de l’usine pour faire partie de cette brigade, car l’usure physique est terrible durant des quarts de travail de 24h, précise Carlos Manuel.

Si on lui demandait de dresser une liste de ceux qui se donnent le plus à leur travail, et trouvent des solutions à toutes les complications qui se présentent tout en continuant à assurer leur travail, il n’hésiterait pas à citer Joel Cruz Fonseca, Ermis Crespo Leyva, Jesus Llorente et Jorge Agustin Perez. Des exemples parmi les 40 membres de l’équipe, estime-t-il.

Ils n’hésitent pas à donner des explications sur l’origine du surnom qu’ils portent avec fierté : « Pinto est le nom de famille de l’un des anciens chefs de la brigade. »

On raconte qu’il fit beaucoup pour donner de la cohésion à la brigade et à en faire une force prête à surmonter tous les obstacles, mais même si cette équipe est spéciale, il est clair que les tous les travailleurs du secteur du nickel à Cuba « ne reculent jamais devant rien », pas même dans les situations les plus complexes qui se présentent durant le processus de production.