Le poids du peso cubain

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Selon le vice-Premier ministre et ministre de l’Économie, Alejandro Gil Fernandez, la conception de la réorganisation monétaire veut que le pays fonctionne avec une seule monnaie : le peso cubain, et c’est pourquoi cette mesure d’ouverture de magasins en MLC est transitoire, adaptée aux moments actuels.

Auteur : Yisell Rodríguez Milán | internet@granma.cu

Cuba, historiquement, a parié sur la souveraineté. Depuis sa formation en tant que nation, les indépendantistes ont apprécié l’urgence de cette condition pour faire face aux désirs interventionnistes de tout autre État.

À notre époque, face aux défis numériques imposés par le détournement de données privées, la cyber-surveillance et la prolifération des fausses nouvelles, nous insistons sur la nécessité d’une souveraineté technologique, basée sur l’utilisation et le développement de logiciels libres, le militantisme contre-hégémonique, la production industrielle, la sécurité et la gestion de l’État.

Dans le cadre de notre développement, nous avons également défendu la souveraineté monétaire.

Avec le processus d’unification monétaire, Cuba maintiendra le peso cubain (cup) comme principale monnaie en circulation dans le pays, comme l’avait annoncé le membre du Bureau politique du Parti, Marino Murillo Jorge, responsable de la Commission permanente pour la mise en œuvre des Orientations et du développement, le 20 décembre 2013, lors d’une séance plénière de l’Assemblée nationale du Pouvoir populaire.

Apparu en 1994, au milieu du contexte défavorable provoqué par la disparition du camp socialiste et le durcissement du blocus, le peso cubain convertible (cuc) disparaîtra.

DES CONCEPTS INDISPENSABLES

« La défense de la monnaie nationale garantit la souveraineté monétaire », signale à Granma Karina Cruz Simon, spécialiste de la Direction des études économiques de la Banque centrale de Cuba.

Cependant, a-t-elle averti, « il ne sert à rien d’avoir une monnaie nationale et d’affecter ensuite ses fonctions en tant que monnaie, avec des dépenses excessives ou une quantité en circulation bien supérieure à ce qui est réellement nécessaire dans l’économie, ce qui peut déclencher des distorsions.

« L’idéal est de pouvoir gérer une monnaie nationale, et surtout de disposer d’instruments monétaires utiles en période de crise comme celle de la covid-19. »

LES POiNTS FORTS DU PESO CUBAIN (CUP)

Le 8 novembre 2004 a été décrit comme un jour historique, avec la mise en circulation du cuc dans les centres commerciaux et de services du pays, car cette mesure nous a permis de jouir d’une souveraineté monétaire totale. Cela a également permis à la Banque centrale de Cuba (bcc) de maintenir un contrôle strict sur l’émission monétaire et la quantité de monnaies cubaines en circulation dans le pays.

Mais plus de 30 ans de dualité monétaire ont créé une situation compliquée et le pays a accumulé de nombreux problèmes.

Parmi les effets négatifs causés par le taux de change retenu de 1 cuc x 1 cup dans le secteur public figure celui lié au fait que les produits et services exportés en cup sont devenus moins rentables.

La substitution des importations a également été découragée du fait que les coûts des biens et services importés étaient inférieurs et que, comparativement, les produits nationaux destinés aux intrants pour la production et la consommation intérieure étaient plus chers.

Des distorsions sont apparues dans les chiffres présentés pour les états financiers, si bien qu’ils ne peuvent pas être utilisés comme outil de gestion efficace. Par ailleurs, des imprécisions dans les informations relatives à la réalisation des études de faisabilité et à l’évaluation économique des investissements ont également entraîné un manque de clarté dans la vision économique et financière en vue d’une prise de décision adéquate à tous les niveaux.

Face à ce panorama, le Dr Joaquin Infante Ugarte, prix national d’Économie, considère, dans plusieurs articles spécialisés, l’unification monétaire et la dévaluation du cup comme une « décision historique ».

La dévaluation, souligne-t-il, « permettra d’éliminer la contradiction fictive selon laquelle la hausse des exportations et la substitution des importations (qui sont salutaires pour le pays car elles augmentent les recettes en devises), sont dans le même temps mauvaises pour les entreprises car elles accroissent leurs pertes en cup, ce qui déterminera que la hausse des exportations et la substitution des importations deviendra une obligation du plan et un engagement politique ».

Cette mesure devrait également permettre d’augmenter les recettes totales en devises du pays, du fait qu’elle stimulera financièrement les entreprises et leurs travailleurs par un accroissement des exportations.

De même, on attend cet impact probable sur les prix en pesos cubains des produits commercialisés qui, en même temps, n’auront pas le poids excessif des importations actuelles de biens et de services, du fait de la réévaluation du coût en pesos cubains des intrants et des marchandises importés. En outre, il sera possible de déterminer avec plus de précision la compétitivité internationale des fonds exportables et des produits et services qui substituent les importations, et l’on mesurera de manière plus objective des indicateurs macroéconomiques tels que le Produit intérieur brut, le revenu national, les indicateurs de la balance des recouvrements et des paiements, le Plan d’économie et le Budget de l’État.

Mais, et surtout, il n’y aura qu’une seule monnaie, le peso cubain, qui aura une force libératrice illimitée dans notre pays. Une monnaie officielle unique, avec un taux de change unique pour tous les secteurs et la population.

DonnÉes intÉressantes sur le peso cubain (cup)

La dualité monétaire à Cuba débuta le 7 novembre 1914, lorsque le Journal officiel notifia la création du peso cubain et la continuité de la circulation du dollar comme monnaie ayant cours légal et force libératrice illimitée.

La monnaie cubaine fut d’abord imprimée aux États-Unis, et plus tard dans les pays de l’ancien camp socialiste. Depuis 1995, elle est imprimée sur le territoire national.

La circulation du peso cubain (cup) et du dollar fut interrompue, le 22 décembre 1948, avec l’adoption d’une loi de la Banque nationale de Cuba (bnc) établissant le peso cubain comme la seule monnaie ayant cours sur le territoire national.

En 1994, la Banque centrale de Cuba (bcc) a autorisé la circulation du peso convertible (cuc), équivalent du dollar.

À la mi-2003, le dollar a été retiré de la circulation dans le secteur public et seules deux monnaies nationales ont été autorisées à circuler : le peso cubain (cup) et le peso cubain convertible (cuc).

En 2004, la Banque centrale de Cuba (bcc) a étendu cette mesure au commerce de détail.

 EN CONTEXTE : 

Cuba ne dollarisera pas son économie

La Stratégie économique et sociale de Cuba ne prévoit pas qu’à l’avenir nous augmentions les offres en monnaie librement convertible (mlc), a expliqué le vice-Premier ministre et ministre de l’Économie, Alejandro Gil Fernandez, lors de la Table ronde télévisée du mercredi 14 octobre, à laquelle il a participé aux côtés du responsable de la Commission permanente de mise en œuvre des Orientations et du développement, Marino Murillo Jorge, pour répondre aux opinions et aux préoccupations de la population concernant l’ordre économique de la nation.

À la question de savoir pourquoi, si l’on veut laisser une seule monnaie, on continue à ouvrir des magasins en mlc (monnaie librement convertible), Gil Fernandez a répondu que la raison réside dans le contexte financier et d’approvisionnement complexe que connaît Cuba, surtout depuis 2019.

La situation de désapprovisionnement du marché de détail est due, depuis l’année dernière, principalement au durcissement du blocus, au manque de carburant et aux effets sur les revenus du tourisme sans vols et sans croisières, a déclaré le ministre, qui a qualifié cette mesure d’ « indésirable mais nécessaire ».

Il a fait remarquer que les marchés sous-approvisionnés ne constituent pas des sources de revenus.

L’industrie nationale, avec des capacités de production installées et dans l’impossibilité de produire faute de financement, ne participe pas à l’économie informelle ou parallèle, et court le risque de ne pas se développer.

Nous sommes confrontés à un scénario inhabituel : renforcement du blocus, fermeture des frontières depuis mars, impact sur les revenus générés par les exportations..., a-t-il rappelé, et il a insisté sur la nécessité pour la population du pays de comprendre cette situation très particulière.

La conception de la réorganisation monétaire veut que le pays fonctionne avec une seule monnaie : le peso cubain, a-t-il souligné, et c’est pourquoi cette mesure d’ouverture de magasins en mlc est transitoire, adaptée aux moments actuels.

En tant que mesure, a-t-il ajouté, elle donne des résultats qui permettent à l’industrie nationale de participer, de réapprovisionner les marchés avec ses propres ressources et d’obtenir des devises.

La stratégie ne vise nullement à dollariser l’économie, a-t-il dit. Nous avons l’intention, à l’avenir, de ne conserver qu’une seule monnaie : le cup, qui est la monnaie dans laquelle les salaires sont payés et dans laquelle les produits sont vendus au détail et au prix de gros. Par contre, nous ne pouvons pas prédire combien de temps dureront ces magasins, car nous traversons un moment exceptionnel, qui est transitoire, a-t-il conclu.