Mettre de l’ordre dans l’économie nous imposera de travailler de façon plus efficace

Par Yaditza del Sol González – Publié dans Granma le 31 octobre 2020

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Le bon fonctionnement financier et monétaire à Cuba est une étape indispensable pour progresser dans la stratégie économique et sociale du pays, écarter ces distorsions qui découragent aujourd’hui le rendement et la création de richesses, et transformer un ensemble de mesures, lesquelles furent nécessaires à une certaine époque mais qui ont perduré au fil du temps. Même si durant ce processus des ajustements s’avèrent inévitables, il n’y aura pas de thérapies de choc.

Marino Murillo Jorge, chef de la Commission permanente de mise en œuvre des projets, a déclaré que le solde du compte bancaire des particuliers sera respecté selon le taux de change actuel.
Photo : José Manuel Correa

Le bon fonctionnement financier et monétaire à Cuba est une étape indispensable pour progresser dans la stratégie économique et sociale du pays, écarter ces distorsions qui découragent aujourd’hui le rendement et la création de richesses, et transformer un ensemble de mesures, lesquelles furent nécessaires à une certaine époque mais qui ont perduré au fil du temps. Même si durant ce processus des ajustements s’avèrent inévitables, il n’y aura pas de thérapies de choc.

C’est ce qu’a affirmé Marino Murillo Jorge, membre du Bureau politique du Parti et chef de la Commission permanente de mise en œuvre des projets, lors de son échange avec les députés cubains, diffusé ce vendredi, en préalable à la cinquième session ordinaire de la neuvième législature de l’Assemblée nationale du Pouvoir populaire.

Ce processus, a-t-il indiqué, est plus important que l’abandon d’une monnaie. Nous parlons non seulement d’établir un taux de change et une monnaie uniques mais aussi de supprimer les subventions excessives et les gratuités injustifiées, ainsi que de mettre en œuvre une réforme salariale qui mènera à la transformation des revenus des travailleurs, notamment les salaires et le régime des retraites et des prestations d’aide sociale.

Dans le système monétaire cubain existent deux devises nationales au cours légal – le CUC et le CUP -, ainsi que deux taux de change, celui du circuit des marchés de gros qui fixe la valeur d’un CUP à un CUC, et celui du circuit du commerce de détail où vingt-cinq CUP correspondent à un CUC.

Pour les habitants de Cuba, le peso a déjà perdu de sa valeur et, par conséquent, leur salaire a perdu de son pouvoir d’achat. Il n’y a pas eu de dévaluation dans le système entrepreneurial et c’est là que nous interviendrons.

« La grande différence entre les deux taux de change comporte des risques, parmi ceux-ci la dévaluation du peso cubain, et par conséquent un processus d’inflation. Nous essaierons de contrôler celui-ci pour qu’il ne dépasse pas nos estimations. »

Par ailleurs, la dévaluation est accompagnée d’ajustements fiscaux et monétaires, et elle favorisera les exportateurs et ceux qui compensent des importations. Cependant, a ajouté le chef de la Commission permanente de mise en œuvre des projets, le défi consiste à parvenir à une dévaluation véritable et non pas symbolique, de telle sorte que le cours de change et les prix n’augmentent pas dans les mêmes proportions.

La mise en ordre du système monétaire et de change n’est pas sans risques. L’un des plus significatifs est que l’inflation soit supérieure à celle envisagée, conséquence de la fin de circulation de deux monnaies. « D’autre part, quelques entreprises publiques peuvent se retrouver insolvables à cause de la hausse du coût des matières premières importées et de l’application de la réforme salariale. »

Il y a un autre danger, celui de la perception, de la part de la population, d’une dépréciation du pouvoir d’achat de ses revenus et de son épargne, ceci étant dû à la suppression d’une partie des subventions et des gratuités qui continuent d’exister dans notre société ainsi qu’à une éventuelle inflation.

À ce sujet, le solde du compte bancaire des particuliers sera respecté selon le taux de change actuel. « En ce qui concerne les comptes d’épargne, s’il y a hausse des prix, il y aura inévitablement perte de pouvoir d’achat car il n’est pas économiquement viable de multiplier cette épargne par le taux de change qui sera fixé. Dans le monde, personne ne fait cela. »

« Quant au régime des entreprises, nous allons changer les modalités de calcul des prix, et ainsi éliminer l’équation des coûts avec une marge bénéficiaire qui, dans bien des cas, nous ont conduits à financer des dysfonctionnements. »

Selon Murillo Jorge, dans le cadre d’une opération réalisée avec 1 717 entreprises – parmi celles-ci, 1 275 d’envergure nationale et 442 de rayonnement local – dans le but de mesurer l’impact financier de ces mesures, nous avons pu découvrir qu’en principe les exportateurs et ceux qui compensent des importations obtiennent un résultat positif pendant que les entreprises d’envergure nationale, globalement, obtiennent des bénéfices nets supérieurs à 100 000 millions de pesos.

Pour les entreprises ayant signalé des pertes, nous avons conçu une stratégie qui vise à les « caler » financièrement, au moins durant la première année, après application de la remise en ordre financière et monétaire.

Ce faisant, nous éviterions la fermeture de ces établissements ainsi que des situations de chômage, ou qui empêchent la population d’avoir accès à des services de base et de première nécessité fournis par ces entreprises. « Pour autant, on doit prendre en compte la détermination à réduire ces pertes au fil du temps et à faire en sorte que l’entreprise gagne en compétitivité. »

Par ailleurs, nous ne financerons pas les pertes des entreprises locales des secteurs du commerce, de la restauration, des services à la personne et des services techniques.

COMMENT ÉVITER QUE L’INFLATION SOIT SUPÉRIEURE À CE QUI A ÉTÉ ENVISAGÉ ?

Parallèlement à l’harmonisation financière et monétaire, d’autres dispositions ont été élaborées qui prennent en compte les risques associés au processus. L’une de ces mesures consistera à assouplir la distribution des bénéfices dans les entreprises pour les répartir auprès de leurs employés, de sorte que tous les acteurs économiques du pays puissent être sur un pied d’égalité.

Il y aura une discordance associée à la dévaluation des engagements extérieurs venus à échéance, lesquels seront supportés par le budget de l’État. Et des crédits-relais seront accordés aux entreprises ; ils consisteront en des facilités de paiement à court terme pour un fonds de roulement, des investissements ou des salaires.

Les dispositions contenues dans la Mission Ordonnancement pourraient s’appliquer au début d’un mois pour que les entreprises puissent clôturer leurs états financiers et démarrer avec le nouveau taux de change.

« Ceci signifie que le premier jour de ce mois nous nous réveillons avec les nouveaux prix, et pour que les travailleurs puissent affronter ce changement on a élaboré un schéma prévisionnel de salaire. » L’entreprise verserait cet argent à ses employés pendant les trois derniers jours du mois précédent et ensuite, à la date de la perception du salaire, elle verserait la différence. La même méthode d’acompte sera également appliquée aux retraités et aux bénéficiaires de l’aide sociale.

« D’autre part, afin d’éviter une inflation plus élevée que celle qui a été calculée, il a été proposé qu’un petit groupe de produits intersectoriels dans l’économie voient leurs prix harmonisés. »

Il s’agit de 42 produits, parmi lesquels le carburant, l’énergie électrique, l’eau, l’assainissement, le ciment, le sucre, le café mélangé, le hachis de viande et de poisson, les compotes, le lait, le fromage fondu, le yaourt de soja et le yaourt nature, la mortadelle, les pâtes alimentaires, le pain avec croûte, les saucisses de poulet, les cigares et le dentifrice, entre autres.

Des prix centralisés ont été fixés pour Acopio [1] et le commerce de détail, et les entreprises pourront décider des autres prix non harmonisés mais selon certaines limites.

« En ce qui concerne les modalités de gestion non étatiques, nous avons proposé un mécanisme de blocage des prix grâce à des accords car il est vrai qu’ils vont subir des augmentations. »

L’une de ces dispositions consiste en une charge fiscale pertinente. L’objectif, selon Murillo Jorge, est de réduire les coûts en termes d’impôts afin que la hausse des prix n’aille pas au même rythme que celui des coûts.

Le seuil d’imposition augmentera également ; c’est la part des revenus sur laquelle les gens ne payent pas d’impôt parce qu’elle est adossée au coût de la vie et aux dépenses déductibles. « C’est le moment où les modalités de gestion non gouvernementale agiront avec une responsabilité sociale, à partir de l’adéquation fiscale, bien qu’on ne puisse pas laisser cela à la seule spontanéité. »

En ce qui concerne le salaire, on prendra comme base de départ le panier de biens et de services de référence et l’on respectera le principe de satisfaction des besoins du travailleur et de sa famille.

Les différences entre le salaire brut et le salaire net résident dans la contribution à la sécurité sociale. « On introduit ici le point de devoir tous payer ces 5 % avec lesquels nous financerions notre propre pension de retraite. » Le salaire minimum net, qui est celui qui reste après paiement de la sécurité sociale, permettra d’avoir accès au montant du panier de biens et de services et un petit peu plus.

« Par ailleurs, un seuil d’exonération sera établi pour le paiement de l’impôt sur le salaire (3 %). »

Quant à la suppression des subventions et des gratuités injustifiées, dans un premier temps on maintiendra un certain nombre de subventions globales telles les produits spécifiques destinés aux enfants de zéro à six ans ainsi qu’à ceux, entre autres, atteints de maladies infantiles chroniques.

En même temps, certaines subventions seront maintenues partiellement. Par exemple, les médicaments soignant des maladies chroniques continueront à être subventionnés, contrairement aux autres.

La politique de travail aura toujours pour but de protéger les plus vulnérables. C’est pourquoi nous ne supprimeront pas d’office les prestations exceptionnelles approuvées à l’intention de centres pouvant créer de nouveaux revenus, et toutes les situations seront réévaluées dans un délai de six mois à partir du jour zéro.

Les personnes qui auront besoin de protection pourront déposer une requête auprès du travailleur social résidant au siège du Conseil populaire ou à la Direction du travail municipal. Une fois le demandeur reconnu insolvable, cette prestation devra lui être attribuée dans un délai n’excédant pas 48 heures.

[1Système par lequel les produits agricoles sont acquis par achat direct ou par contrat et sont distribués ou commercialisés en gros ou au détail.