Violences conjugales : des pistes pour la tolérance zéro

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Violences conjugales : des pistes pour la tolérance zéro

De : Dixie Edith

Publié dans : Paroles de Femmes

21 octobre 2020

Cuba a déclaré une tolérance zéro contre la violence sexiste. Photo : RTVE.

Lianet est arrivée début mai, après bien des détours et pratiquement clandestinement, à la Maison d’Orientation de la Femme et de la Famille du quartier où elle vivait. Il lui a fallu profiter du temps qu’elle consacrait habituellement à faire la queue pour le ravitaillement quotidien et, qu’ensuite, elle raconte à son compagnon « qu’il ne restait plus de viande hachée au moment où il n’y avait plus que trois personnes devant elle. »

Les hématomes visibles sur ses bras et l’évident désespoir dans son regard témoignaient d’un fléau contre lequel Cuba a déclaré la tolérance zéro : la violence conjugale. Pour elle les choses ont mal tourné quand son compagnon a profité du confinement pour la priver de sa liberté et la couper brutalement des réseaux de soutien.

Lors de l’interruption des transports entre les territoires, la jeune étudiante à l’université est restée bloquée hors de sa région et dans l’impossibilité d’aller se réfugier dans sa résidence universitaire, les centres d’enseignement étant fermés. Grâce à cette première pause, elle a pu rejoindre son domicile et elle se prépare aujourd’hui à terminer l’année de cours 2019-2020. Le petit ami fait partie du passé et depuis elle a bénéficié d’un accompagnement psychologique sous différentes formes.

Dans les mois à venir, des femmes comme Lianet disposeront d’une ligne spécialisée pour demander des conseils et un soutien psychologique si elles sont en situation de violences conjugales, un moyen plus rapide et accessible de demander de l’aide lorsqu’on se trouve dans des situations limites de cette nature. La docteure Clotilde Proveyer, sociologue et coordinatrice de l’équipe consultative du groupe national de la Fédération des Femmes Cubaines (FMC) pour la prise en compte de cette problématique sociale, a expliqué à la presse que la ligne 103, d’abord antidrogue puis habilité à répondre à diverses demandes de la population liées à l’isolement dû à la COVID-19, va étendre ses services pour répondre aux plaintes pour violences conjugales et autres maltraitances qui ont lieu dans le milieu familial.

On trouve, à l’origine de la proposition, les expériences méthodologiques et pratiques d’une équipe de travail de l’université des sciences médicales de Cienfuegos, à quelques 230 kilomètres de La Havane. Sous la coordination de la psychologue Laura Magda López Angulo, l’équipe a offert pendant la pandémie une aide psychologique à distance très efficace à de nombreuses personnes.

Cette décision n’est pas fortuite. Selon l’Enquête Nationale de l’Egalité Hommes-Femmes 2016, au cours des 12 derniers mois, 26,7 pour cent des femmes entre 15 et 74 ans ont dit avoir été victimes de violence dans le cadre de leurs relations de couple. Tandis que, 39,6 pour cent des femmes interrogées ont déclaré avoir subi des violences dans leurs relations de couple à un autre moment de leur vie.

En 2019, cependant, le Rapport National Volontaire de Cuba sur la mise en œuvre de l’agenda pour le développement durable fait état, pour la première fois, du taux de féminicides survenus en 2016, dont la valeur était de 0,99 pour 100.000 femmes de 15 ans et plus. Cette annonce comporte des points positifs, le premier étant que la ligne téléphonique ne sera pas une initiative isolée mais faisant partie de la stratégie globale pour la prévention, l’Assistance aux victimes et le combat contre la violence conjugale. Bien qu’elle apportera un premier soutien psychosocial- et deviendra un espace ouvert aux plaintes et demandes de d’aides - elle est sur le point d’être structurée comme un système bien articulé pour le renvoi vers d’autres services essentiels du dispositif tels que la police, les services juridiques ou de santé.

Selon les spécialistes de l’équipe coordonnée par Proveyer, la réponse à la violence conjugale doit coordonner la participation concertée et intégrale de différents acteurs : gouvernementaux, institutionnels et de la société civile, pour garantir la disponibilité, permanente, d’un ensemble de services essentiels.

Pour cette sociologue c’est l’étape importante, car il est urgent de mettre en marche les réseaux de soutien à la société pour garantir aux victimes de violence conjugale qu’elles peuvent recevoir l’accompagnement nécessaire.

Selon elle, les mois d’isolement ont aggravé l’impact sur les violences, précisément en raison de la rupture avec les réseaux sociaux des personnes qui habituellement les fréquentent et ce sont là des conditions dont profite le maltraitant pour accroitre son contrôle sur ses victimes, comme le confirme l’histoire de Lianet

La juriste et aussi docteure en sciences Yamila González Ferrer, qui valorise la possibilité d’une ligne « de services d’interconnexion habituellement fournis » mais de manière dispersée.

Une réunion récente entre La FMC et la Commission pour la protection de l’enfance, de la jeunesse et de l’égalité des droits de la femme du Parlement cubain, a apporté d’autres éléments sur cette articulation bienvenue.

Osmayda Hernandez Beleño, membre du Secrétariat du FMC, a parlé du renforcement des alliances avec des institutions et des organisations telles que l’Université de La havane, le Centre d’Etudes sur les Femmes, le Centre d’Etude sur la Jeunesse, les Centres de Santé Mentale, le Centre National d’Education Sexuelle, l’Union Nationale des Juristes, le Groupe de Réflexion et de Solidarité Oscar Arnulfo Romero et différentes agences de coopération qui ont permis des progrès dans la protection contre la violence sous toutes ses formes.

« elle a déclaré, selon la couverture du magazine « Mujeres
 », que la FMC dispose d’un plan de prévention et de combat contre la traite des êtres humains et d’aide aux victimes dont l’influence s’étend jusqu’au niveau communautaire.

Selon une publication sur le propre site du Parlement, le Ministère de l’Intérieur progresse dans la conception d’une méthode pour traiter les plaintes pour violence conjugales avec davantage d’efficacité et de rapidité car, bien que des procédures standard existent, ces affaires requièrent une attention particulière et nécessitent une un renforcement de la formation des forces de l’ordre concernées. On travaille également sur la formation du personnel lié à l’application des lois, afin de pouvoir profiter des outils juridiques en vigueur aujourd’hui pour sanctionner ces délits.

Selon Teresa Amarelle, Secrétaire Générale de la FMC, ce type de violence ne peut être traité comme de l’insubordination sociale de plus car ce serait la minimiser.

Une autre vertu de cette initiative, c’est qu’elle verra le jour accompagnée de processus de formation sur des questions de condition de genre.

Proveyer dans son article « Prévention de la violence faite aux femmes. Réflexion conceptuelle sur des expériences d’attention-prévention » a précisé « Ne pas inclure cette perspective comporte le risque de considérer le problème comme étant propre à la sphère privée ou familiale, et qu’il faudra résoudre dans les limites de la vie privée, sans en voir la dimension sociale ni questionner le contexte de l’idéologie patriarcale.

Il est, en même temps urgent de ne plus considérer comme naturelle la violence conjugale dans la culture, de se débarrasser des mythes qui la soutiennent et de fournir aux personnes des outils pour détecter et reconnaitre la maltraitance sous toutes ses formes.

Dans cette voie, un guide, qui propose un ensemble d’outils théoriques méthodologiques et pratiques pour orienter les services de la Ligne 103 est déjà presque prêt. De plus un ensemble de modules audiovisuels qui viendront faciliter la formation de tout le personnel lié à ces services.

Très bientôt sera publié la carte des services qui aujourd’hui existent et fonctionnent dans le pays pour la prévention et le combat contre la violence conjugale.

A la fin de l’année 2020, Cuba prendra quittera une année terrible. Une adversaire en matière de menaces multiples et qui l’a obligée à mobiliser sa capacité à répondre et à produire des stratégies de survie. Mais le pays accueillera une autre époque, où les femmes pourront mener une vie offrant un peu plus de sécurité.

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