« l’Amour majuscule » de Juliette Drouet envers Victor Hugo.

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Nous publions ci-après l’article d’Edouard Launet paru dans le quotidien Libération consacré aux spectacles présentés par deux comédiennes habitées par le personnage de Juliette Drouet, qui font revivre ses lettres d’amour à Victor Hugo.

Nous l’avons fait précéder d’une introduction de Gerard Pouchain, agrégé de lettres, chercheur associé à l’Université de Rouen, vice-Président de la Société des Amis de Victor Hugo, et BIOGRAPHE de Juliette DROUET. Il publie aux Presses de l’Université de Rouen et du Havre, "Lettres inédites de Juliette Drouet et de Victor Hugo" un ouvrage de 295 pages... Sortie le 17 Février 2012.

UN COMMENTAIRE DE GERARD POUCHAIN

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Le regard du lecteur du Libération en date du mardi 31 janvier 2012 est d’abord attiré, pages 38 et 39, par le portrait de Juliette Drouet, réalisé en 1832 par Léon Noël pour une revue de modes, L’Artiste, et encadré par les photographies des deux comédiennes, Anne de Broca et Anthéa Sogno, qui ont voulu, comme l’écrit Édouard Launet, célébrer « l’Amour majuscule » de Juliette Drouet envers Victor Hugo.

Et les deux photographies ne sont pas de simples illustrations.

L’attitude des deux comédiennes, assises sur une méridienne semblable à celle que Léon Noël a dessinée, traduit bien la lecture qu’Édouard Launet a faite de leurs spectacles : Anne de Broca, prise par certains « pour une folle », propose une seule fois par an, le jour anniversaire de la première nuit d’amour des deux amants, 16 février 1833, un « rituel théâtral », une véritable cérémonie au cours de laquelle elle prête corps et âme à celle qui voua au poète une passion exclusive de plus de cinquante ans ; Anthéa Sogno, qui s’incarne en Juliette, ne se contente pas de son spectacle réalisé à partir des quelque 20000 lettres que « Juju » a écrites à son « Toto », elle part « en croisade » afin que la France entière (re)connaisse enfin les qualités de femme et d’épistolière de celle qui sauva, au lendemain du coup d’État du 2 décembre 1851, l’auteur des Misérables dont on célèbre cette année le cent cinquantième anniversaire de la publication.
« À la limite de la performance mystique » écrit justement Édouard Launet.

Gérard Pouchain


Au pays des amours de Juliette

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A la fois muse et maîtresse, Juliette Drouet s’est consumée, sa vie durant, pour Victor Hugo. Depuis des années, deux comédiennes habitées par le personnage font revivre ses lettres sur scène, chacune à leur manière. A la limite de la performance mystique.
Par EDOUARD LAUNET

Le 1er janvier 1883, Juliette Drouet, 76 ans, écrit à Victor Hugo, 80 ans : « Cher adoré, je ne sais pas où je serai l’année prochaine à pareille époque, mais je suis heureuse et fière de te signer mon certificat de vie pour celle-ci par ce seul mot : JE T’AIME. » C’est là tout le texte de l’ultime lettre que Juliette a adressée au poète. Elle meurt quatre mois plus tard.

Celle qui fut pendant cinquante ans la maîtresse, la reine de cœur, la muse, la copiste et parfois même la conscience de Hugo, lui a dressé un invraisemblable monument de papier, plus de 20 000 lettres. Celle qui vécut dans l’ombre du « grand homme », dans une claustration volontaire et une adoration quasi divine (mais non dénuée d’ironie), a laissé une correspondance sans équivalent dans l’histoire, tout au long de laquelle brûle la même flamme passionnelle. Mais le nom de Juliette Drouet s’est plus ou moins effacé de la mémoire collective, alors même que Victor Hugo lui avait promis au début de leur amour : « Si mon nom vit, votre nom vivra. »

Deux actrices françaises se sont lancées, indépendamment l’une de l’autre, dans des entreprises de résurrection de cette héroïne méconnue. A intervalles réguliers, ces deux femmes font ressurgir Juliette de sa tombe de Saint-Mandé, ou plutôt font tomber son esprit du ciel. Chaque année depuis vingt-trois ans, aux alentours de la mi-février, Anne de Broca organise pour quelques dizaines de fidèles un « rituel théâtral » (c’est son expression) lors duquel elle prête son corps et sa voix à la grande amoureuse. Cette cérémonie païenne, mais un peu religieuse quand même, se déroule selon les années sur une scène de théâtre, dans un bar ou même sur une plage de Madras en Inde.

Anthéa Sogno, de son côté, a entamé il y a quatre ans une véritable croisade : elle veut que dans chaque ville de France, ou presque, il y ait une rue, ou une bibliothèque, ou au moins un banc, qui porte le nom de Juliette Drouet. Elle joue depuis 2008 un spectacle, Victor Hugo mon amour, qu’elle a créé à partir des textes des lettres des deux amants. A la fin de chaque représentation, elle appelle à la signature d’une pétition appelant à baptiser des rues dans la France entière, distribue des fac-similés de lettres de Juliette Drouet, serre la main à chaque spectateur, en embrasse certains. Bref, Anthéa est Juliette.

Anne de Broca, 58 ans, et Anthéa Sogno, 41 ans, ne se connaissent pas. Leurs aventures respectives avec Juliette sont de nature bien différente, même si l’une et l’autre ont en commun de vouloir ainsi célébrer l’Amour majuscule, « lieu de l’apprentissage, de l’agrandissement ».

Lire la suite : http://www.liberation.fr/culture/01012386876-au-pays-des-amours-de-juliette

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