« Le plus long voyage commence par le premier pas »

Leonardo Padura fête ses 65 ans !

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Notre ami Philippe Mano qui nous régale de ses Brèves hebdomadaires a pris cette semaine un peu de vacances... bien méritées.
Nous en profitons pour publier à nouveau l’article sur Padura qui, pour des raisons techniques n’était pas lisible jusqu’alors, afin aussi qu’il soit dans la prochaine livraison de notre Lettre...
RG

L’excellente revue cubaine francophone Lettres de Cuba a consacré un article au célèbre écrivain cubain.
Il est bon que Padura et Mario Conde sachent que leurs lecteurs cubains se réjouissent sincèrement de son nouvel anniversaire et du succès durable de ses livres.
Article in Lettres de Cuba, par Rafael Acosta de Arribat , traduction Alain de Cullant.
Philippe MANO

« Le plus long voyage commence par le premier pas »

Proverbe chinois

Atteindre ce qu’on appelle maintenant l’ancienneté ou troisième âge, avec son dernier roman nouvellement publié et avec un notable succès et accueil de la critique, est pour Leonardo Padura la meilleure façon de célébrer ses soixante-cinq ans, même dans les conditions existentielles douloureuses que la pandémie du nouveau coronavirus a imposé à la planète.


L’écrivain cubain vient de présenter Como polvo en el viento (Tusquets, 2020), un livre qui a immédiatement atteint les super ventes et, surtout, un large consensus de la critique. Présenté pratiquement tout au long du mois de septembre à Madrid et Barcelone, en Espagne, puis au Mexique et en Argentine, le roman a occupé les premiers postes commerciaux dans les librairies dans ces pays, ainsi que dans les magasins électroniques. En outre, des traductions en français, italien, grec, allemand, arabe et portugais, ainsi que l’anglais par des éditeurs des États-Unis et d’Angleterre, sont déjà en cours.

Como polvo en el viento s’incorpore dans une œuvre d’une solidité et d’une qualité littéraire de renommée mondiale. Treize romans (édités en plus de vingt-cinq langues), cinq livres d’histoires, plus de quinze volumes entre le journalisme et les essais, plusieurs scénarios de documentaires et de longs-métrages de fiction, ainsi que des articles ponctuels sur l’actualité et de nombreuses interviews complètent la vaste œuvre de pensée de Leonardo Padura.

Le phénomène de la grande réception par les lecteurs cubains de ses textes et livres remonte aux années quatre-vingt du siècle dernier quand il a pratiqué le journalisme littéraire ou de recherche dans les pages des éditions dominicales du journal Juventud Rebelde. Je me souviens très bien, car j’étais l’un d’eux, comment ses suiveurs augmentaient chaque dimanche, pour en apprendre davantage sur des sujets très intéressants dans lesquels la dynamique d’enquête de l’auteur et sa prose utile, efficace, élégante et agréable tissaient les histoires de la plantation de café Angerona et l’amour entre Cornelius Souchay et Ursula Lambert, une relation interraciale qui a servi à son tour, quelques années plus tard, comme un argument pour un film. J’ai aussi en mémoire le texte inoubliable sur le proxénète Alberto Yarini et Ponce de León (un personnage curieux de la pègre du sexe havanaise qui rêvait de devenir président de la république), de la mort violente et, en même temps, le portrait d’un fragment de la république bourgeoise, ou les détails qui ont entouré le surgissement du Quartier Chinois de La Havane. Quoi qu’il en soit, d’innombrables histoires intéressantes dans lesquelles la bonne littérature et le journalisme d’investigation coïncidaient avec la sociologie, dans un faisceau qui n’a pas été produit de nouveau dans le pays, du moins dans la presse écrite.

Avec la tétralogie intitulée « Las cuatro estaciones » est né le célèbre détective Mario Conde (bien qu’ils venaient ensemble depuis bien avant ou pour toujours), maintenant, lui aussi, un homme du troisième âge, comme son créateur. Avec ces quatre romans policiers, des prix de toutes sortes ont commencé à arriver, dans et hors l’île, faisant croître des légions de lecteurs sous toutes les latitudes.

Les prix et les éloges de la critique sont un complément à la fortune commerciale de l’œuvre de n’importe quel auteur ; les trois, unis, donnent le signal d’un triomphe total. Le succès de Padura n’est pas un phénomène basé exclusivement sur une stratégie éditoriale adéquate, bien que cela soit extrêmement important et que Tusquets ait réussi à faire très bien son travail, mais nous parlons d’un écrivain qui a une masse légitime de lecteurs, construite progressivement et durablement à partir d’en bas, dans un bon nombre de langues et de cultures, mais, tout d’abord, dans son pays.

J’ai été en quelque sorte un témoin du processus créatif de El hombre que amaba a los perros (2009), certainement un titre qui a définitivement catapulté son auteur dans l’univers d’auteur le plus prestigieux du présent et j’ai pu voir alors la rigueur, la recherche profonde et la digestion vorace de dizaines et des dizaines d’autres livres et des informations de première main qui ont été le substrat sur lequel Padura a érigé un roman avec un sujet très complexe et sans la présence d’autres éléments rituels dans son œuvre. Le talent et la maîtrise narrative mettent le reste (seulement en espagnol ce roman compte déjà plus d’une centaine d’éditions).

Ses livres ont évolué le long d’une pluralité thématique typique d’un auteur total : l’histoire (de Cuba et d’autres nations et de différentes époques), l’intrigue policière la plus typique, le thème générationnel (manipulé avec une grande intelligence), l’approche sociologique de notre réalité (des années quatre-vingt à nos jours), l’érotisme, la culture nationale et l’identité et d’autres, font que ses livres soient lus avec beaucoup d’intérêt dans toute la planète. C’est une œuvre, il vaut la peine d’ajouter, et je l’ai dit dans d’autres scénarios, dont la principale distinction est sa cubanité dense et profonde.

La liste des prix et des reconnaissances académiques reçus par Padura rendrait ce travail trop vaste, il suffit de citer son Prix National de Littérature (2012), celui de la Princesse des Asturies des Lettres (2017), son appartenance à l’Académie Cubaine de la Langue (2018) et les doctorats Honoris Causa dans plusieurs universités de différents pays pour apprécier la reconnaissance universelle qu’il mérite.


Padura travaille actuellement sur un nouveau roman qui traitera d’Alberto Yarini, qui sera lié en quelque sorte avec les enquêtes de Mario Conde afin que la scène nationale soit une fois de plus la cible de son regard. On espère aussi, comme l’auteur lui-même me l’a dit récemment, que les négociations qui porteraient à l’écran l’intrigue de El hombre que amaba a los perros prospèrent également, ouvrant une autre bonne attente pour les suiveurs de Padura à travers le monde et en particulier ceux de ce roman.

Les approches académiques actuelles de son œuvre sont en croissance constante, à la fois dans l’académie cubaine et dans celle d’autres pays et des compilations des livres contentifs d’études rigoureuses sur elle sont effectuées à partir du plan de la critique littéraire sérieuse et respectable.

Il est bon que Padura et Mario Conde sachent que leurs lecteurs cubains se réjouissent sincèrement de son nouvel anniversaire et du succès durable de ses livres. C’est aussi une source de fierté pour la culture cubaine que l’un de nos écrivains ait atteint des niveaux aussi élevés de reconnaissance dans l’univers littéraire international. Félicitations Padura et Conde !

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