Les cubains expérimentent le marché immobilier

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Ci-après un article de Victoria Burnett du New York Times, posté par Michel Porcheron.

Il traite des conséquences concrètes de l’autorisation de vente et d’achat de logement décidée par le gouvernement cubain. Cette réforme était particulièrement attendu par la population de l’Ile.

Les Cubains expérimentent le marché immobilier

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Dans la capitale et dans de nombreuses villes de province, les Cubains commencent à investir de l’argent dans un immobilier délabré, encouragés par des mesures gouvernementales qui visent à dynamiser le secteur du bâtiment, et par la nouvelle loi qui, pour la première fois depuis 50 ans, leur permet de vendre et d’acheter.

C’est la réforme la plus importante du président Raul Castro.

Le dirigeant cubain s’efforce de faire circuler les capitaux sur l’île, d’encourager le secteur privé et de relâcher la pression sur un État à l’économie paralysée. Pendant des décennies, le gouvernement a interdit les transactions immobilières et gardé la mainmise sur le bâtiment. Les matériaux étaient rares, la paperasserie infernale et les inspecteurs très tatillons. Parpaings et sacs de sable se vendaient la nuit au marché noir.

Mais ces derniers mois, l’État a réduit les formalités administratives, approvisionné les magasins de matériaux, légalisé l’entreprenariat privé et commencé à proposer subventions et crédits.

Derrière les portiques miteux et les murs couverts de bougainvillées, le marché de l’immobilier s’épanouit. Les agents privés - activité encore illégale - disent n’avoir jamais été aussi demandés.

Selon le site de petites annonces Cubisima, depuis la promulgation de la loi, le 10 novembre dernier, le nombre de consultations de ses pages consacrées à l’immobilier a triplé : 900 par jour en moyenne. Désormais il est possible d’acquérir ou de vendre un logement principal et même une résidence secondaire en dehors des zones urbaines. La plupart des étrangers n’y ont toujours pas droit.

Le marché est sommaire et fonctionne à partir du "bouche à oreille". Les prix y dépendent autant des coups de cœur que de la cote de l’immobilier, disent les propriétaires, agents et spécialistes interrogés.
Les acheteurs, qui au sommet de l’échelle sont surtout des Cubains émigrés ou mariés à des étrangers, ne déclarent souvent qu’une partie de la transaction et hors Cuba, l’argent change parfois de mains. Le gouvernement risque donc de ne pas voir se réaliser tous ses espoirs d’une manne fiscale.
Récemment, une élégante hôtesse de l’air faisait visiter sa jolie maison, avec ses trois chambres, dont elle espère tirer 150 000 dollars (113 000 euros). A moins de deux kilomètres delà, une veuve âgée continue à attendre une offre de 500 000 dollars pour sa grande demeure des années 1950, mal entretenue - somme à déposer sur un compte en Espagne s’il vous plaît.

Victoria Pérez, médecin à la retraite, possède une maison spacieuse et une an¬nexe avec deux chambres. Elle l’a mise en vente en janvier pour 80 000 dollars. Elle espère acheter plus petit et mettre environ 20 000 dollars de côté pour vivre et rendre visite à sa fille aux Etats-Unis. "Pour réunir 20 000 dollars, il me faudrait 20 ans", dit-elle. "C’est tout un monde qui s’ouvre à moi."

Les statistiques sont rares et les agents reconnaissent que les curieux sont plus nombreux que les acheteurs. L’Institut national du logement n’a traité que 364 ventes au cours des trois semaines qui ont suivi la promulgation, de la loi. Certains pensent que ces mesures de libéralisation ne suffiront pas à résoudre la crise du logement, beaucoup de Cubains n’ayant même pas les moyens d’acheter un appartement à 3 000 dollars
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"Tout ça c’est bon pour ceux qui ont de l’argent ou de la famille à l’étranger, sinon faut pas y penser", commente Luis Martinez, ouvrier du bâtiment.

S’il fallait un rappel de l’acuité du problème de logement à Cuba, c’est chose faite depuis janvier. Un immeuble s’est écroulé dans le centre de La Havane, tuant quatre personnes.

Selon Miguel Coyula, architecte spécialisé dans l’amé¬nagement urbain, il y a en moyenne trois effondrements par jour dans la capi¬tale cubaine : édifices à l’abandon, à la construction improvisée et surpeuplés.

Plus de 100.000 personnes attendent d’être relogées dans les centres d’hébergement mis à disposition par le gouvernement.

Carmen Martinez (aucun lien avec Luis) s’estime heureuse d’avoir pu sau¬ver sa maison délabrée avant de devoir l’abandonner. Sa solution ? En échange du gîte, un jeune entrepreneur fait les travaux. Carmen voudrait l’eau cou¬rante dans la cuisine, changer les W.C. et aménager une chambre pour son fils adolescent.

"J’ai besoin de robinets, de portes, de fenêtres, de carrelage, dit-elle, tout doit être réparé, mais petit à petit, bien sûr »

Posté par Michel Porcheron