Rhum arrangé pour Pernod Ricard. Un conséquence du blocus !

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"Bacardi Bill" aurait pu être un nom de cocktail. En fait, c’est celui d’une loi américaine, qui empêche Pernod Ricard d’utiliser la marque cubaine de rhum, Havana Club, aux Etats-Unis. La Cour suprême vient de refuser de remettre en cause cette interdiction, faisant ainsi le jeu de Bacardi. Ce mojito judiciaire va obliger le groupe français à utiliser une autre marque, le jour où il pourra se lancer sur le marché américain, le plus gros du monde pour le rhum, qui lui est aujourd’hui interdit pour cause d’embargo sur les produits cubains.

Voir dans le post-scriptum la déclaration du Ministère des Relations Extérieures de la République de Cuba.

Le marché américain chasse gardée de Bacardi

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Vingt ans : c’est déjà un âge respectable pour qu’un vieux rhum commence à délivrer ses arômes et sa couleur ambrée. Vingt ans, c’est aussi le temps qu’il a fallu à la justice américaine pour trancher la bataille autour de l’exploitation de Havana Club à laquelle se livrent Bacardi et Pernod Ricard. Rivalité et enjeux ont eu le temps de se décupler au fil des ans.

Car l’accord signé en 1992 entre Patrick Ricard et Fidel Castro pour exploiter la marque Havana Club n’a cessé de se bonifier. La petite marque cubaine est sortie de l’oubli en multipliant par 12 ses ventes mondiales. Désormais, Havana Club, distribuée dans 120 pays, est devenue la 22e marque mondiale de spiritueux.

Restait l’obstacle du marché américain, chasse gardée de Bacardi. Depuis la confiscation de ses biens, la famille cubaine est devenue un symbole du bras de fer entre le régime castriste et les Etats-Unis. Résultat : Havana Club ne peut accéder à ce marché, qui représente 40% des ventes mondiales de rhum.

Au-delà de la politique, on comprend l’opiniâtreté de Bacardi à conserver son monopole américain, où il réalise la moitié de son chiffre d’affaires. Car ailleurs, notamment en Europe, Havana Club lui taille des croupières.

La décision de la Cour suprême va obliger Pernod Ricard à modifier la recette de son succès. Pour faire contre mauvaise fortune bon cœur, Pernod Ricard a décidé de lancer une nouvelle marque, Havanista, pour être prêt si jamais l’embargo américain sur les produits cubains était levé en cas de changement de régime.

Le nouveau label aura la couleur du Havana Club, le goût du Havana Club, mais c’est Bacardi qui continuera à commercialiser la fameuse marque en l’important de Porto Rico, comme elle l’a commencé à le faire en Floride.

Un rhum arrangé, en quelque sorte, mais rien ne dit qu’une fois l’embargo levé, le groupe ne puisse pas faire à son tour du « made in Cuba ». La bataille ne fait que commencer.

UNE DECLARATION DU MINISTERE DES RELATIONS EXTERIEURES DE CUBA

Le 14 mai 2012, la Cour Suprême des Etats-Unis dénia à la compagnie cubaine Cubaexport la possibilité de défendre son droit à reconduire l’enregistrement de la prestigieuse marque Havana Club, devant le Bureau des Marques et Brevets des Etats-Unis (USPTO), entravée par le refus du Bureau de Contrôle des Actifs Etrangers (OFAC), affecté au Département du Trésor, d’octroyer à l’entité commerciale cubaine la licence qui lui aurait permis de reconduire la marque enregistrée dans ce pays de 1976 à 2006.

Ce refus fut réalisé sous la protection de la Section 211 de la Loi Omnibus, approuvée par le Congrès des Etats-Unis à la fin de 1998, qui interdit la reconnaissance et la reconduction de marques associées à des propriétés nationalisées par le Gouvernement cubain, résultat des manœuvres de la mafia anti-cubaine de Miami et de ses alliés à l’intérieur du Congrès, en rétribution des importantes contributions financières qu’ils reçoivent de la compagnie Bacardi, la réelle instigatrice de ces actions contre Cubaexport, destinées à usurper les marques et les marchés du rhum véritablement et légitimement cubain.

Depuis 1995, Cubaexport , avec la compagnie française Pernod Ricard, distributeur du rhum Havana Club, a défendu son droit à enregistrer la marque reconnue, ce qui a été respecté dans la décision du Pannel de Solution des Différends de l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC) qui se prononça contre les Etats-Unis et réclama l’élimination de la dite Section considérée comme illégale.

Le Gouvernement des Etats-Unis est complètement responsable de ce qui arrive. Pendant le processus judiciaire qui aujourd’hui est parvenu à son injuste terme, l’OFAC a plaidé qu’il ne donnerait pas la licence qu’exige la fallacieuse Section 211, et qui permettrait la reconduction de la marque Havana Club dans ce pays, parce que le Département d’Etat avait ordonné de ne pas le faire étant donné que cela ne correspondrait pas à la politique des Etats-Unis envers Cuba.

Cette action constitue une grave violation des engagements des Etats-Unis en matière de Propriété Industrielle, qui l’obligent à protéger les marques des compagnies et institutions cubaines.

Ce litige ainsi que d’autres proces en cours contre des brevets et des marques cubains devant les cours nord-américaines, ont mis en évidence la complicité du gouvernement des Etats-Unis dans la spoliation des droits et des marques cubaines.

Le Ministère des Relations Extérieures demande au gouvernement des Etats-Unis d’accorder immédiatement la licence permettant à l’entité cubaine Cubaexport de reconduire la marque Havana Club.

Cuba a respecté invariablement , sans la moindre discrimination, les obligations contractées en vertu des instruments juridiques internationaux en ce qui concerne la Propriété Industrielle, ce qui a garanti que plus de cinq mille marques et brevets nord-américains ont bénéficié et continuent de bénéficier de leur enregistrement dans notre pays.

Si la Gouvernement des Etats-Unis n’agit pas, il sera l’unique responsable du vol de la marque Havana Club à son légitime propriétaire, la compagnie Cubaexport , et des conséquences négatives qui pourraient découler de ce fait pour la protection réciproque de la Propriété Industrielle.

La Havane, 16 mai 2012.

(Merci Françoise Lopez pour la traduction)