Dépasser les frontières du silence

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Depuis 2004, le pays assure la formation universitaire de ses interprètes en Langue des signes. Plus de 300 personnes ont suivi des cours en candidats libres dans cette discipline

La Déclaration des droits des personnes déficientes auditives, promulguée durant le 6e Congrès mondial des sourds, reconnaît qu’il existe environ 1260 professions et emplois pour lesquels l’ouïe n’est pas nécessaire, en même temps qu’elle appelle à l’élimination des barrières dans la communication. Pourtant, la réalité offre un tout autre visage.

Un des objectifs du pays est de promouvoir la Langue des signes et de participer à son développement.

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(Article de YENIA SILVA CORREA publié par GRANMA INTERNATIONAL)

Environ 70 millions de personnes dans le monde présentent des déficiences auditives. Un grand nombre d’entre elles subit diverses formes de discriminations, manifestes ou inconscientes, qui limitent leur développement professionnel, social et interpersonnel.

La Fédération mondiale des sourds regroupe depuis 1951 les associations nationales de sourds et elle en compte aujourd’hui environ 130, réparties en diverses régions du monde.

L’Association nationale des sourds de Cuba (ANSOC) appartient à la région Amérique Latine et Caraïbe ; l’une de ses membres est également membre permanent du groupe représentant les femmes sourdes.

CRÉATION DE MÉDIATEURS

A Cuba, il existe une préparation universitaire pour les interprètes de la communauté de sourds et malentendants. Dans un pays qui compte plus de 23 000 membres de l’ANSOC, ces médiateurs linguistiques entre entendants et non-entendants sont indispensables.

Yoel Moya Perez de Corcho, sous-directeur des recherches du Centre national de formation et de développement du sourd (le CENDSOR) souligne : «  La formation universitaire des interprètes en langue cubaine des signes a commencé pendant l’année scolaire 2004-2005. Jusque-là, les interprètes étaient autodidactes ou formés lors de stages ponctuels organisés par l’ANSOC au début des années 2000  ».

À partir de 2004, le cycle d’enseignement technico-professionnel d’ interprétariat en Langue des Signes Cubaine (la LSC) a démarré, et la première formation diplomante de niveau supérieur à la faculté de langues étrangères de l’Université de la Havane.

Actuellement, à la Havane, des élèves entendants et sourds sont en 5e année de licence en interprétariat de langue cubaine des Signes ; il est envisagé d’implanter également cette licence à l’Université d’ Oriente (à Santiago de Cuba) et à l’Université centrale de Las Villas (Villa Clara).

« La plupart de nos interprètes sont des cadres moyens, ils se forment dans toutes les provinces et ils sont déjà plus de 500 à avoir obtenu leur diplôme. »

Une formation est aussi possible par des cours de LSC, deuxième langue, en auditeurs libres. La seule condition requise étant la volonté de rompre les barrières communicatives. Plus de 300 élèves ont suivi cette formation. Ils concernent toute la population. Chaque session par niveau dure trois mois et des professeurs sourds enseignent à des groupes de 20 étudiants.

CUBA, PAYS BILINGUE ?

Moya Pérez de Corcho a également précisé : « Dans nos perspectives de travail de recherches, nous avons des projets orientés vers la partie socio-affective et socio-professionnelle. C’est dans ce cadre que se met en place le travail avec la famille et les différents groupes sociaux au sein de la communauté sourde.

Parallèlement aux programmes de prévention auprès des jeunes et des adolescents sourds vulnérables aux infections de transmission sexuelle, le CENDSOR se concentre sur les recherches qui apporteront les résultats nécessaires à une légalisation de la langue des signes cubaine. « La LSC est reconnue socialement, précise le sous-directeur des recherches, mais pas encore d’un point de vue juridique par l’Institut de littérature et de linguistique ni par l’Académie de la langue qui est l’instance qui doit la reconnaître en premier lieu et la présenter ensuite devant le Parlement pour qu’elle soit acceptée comme la langue officielle de la communauté des sourds de Cuba. »

Bien que la LSC constitue une alternative pédagogique dans le contexte éducatif depuis les années 90, pour être officialisée elle doit s’appuyer sur des fondements socioculturels, linguistiques et didactiques.

Parmi les avancées du CENDSOR dans ce sens, nous recensons l’édition de six manuels de langue des signes à caractère bilingue et l’élaboration du premier dictionnaire qui devrait paraître fin 2013 en multimédia sous le nom de Dictionnaire par configurations.

LES PERSPECTIVES

À Cuba, les écoles pour enfants sourds enregistrent une baisse de leurs effectifs en raison de l’utilisation de plus en plus répandue d’implants cochléaires qui permettent aux familles d’intégrer leurs enfants dans des centres scolaires ordinaires.

Cependant, le CENDSOR, en partenariat avec le ministère de l’Éducation, travaille à garantir les services d’interprétariat pour cette communauté et son insertion dans la société.

Actuellement, comme le souligne Roger Milan, coordinateur national des interprètes, l’île compte plus de 700 interprètes en langue des signes ; Cuba est l’un des pays d’Amérique latine enregistrant le plus grand nombre de spécialistes avec ce profil, et l’amélioration de la qualité de leur formation est l’un des principaux objectifs.

L’ensemble de ces actions a une seule finalité : qu’aucun déficient auditif ne soit relégué au second plan de la société cubaine.

Mis en ligne par RG