26 Juillet, jour de la Révolte Nationale à Cuba (+ vidéo)

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A Cuba, le dictateur Batista avait pris le pouvoir à la suite d’un coup d’Etat le 10 mars 1952 et déclenché une des pires périodes de répression qu’a connue le pays.

Le 27 janvier 1953, alors que la première marche des torches était partie de l’Université de La Havane pour commémorer le centenaire de José Marti, l’Apôtre de l’Indépendance, on pouvait remarquer, dans le cortège, un important groupe de jeunes, déterminés et bien organisés. De gros clous dépassaient des bâtons qui portaient leurs torches. A leur tête marchait celui qui les entraînait depuis plusieurs mois, un jeune avocat de 26 ans, Fidel Castro Ruz.

La Génération du Centenaire était en marche et elle avait décidé qu’elle ne reculerait plus si les policiers de la dictature tentaient de l’empêcher de passer.

C’est parmi ces jeunes qu’allait être choisis ceux et celles qui allaient attaquer les casernes de Santiago (Moncada) et de Bayamo (Carlos Manuel de Céspedes) quelques mois plus tard.

Cette attaque était destinée à provoquer un soulèvement général contre la dictature de Fulgencio Batista. Si ce soulèvement n’avait pas lieu, il était prévu, avec les armes récupérées lors de l’assaut, d’aller dans la Sierra Maestra, toute proche, pour débuter la guerre contre la tyrannie.

Le choix de la caserne Moncada à Santiago de Cuba n’avais pas été fait au hasard :

  • C’était la seconde forteresse militaire du pays, occupée par un millier de soldats du 1er régiment.
  • L’éloignement de La Havane allait compliquer l’envoi de renforts pour aider les militaires.
  • Santiago de Cuba se situe sur la côte sud de l’île, au bord de la mer et entourée de montagnes.
  • Les trois guerres d’indépendance de Cuba avaient commencé dans la partie orientale de l’île. La région avait été le siège de plusieurs soulèvements depuis l’indépendance formelle et ses montagnes étaient connues pour la résistance armée des paysans face aux latifundistes, accapareurs de terres. Ce n’est pas pour rien que ce territoire était surnommé « l’Orient insoumis ».
    La caserne est devenue une école.

Le plan avait été élaboré dans le plus grand secret et seulement trois compagnons de Fidel étaient dans la confidence. Les autres savaient qu’on allait tenter un combat décisif sans savoir exactement de quoi il s’agissait.
Depuis plusieurs mois, Fidel avait minutieusement constitué son mouvement avec deux comités de direction. Un militaire, dont il s’occupait, et un autre, civil, dirigé par Abel Santamaría. Ses 1 200 membres avaient été recrutés parmi les secteurs défavorisés de la société (ouvriers, paysans, employés, etc.) Ces jeunes hommes et femmes ne devaient avoir aucune ambition personnelle et ne pas avoir été infectés par les vices de la politique traditionnelle.
Les armes, les uniformes et les moyens nécessaires à l’attaque furent le fruit des sacrifices personnels des futurs combattants.

La ferme Siboney aujourd’hui

La petite ferme « Siboney », située près de Santiago de Cuba, fut louée pour y élever des poulets. Elle servit en réalité à entreposer les armes, les uniformes et les automobiles et comme base pour l’attaque future.
La date du 26 juillet ne fut pas, non plus, choisie au hasard. C’était le dimanche du carnaval et personne ne s’étonnerait de voir des jeunes venant d’autres provinces dans la ville. De plus, on pouvait espérer que les soldats, ayant abusé des boissons, seraient moins vigilants.

Un premier groupe dirigé par Fidel Castro allait attaquer la caserne. Deux autres groupes devaient s’emparer de deux bâtiments voisins. Celui d’Abel Santamaría devait prendre l’Hôpital Civil pour appuyer l’attaque contre la caserne et soigner les blessés et celui de Raul Castro devait prendre le Palais de Justice d’où il serait possible d’appuyer l’action du groupe principal depuis le toit.

Il faisait encore nuit quand Fidel lut le Manifeste de la Moncada rappelant que « comme en 1868 et 1895 (guerres indépendantistes), ici en Orient, nous lançons le premier cri de « la Liberté ou la Mort ! » … Il est encore temps de se décider…Ceux qui sont déterminés à y aller, font un pas en avant ». 131 révolutionnaires sur 135 s’avancèrent. Il était 4 heures du matin et les voitures partirent pour Santiago.

Abel Santamaria Cuadrado

Les groupes dirigés par Abel Santamaría et Raul Castro purent prendre l’hôpital et le tribunal.
Une partie du groupe principal emmené par Fidel Castro ne put trouver son chemin dans une ville inconnue. Les autres arrivèrent au poste n°3 et désarmèrent les sentinelles, mais l’arrivée imprévue d’une patrouille par une rue latérale provoqua un échange de tirs qui permit aux soldats, à l’intérieur de la caserne, de se mobiliser rapidement. Il n’était plus possible de compter sur l’effet de surprise et, dès lors, le combat devenait totalement inégal face à un ennemi supérieur en nombre et en armement. Fidel ordonna donc la retraite, mais de nombreux membres des 3 groupes furent faits prisonniers.
L’attaque menée contre la caserne de Bayamo, dans le même temps, par un groupe de 28 révolutionnaires fut aussi un échec.

La répression fut d’une violence extrême. Batista décréta la censure complète de la presse et de la radio dans tout le pays afin de dissimuler ses agissements. Il ordonna que pour chaque soldat mort au combat, on devait assassiner 10 révolutionnaires. 6 jeunes étaient morts lors de l’attaque et le régime fit assassiner 55 prisonniers.

Comme le déclara Fidel lors de son jugement : « La caserne Moncada s’est convertie en un atelier de torture et de mort, et des hommes indignes ont converti l’uniforme militaire en tablier de boucher  ».

Los de ce jugement, Fidel Castro a transformé sa défense en un acte d’accusation politique contre la tyrannie de Batista et a esquissé ce qui serait le programme politique de la révolution qui venait de débuter.

Couverture de la publication originale de “l’Histoire m’absoudra » en 1954

Fidel termina son intervention en précisant que José Marti, était l’auteur intellectuel de l’action menée contre la caserne : « Il semblait que l’Apôtre allait mourir l’année de son centenaire, que sa mémoire allait s’éteindre pour toujours, tellement l’affront était grand ! Mais il vit, il n’est pas mort, son peuple est rebelle, son peuple est digne, son peuple est fidèle à son souvenir, il y a des Cubains qui sont morts en défendant ses idées, il y a des jeunes qui, dans un magnifique acte de réparation, sont venus mourir près de sa tombe, lui donner leur sang et leur vie pour qu’il continue de vivre dans l’âme de la patrie. Cuba, que serais-tu devenue si j’avais laissé mourir ton Apôtre !
… Je n’ai pas peur de la furie du tyran misérable qui a arraché la vie à soixante de mes frères.
CONDAMNEZ-MOI, PEU IMPORTE, L’HISTOIRE M’ABSOUDRA. »

Les survivants, condamnés à de longues peine de prison (Fidel Castro fut condamné à 15 ans) furent emprisonnés à l’Île des Pins (devenue aujourd’hui, l’Île de la Jeunesse). Leur libération allait être obtenue le 15 mai 1955, à la suite d’une intense campagne.

De gauche à droite : Melba Hernández, Fidel Castro et Haydeé Santamaría, lors de la sortie de prison

Lors de sa sortie de prison, Fidel Castro retrouvera les femmes qui avaient participé à la prise de l’hôpital, Melba Hernández et Haydée Santamaría. A cette dernière, un des tortionnaires de son frère, Abel Santamaría, avait montré un des yeux qu’il lui avait arraché pour le faire parler avant de l’exécuter. Elle aussi avait gardé le silence, mais elle ne s’était jamais remise de cette terrible épreuve.

Six mois plus tard, le groupe partait pour le Mexique afin de préparer le retour des combattants et la victoire finale.

Cette année, la ville de Cienfuegos a été choisie pour être le siège des commémorations de l’attaque de la Moncada. De nombreux évènements ont déjà eu lieu et d’autres sont prévus qui mettent en relief les profonds sentiments révolutionnaires des habitants de cette région et leur engagement à améliorer leurs conditions de vie.

Annexe :

La Marche du 26 juillet.

De la même façon qu’en 1867, ses amis avaient demandé à Pedro Figueredo (Perucho) de composer un hymne qui serait la Marseillaise cubaine (La Bayamesa) ou qu’en 1895, Antonio Maceo ordonna qu’on mette en musique les vers d’un jeune commandant, Enrique Loynaz del Castillo, pour qu’ils deviennent « l’Hymne Envahisseur », Fidel Castro demanda à Agustín Díaz Cartaya de composer une marche, quelques semaines avant l’attaque de la Moncada.

Il put l’entendre dans la nuit qui a précédé l’action, alors que son titre était encore la « Marche de la Liberté ».

Ensuite, depuis sa prison, Fidel demanda à Diaz Cartaya de modifier certaines paroles pour tenir compte, par exemple, du sang versé.

Devenue « la Marche du 26 juillet », celle-ci fut chantée dans la prison.

Elle fut ensuite enregistrée clandestinement, dans des conditions rocambolesques, dans les studios de Radio Cadena Habana, pendant la guerre de libération et diffusée, depuis la Sierra Maestra, sur Radio Rebelde.
Vous trouverez ici une vidéo (dont l’auteur est Gonzalo Blanco), sous-titrée en français par mes soins, de cet hymne.