A Cuba, on vit, on parle, on joue au BASE BALL ! + VIDEO
Nous publions aujourd’hui cet article de Jacques Lanctot pour le journal de Montréal, rédigé avant que ne se déroule la demi-finale qui a vu la victoire des Etats-Unis. Il s’agit, il faut le souligner, de la deuxième performance historique de l’équipe cubaine dans les classiques mondiales depuis 2006 ! C’est une performance exceptionnelle suivie par les cubains vivant dans l’ile et ailleurs dans le monde. Le Président Miguel Diaz Canel qui les recevait à leur retour avec la population de La Havane déclarait : "Nous continuerons d’aller de l’avant pour placer notre Basse Ball à la place qu’il mérite. Vous êtes parmi les 4 plus grands au monde. Vous avez rendu le peuple heureux. Le rêve n’est pas terminé, il commence maintenant !"
Nous joignons à cet article deux vidéos en espagnol mais les images sont parlantes !
À Cuba, le baseball, c’est comme une religion
Ce mercredi matin, tout Cuba ou presque s’est levé très tôt, à six heures trente du matin, et a allumé son téléviseur pour voir en direct du Tokyo Dome, au Japon, le match de pelota (baseball) qui opposait l’équipe nationale de Cuba à celle de l’Australie, dans le cadre du Clasico Mundial de Beisbol. Après avoir perdu devant les Hollandais et les Italiens, Cuba avait repris le dessus en gagnant de manière convaincante devant le Panama et la Chine. Nous étions donc en quart de finale et tout pouvait arriver.
Le baseball à Cuba, c’est comme le hockey chez nous. Tout bon Cubain se croit un expert en baseball et n’hésite pas à opiner sur ce qu’aurait dû faire l’entraîneur avant et pendant le match, que son équipe gagne ou perde. Mais contrairement à ce qui se passe chez nous au Québec, où nos joueurs de hockey, ceux du Canadien de Montréal, sont souvent des ovnis ayant atterri à Montréal à la suite de jeux de hasard dans lesquels l’argent a beaucoup à voir, ici les joueurs sont des gens du peuple, qui ont une histoire, une famille, un même terroir d’où ils sont issus. Tous sont du pays qui les a vus naître, les a nourris, les a éduqués et les a entraînés jusqu’à arriver, pour certains, dans les grandes ligues majeures. Ils sont tous de « souche » (pura cepa, en espagnol), et cette expression ici à Cuba n’a rien de péjoratif et ne revêt aucune connotation raciste ou d’exclusion.
Cette fois-ci, les autorités sportives cubaines ont accepté de former l’équipe qui va représenter le pays lors de cette compétition avec des joueurs aussi bien « nationaux », c’est-à-dire ceux qui jouent et demeurent actuellement à Cuba, que ceux qui appartiennent à de grandes ligues à l’extérieur du territoire cubain, c’est-à-dire ceux qui sont partis de Cuba pour jouer dans d’autres équipes, pour des raisons économiques.
Eh bien, imaginez-vous que trois heures plus tard, vers 9h30 du matin, Cuba a réussi à vaincre l’Australie par le compte de 4 à 3, et se rend donc en demi-finale pour la première fois depuis 2006. 17 ans plus tard, Cuba revient dans le cercle restreint des quatre meilleures équipes au monde. Cette victoire redonnera espoir et fierté à des joueurs qui en ont bien besoin, depuis les nombreuses défections qui ont décimé l’élite de ces sportifs que les grandes ligues étatsuniennes s’arrachent en leur offrant des salaires mirobolants.
Mais le plus juteux de l’histoire, c’est que le prochain match de demi-finale doit avoir lieu dans la ville de Miami, où vit une importante colonie cubaine, au sein de laquelle fourmille une faune violente et hostile à tout ce qui respire dans l’île socialiste. Déjà les rumeurs vont bon train, et on annonce des manifestations contre la présence des joueurs cubains dans ce bastion de l’opposition au gouvernement cubain, une opposition bien souvent malsaine, haineuse et caricaturale.
Seront visés aussi bien les « nationaux », ceux qui vivent à Cuba, que les joueurs cubains de l’extérieur qui ont accepté de représenter leur pays et de revêtir l’uniforme bleu, blanc et rouge. Certains d’entre eux, d’ailleurs, ont déjà dû s’expliquer en disant qu’il n’y avait rien de politique dans leur acceptation de jouer au sein de l’équipe cubaine, qu’il ne s’agit là que d’un geste de fierté, celui de représenter leur pays, Cuba, lors de cette compétition internationale.
Il faut savoir que cette sélection n’est pas habituée à jouer ensemble, et c’est ce qui explique les déboires des deux premiers affrontements, où Cuba a perdu. Petit à petit, l’équipe a trouvé une certaine cohésion et une certaine confiance. Cela, de toute évidence, lui a permis de remporter deux victoires consécutives, qui la propulsent maintenant en demi-finale.
Pour les joueurs cubains, cette participation leur garantit de bonnes rentrées d’argent, tandis que pour les joueurs résidant à l’extérieur de l’île, ces sommes représentent plutôt une partie insignifiante de leurs revenus annuels. Il est à souhaiter que cette cohésion perdure au moins jusqu’à dimanche et que les joueurs cubains, de l’intérieur comme de l’extérieur, ne se laissent pas intimider par les médias de Miami hostiles à Cuba.
Dimanche, en fin de journée, tout Cuba retiendra son souffle. On a commencé à installer des écrans géants un peu partout pour que les amateurs de pelota puissent célébrer ensemble cette grande victoire. Car que Cuba gagne ou perde contre les vainqueurs du match entre le Venezuela et les États-Unis, deux pays qui entretiennent d’étroites relations avec Cuba, amicales pour le premier et hostiles pour le second (le match doit avoir lieu ce samedi en soirée), peu importe, c’est déjà une victoire qu’elle soit revenue parmi le club sélect des quatre meilleures équipes au monde. Go ! Go ! Go !
Voir les deux vidéos sur YOUTUBE :