Café Guamuhaya

Un projet artisanal au cœur de grands enjeux économiques - Seconde partie : le café à Cuba

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Contrairement à ce qui était indiqué dans le précédent article sur les relations entre les multinationales et les producteurs de café, je ne vais pas vous présenter tout de suite le projet « Café Guamuhaya ». Avant cela, il faut jeter un œil sur l’économie du café à Cuba.

Pour écrire cet article, j’ai utilisé, entre autres, les éléments fournis par l’ONEI (Office National de Statistiques de Cuba) et le rapport « Ordenamiento territorial de la Organización Superior de Dirección Empresarial de la agroindustria cafetalera en Cuba” par René José Castellanos Romeu.

La culture du café à Cuba a vraiment pris son envol à Cuba avec l’arrivée des colons français qui fuyant la révolution haïtienne au 18ème siècle, se sont installés dans l’île en amenant leur savoir faire et les esclaves qui n’avaient pu s’échapper.

Ancienne propriété caféière La Fraternité à Songo la Maya

Une culture en difficulté

La production s’est développée jusqu’en 1850 quand elle a commencé à céder du terrain face à la production industrielle de la canne à sucre.
Le pays exportait encore 20 000 tonnes en 1950. Le blocus imposé par les USA dès 1962 et la dissolution de l’URSS en 1991 ont porté de rudes coups à cette culture.

Si en 1961, la production était de 60 000 tonnes, elle est tombée à environ 10 000 tonnes de nos jours dont 10 % de café de haute qualité qui est exporté vers le Japon en particulier (recherche de devises oblige). La demande se situant à environ 24 000 tonnes, Cuba est importatrice de café vert qui est torréfié dans le pays. Cependant, l’île ne peut couvrir les besoins de sa population. Le café est quasiment devenu un produit de luxe.

Cet arbuste est principalement cultivé dans les zones montagneuses de l’île qui sont aussi les moins peuplées (6 % de la population). L’émigration est un véritable fléau pour la culture caféière qui ne perd pas seulement des bras mais aussi les connaissances pour planter, soigner les arbres et récolter soigneusement les cerises de café (le grain est enrobé par une pulpe comme une cerise).

Afin de tenter de freiner cette tendance, l’État qui est propriétaire des terres a donné celles-ci en usufruit aux paysans afin de les aider à produire

Les producteurs sont organisés en coopératives qui achètent leur production à un prix fixé en accord avec le gouvernement. Cependant, les moyens disponibles en matériel, en combustibles, en pièces de rechange, en outillage et en engrais (y compris biologiques) sont insuffisants pour répondre à leurs besoins.

En conséquence, si la production moyenne de café au niveau mondial se situe à 2,79 T par l’hectare, ce chiffre n’est que de 0,25 T pour Cuba.
Plusieurs autres raisons expliquent aussi la baisse de la production et de la productivité : les migrations vers les villes, le vieillissement de la population, les maladies des caféiers, le mauvais entretien des plantations, les ouragans, etc.

On peut dénombrer trois étapes dans la production du café.

1 La partie agricole (culture et récolte)

Elle concerne neuf provinces. A elles seules, les provinces d’Orient produisent 90 % du café de l’île. Les provinces du centre (Sancti Spiritu, Cienfuegos et Santa Clara) en produisent 7 % et les 3 % restant sont réalisés dans l’Ouest du pays.

2 La préparation du café vert.

Entreprise Alto Serra Guantánamo

Le café passe par plusieurs étapes (dépulpage, lavage, séchage et déparchage). Cette étape se déroule près des plantations dans des entreprises provinciales. Le café vert est mis en sac de 60 kg pour être exporté (le pays a besoin de devises) ou livré aux usines torréfactrices. Le pays compte 4 entreprises de ce type qui dépendent du ministère de l’Agriculture.

3 La torréfaction et l’ensachage

Usine torréfactrice de Cienfuegos

Le pays compte 13 usines torréfactrices et 3 usines d’appui à la production qui dépendent du ministère de l’Industrie alimentaire. Ces usines sont proches des consommateurs dont la moitié se situe dans les régions occidentales et centrales. Certaines, compte tenu du manque de pièces de rechange, sont en mauvais état et fonctionnent grâce à l’ingéniosité de leurs personnels. Elles sont globalement sous utilisées.
La partie industrielle de l’activité caféière emploie moins de 2 000 travailleurs.

L’importation de café coûte cher et ne peut être une solution

Le fait que Cuba doive acheter, sur le marché international, une partie du café qu’elle torréfie et consomme aggrave sa situation financière déjà très difficile.

Ce tableau montre clairement un effet des mesures Trump contre l’économie cubaine. Cuba achète moins de café alors quelle doit le payer plus cher.
En conséquence, la production de café torréfié et emballé diminue et ne peut répondre aux besoins de la population (tableau suivant).

Le tableau ci-dessous compare le prix auquel Cuba achète une partie de son café et combien il a été payé aux producteurs. On mesure l’économie que pourrait réaliser l’île (de 20 à 30 millions de $) si au lieu d’acheter une partie de son café à l’extérieur, elle parvenait à augmenter sa production.

C’est un des enjeux du projet « Café Guamuhaya » qui sera présenté dans notre Lettre de la semaine prochaine.