Cuba un pays, une société, une économie de connaissances et de culture

Cuba n’a pas de pétrole mais des médecins, des techniciens et des artistes.

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Cuba kezaco ? Mille façons de parler de cette île des Caraïbes.
Pour moi, l’essentiel de la société cubaine s’est construit sur ses ressources humaines et sa créativité.

Un peu d’histoire

Quels sont les premiers actes à l’arrivée au pouvoir de Castro voici 60 ans ? L’éducation et la culture.

Non pas que le Cuba d’avant n’avait pas de capacité dans ces domaines, mais elles étaient réservées à une petite élite oligarchique.

Alors précisons la formule ; l’éducation et la culture, mais pour tous.

Lancement d’une campagne d’alphabétisation pour tous, en particulier à destination des campagnes. Comment y devenir médecin, technicien, si on ne sait ni lire ni écrire ? Les médecins cubains d’aujourd’hui sont le fruit de ce choix. Un peuple doit être éduqué, c’est la mission première d’un État.

Cuba années 2000.
Après 60 ans de blocus US, 5 candidats vaccins créés par les chercheurs contre la Covid-19. Et personne n’en parle dans nos braves contrées gauloises et européennes.

Ce que les Américains ne pardonneront jamais, ce n’est pas un pays qui se veut communiste à 150 kilomètres de la Floride, c’est la réussite scientifique, culturelle, technique, d’une île de 11 millions d’habitants aux succès éclatants dans les secteurs clefs de l’éducation, la formation et la création.

Si vous fréquentez quelque peu les Cubains, si vous faites l’effort de discuter avec eux chez eux ou à l’extérieur, vous serez frappés par leur niveau de connaissances, par la qualité de leurs ressources humaines, de leur professionnalisme. Christian Huart le montre bien le 9 décembre dernier, dans son éditorial pour la lettre CCF. Il fait état de la qualité des techniciens et cadres qui travaillent dans le secteur de l’eau à Cuba. Un exemple valable pour bien des secteurs.

Français rappelez-vous de la première crise pétrolière en 1973. Que ne disait-on alors : « La France n’a pas de pétrole, mais elle a des idées ! »

Cuba n’a ni pétrole ou si peu, ni matières premières et se trouve sous embargo depuis 60 ans. (Imaginez les Français sous embargo US depuis 60 ans, nous serions tous SDF et obèses au Coca-Cola.. !) mais elle a des idées, à savoir des femmes et hommes formés.

Formation
Les enfants avec leur petit costume d’école que l’on voit dans les rues ne sont que la première étape. Le primaire et le secondaire les envoient dans un réseau d’universités de réputation exceptionnelle en Amérique latine.

Ils vont souvent choisir des études de médecine. Cuba est un des pays au monde avec le plus de toubibs, dont la formation est gratuite. Volonté politique et volonté de servir leur peuple comme tous ceux qui dans le monde en auront besoin. Pour les yeux, Ebola ou la Covid-19... Même nos pays européens ont fait appel à eux, dont l’Italie, la France (Martinique), Andorre… Cette réputation est basée non seulement sur un savoir-faire, mais aussi sur un savoir vivre des généralistes. La prévention est la clef de la médecine cubaine, le suivi régulier des patients dans les quartiers avec une médecine naturellement gratuite.

Poussons la formation vers la recherche.
Cuba dispose depuis longtemps de centres de recherche de très haut niveau. Elle crée plusieurs médicaments, contre le diabète en particulier, et aujourd’hui contre la Covid-19. Demandez-vous comment ce petit pays qui manque de tout, a pu trouver plusieurs vaccins contre la Covid-19 alors que ma riche France de 60 millions d’habitants, et sans blocus, cherche toujours... !

La recherche médicale n’est que la très spectaculaire facette, d’un niveau élevé de ressources humaines. Privés de tout, les Cubains sont résilients, malins et inventifs. On le voit par la maintenance des voitures américaines des années 50 qu’ils savent entretenir avec des pièces créées par eux-mêmes ou récupérées sur des modèles de véhicules venus d’autres pays. La touriste qui se promène dans une belle décapotable n’imagine pas le travail derrière...

Mais revenons à l’histoire de la médecine cubaine et surtout aux assauts de la presse US, largement relayée par la presse des pays occidentaux dont la France. Comment un petit pays de 11 millions d’habitants (en gros la Région parisienne) peut-il prétendre envoyer des toubibs dans ces zones contaminées : hier pour Ebola, aujourd’hui pour la Covid-19. Inacceptable ; car ce serait reconnaître des qualités à ce régime qui a engendré ces médecins. Que les USA, obsédés par Cuba, s’en inquiètent, c’est presque normal, mais que les pays européens auxquels Cuba n’a jamais fait de mal suivent, c’est tragique et grotesque. Qu’ont-ils fait pour mériter cela ?

Depuis quelques années, nos sociétés doivent être des sociétés de connaissance, de ressources humaines qualifiées. Cette île des Caraïbes, démontre la qualité des ressources humaines qui fait sa force et son avenir, ainsi que sa capacité de résilience, de résistance à une géopolitique qui ne l’avantage guère. Avoir pour ennemie la plus grande puissance du monde, il y a mieux comme situation... !

Culture
On peut parler de la puissance culturelle de Cuba, de la même façon que l’on fait référence à la puissance financière de la Suisse !

À côté de la science et de la technologie, c’est par la culture que Cuba irradie dans le monde entier.

Ne me parlez pas de la salsa, qui n’est pas cubaine (mais portoricaine et new-yorkaise), même si elle représente l’une des meilleures publicités de l’île.

Petite, Cuba est grande par sa création culturelle, ou plutôt par ses créations culturelles.
À La Havane, regardez le journal pour savoir ce que vous allez faire le soir.
Là encore, parlons de la formation et de la connaissance de l’histoire culturelle mondiale.
Vous avez ici les meilleurs danseurs classiques, que les ballets du monde entier s’arrachent ; ils sont le fruit du travail d’Alicia Alonso. Vous trouverez ici une connaissance de la musique classique et des orchestres de grande qualité que nos métropoles régionales nous envieraient. Sans parler de la richesse des musiques d’aujourd’hui qui ont déjà fait le tour de monde pour les plus anciennes (bolero, mambo, calypso, son) et plus récentes (version cubaine du rap, du reggae et reggaeton). Cuba est également un vivier de famille de musiciens (les Valdes, Bebo et Chucho), de jeunes dont le talent éclate depuis des années (Roberto Fonseca) et qui font le tour des festivals du monde entier.

Arts plastiques
Un patrimoine vivant que connaissent les Cubains et les collectionneurs étrangers, une peinture riche et vivante, à découvrir entre autre à chaque Biennale d’Art contemporain de La Havane. C’est une peinture dont la liberté de ton et le tonus des couleurs nous enchantent. De Lam à Fabelo, nous sommes là encore au niveau international.

Des créateurs tous bien formés, voilà une caractéristique cubaine. Sortez d’une école d’art à Cuba et vous saurez... dessiner. En sortant de l’une de nos écoles françaises, vous saurez... causer sur la peinture d’aujourd’hui… De toute façon votre création sera ensuite, pertinente ou non.
Mais le dessin cela, ne s’invente pas. C’est pourquoi nous avions mis en avant, lors de notre exposition « 3mers 3mares » notre partage artistique franco cubain avec entre autres deux des plus grands dessinateurs

Exposition "3mers, 3mares" à la Maison Victor Hugo de La Havane
photo Agnès Le Gouze

vivants : Ernest Pignon- Ernest pour la France, Roberto Fabelo pour Cuba.

Dessin de Victor Hugo réalisé par Ernest-Pignon Ernest à droite, Dessin réalisé par Fabelo à gauche (deux éléments de l’exposition "3mers, 3mares" réalisée par Cuba Coopération France.
photo Agnès Le Gouze

Enfin but not least :
l’écriture, la littérature sont depuis toujours des atouts pour Cuba. Un seul nom pour nous lecteurs français : Leonardo Padura, l’un des plus intéressants écrivains vivants au monde. Il a choisi de rester à Cuba, de ne parler que de Cuba, même quand il s’agit d’évoquer l’assassinat de Trotski par un espagnol qui finit sa vie à Cuba.

En ce début de siècle, le savoir et la culture sont les matières premières les plus importantes. C’est ce que l’on appelle l’économie de la connaissance. Ce sont les véritables nourritures d’un peuple, surtout celui que l’on veut affamer, que l’on veut tuer. Croyons aux forces de l’esprit, elles seront nos héritages, même dans une petite île des Caraïbes.

Philippe Mano.