Cuba veut "sauver" son sucre, autrefois produit-phare de l’île

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Les conclusions de cet article, instructif, publié sur le site NEWS YAHOO ;COM.
"Malgré les difficultés, Noel Casañas espère au moins freiner la chute de cette industrie qui fait vivre "50 des 169 communes du pays", soit 1,2 million des 11,2 millions d’habitants.

Mais pour cela, il faut "recourir à l’investissement étranger" et parvenir à un secteur "où le sucre n’est pas et ne doit pas être l’élément fondamental", mais plutôt les produits dérivés comme le bioéthanol.

Le sucre "n’est plus la locomotive (de l’économie cubaine) et ne le sera plus", admet-il, mais "reste un secteur stratégique" que "nous devons développer"."

Récolte de la canne à sucre près de l’usine Antonio Sanchez, le 17 mars 2022 à Aguada de Pasajeros, à Cuba (AFP/ADALBERTO ROQUE)

Une douce odeur de mélasse flotte dans l’air à la sucrerie Antonio Sanchez : l’heure est à la récolte de canne à sucre, une urgence pour sauver cette industrie dont Cuba était autrefois l’un des premiers producteurs mondiaux.

Le coup de sifflet, à midi, annonce la reprise du broyage, interrompu dans la matinée faute de matière première. Il retentit jusqu’à Covadonga, le "batey" le plus proche, un de ces hameaux nés de l’essor du sucre sur l’Île.

Mais les belles années du secteur sont derrière lui : selon les chiffres officiels, la récolte 2020-2021 a été la pire en 130 ans, avec seulement 800.000 tonnes de sucre produites.

"Dès le lever du jour, on doit affronter une montagne" de problèmes, "c’est une guerre qui n’en finit pas", soupire Lazaro Manuel Torres, 51 ans, directeur de la sucrerie située dans la province de Cienfuegos (centre).

Il se réjouit de voir toutefois la fumée blanche sortir de la cheminée, signe que la canne à sucre est en train d’être broyée, le va-et-vient des camions et les "brigades" déployées dans les champs pour la récolte.

En 1970, le meneur de la révolution Fidel Castro mobilisait tout Cuba —lui compris, machette en main— pour parvenir à l’objectif ambitieux de 10 millions de tonnes de sucre, qui ne sera finalement jamais atteint.

En décembre, son frère Raul a plus modestement appelé à "sauver" une industrie au bord de l’agonie.

- "Cadavre" -

"Sauver l’industrie, ça veut dire arrêter la baisse" de la production, en recul depuis 2017 car, "si cette situation se poursuit, c’est vrai qu’elle va disparaître", explique Noel Casañas, 59 ans, vice-directeur du groupe d’Etat AzCuba.

Jusqu’en 1989, Cuba était pourtant le principal exportateur de sucre de la planète, avec comme premier client les Etats-Unis jusqu’en 1960, puis l’URSS qui l’achetait à un tarif préférentiel.

Mais la chute du grand frère soviétique a précipité le déclin de la filière, qui s’est accéléré avec le plongeon des tarifs et le manque d’investissement, avec une réduction du nombre d’usines sucrières de 156 à 56.

Ironie du sort, ces dernières années Cuba a dû importer du sucre, notamment de France.

Pour relancer le secteur, le gouvernement vient d’adopter 93 mesures, dont le doublement du prix aux producteurs, le recrutement libre de travailleurs et une plus grande autonomie pour les usines.

"Je ne pense pas que ces mesures puissent relancer une industrie qui est déjà presque à l’état de cadavre", commente, pessimiste, l’économiste Emilio Morales, président de la société de conseils Havana Consulting Group.

Noel Casañas lui-même reconnaît que le secteur affronte "des limitations de tous types", la "principale" étant "le manque de financement extérieur" en raison de l’embargo américain, récemment renforcé, mais aussi d’une "production en berne".

- Freiner la chute -

Depuis le début de la récolte en décembre, l’usine Antonio Sanchez, censée produire 20.000 tonnes de sucre, n’a pas dépassé 65% de sa capacité de broyage.

"Sans (assez de) machines pour la récolte ni de camions, on ne peut pas broyer à 100%", se lamente Lazaro Manuel Torres, citant aussi le manque d’engrais, de pesticides voire de pneus.

Lors d’une récente réunion du Parti Communiste au pouvoir, le Président Miguel Diaz-Canel a appelé à "changer le visage" de cette récolte qui s’annonce déjà "mauvaise", selon les médias locaux.

Pour le moment, les mesures adoptées ont au moins permis de freiner l’exode de travailleurs, selon les responsables du secteur.

"On ne peut pas se plaindre, on s’en sort plutôt bien, en gagnant jusqu’à 700 pesos (29 dollars) par jour", assure l’un d’eux, Livan Hernandez, 53 ans. Sur l’Île, le salaire mensuel moyen est de 3.900 pesos (162 dollars).

Malgré les difficultés, Noel Casañas espère au moins freiner la chute de cette industrie qui fait vivre "50 des 169 communes du pays", soit 1,2 million des 11,2 millions d’habitants.

Mais pour cela, il faut "recourir à l’investissement étranger" et parvenir à un secteur "où le sucre n’est pas et ne doit pas être l’élément fondamental", mais plutôt les produits dérivés comme le bioéthanol.

Le sucre "n’est plus la locomotive (de l’économie cubaine) et ne le sera plus", admet-il, mais "reste un secteur stratégique" que "nous devons développer".

rd/ka