Emouvant et mérité, l’hommage à Eusebio Leal

lundi 30 mai 2022 à l’UNESCO

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À chaud, pour cet évènement qui vient tout juste d’avoir lieu, quelques moments forts…
Nous aurons l’occasion d’y revenir plus en détail, mais nous pouvons dire que ce fut un très grand succès, tant pour l’ensemble des interventions qui ont eu lieu lors du colloque que pour la magnifique exposition, visible jusqu’à la fin de la semaine, et que pour la participation nombreuse.

Cuba Coopération France est fière d’avoir été à l’initiative de cet hommage et de l’avoir organisé avec le soutien de l’Ambassade de Cuba à l’UNESCO.
Merci à tous.

A l’invitation conjointe de Cuba Coopération France et de la Délégation permanente de la République de Cuba auprès de l’UNESCO, ce sont plus de 200 personnes qui ont assisté à l’hommage rendu à Eusebio Leal Spengler.
Cet après-midi du 30 mai lui était entièrement consacré. L’exposition retraçant l’homme avec son œuvre incomparable et les témoignages de qualité auxquels nous avons pu assister ont été initiés par notre Association dans le but de représenter le rayonnement international d’une des plus grandes figures contemporaines de Cuba.


Une exposition :
Conçue et réalisée par notre Association, elle s’adresse à tous les publics. Elle se tient dans la salle des "Pas Perdus" de l’UNESCO durant toute cette semaine consacrée à l’Amérique Latine.
En 15 panneaux, nous avons tenté de présenter l’œuvre incroyable de la réhabilitation de La Vieille Havane, l’œuvre de 50 ans de la vie d’un homme infatigable et passionné.

Roger Grévoul, président fondateur de CCF présente l’exposition
Photo : Prensa Latina

... A peine sorti de l’Université, il est nommé par Fidel Castro, directeur du Musée d’Histoire de La Havane.
Sa mission : contribuer à la diffusion de l’histoire et de la culture cubaines à travers « la préservation des symboles et des expressions matérielles et spirituelles de la nationalité (…) et de la mémoire historico-culturelle de la ville et plus particulièrement de son centre historique, le plus grand centre colonial d’Amérique Latine.
Son projet : « Nous allons donner un métier à tous les habitants de la vieille ville, leur enseigner toutes les spécialités nécessaires et ils reconstruiront les maisons où ils habitent ». La Habana Vieja allait revivre...
La mission choisie n’a pas connu de repos. De 1967 jusqu’à quelques mois avant sa mort en 2020, il s’est consacré à reconstruire ou élever non seulement des pierres, mais aussi des esprits...

Pour réussir cette utopie, dans un pays qui souffre en plus des conséquences du Blocus imposé par les états-Unis, le plan de réhabilitation repose sur un pacte social, une vision culturelle ainsi qu’un mode de financement économique particulier et exemplaire.
Toutes ses raisons ont contribué au fait que ce centre historique de La Havane (construit entre les XVIe et XIXe siècles) ait été déclaré patrimoine culturel de l’humanité par l’UNESCO en 1982.

Photo : Prensa Latina

Eusebio Leal n’a eu de cesse de faire visiter la ville si chère à son cœur, aux plus grands comme aux plus petits ; ambassadeur de la Vieille Havane, il l’est également de Cuba à travers le monde.
Entre autres Commandeur de la Légion d’Honneur en France, on ne compte plus les récompenses décernées à Eusebio Leal à travers le monde, car elle se poursuivent encore aujourd’hui à titre posthume.

Ses liens avec la France, comme ceux de Cuba avec notre pays sont nombreux, la Révolution Française, Napoléon, Victor Hugo... Ses liens avec notre Association resteront à jamais au cœur de sa chère Vieille Havane, avec la réhabilitation de ce petit palais devenu la Maison Victor Hugo. C’est aujourd’hui un centre franco-cubain de valorisation de la culture française, accompagnée par Cuba Coopération France sous la responsabilité du Bureau de l’Historien.

L’exposition a été conçue pour voyager, permettre à ceux qui le souhaitent de découvrir et faire découvrir une réalité cubaine incroyable, permettant aussi de se faire l’écho de cette œuvre qui se poursuit encore, puisque Eusebio Leal a laissé derrière lui des années de travail encore à accomplir.
Il reste encore de nombreux bâtiments à réhabiliter dans ce quartier historique. C’est le Bureau de l’historien qui poursuit ces travaux.

Exposition conçue et réalisée par Agnès Le Gouze pour Cuba Coopération France
(agence@grissouris.com).


Audrey AZOULAY
Directrice générale de l’UNESCO

Photo : Prensa Latina

« Excellences, Mesdames et Messieurs, Eusebio a consacré à La Havane l’essentiel de sa vie,
pour la raconter et la partager, en grand passionné de documents et d’archives, comme il a eu l’occasion de le dire, avec l’enthousiasme communicatif qui le caractérisait, en 2018, lors de l’inscription des Actes Capitulaires de La Havane coloniale sur le registre Mémoire du Monde de l’UNESCO.
Non seulement à la raconter et la partager donc, mais aussi à la protéger et à la restaurer.
Le travail qu’il a mené à la Havane, avec les autorités cubaines, est exceptionnel,
d’abord par l’ampleur de la tâche qu’il a pu accomplir – il faut, je le crois, mesurer ce que représente la protection de plus de 3000 immeubles, dont 350 vieux de plus de trois siècles.
C’est pour chacun d’entre eux, comprendre le bâtiment, le restaurer sans le dénaturer, et lui rendre vie. C’est l’œuvre d’une vie de passion et de patience, de minutie, de vision globale.
Mais si le travail d’Eusebio Leal est exemplaire, c’est aussi parce qu’il a su inventer un modèle de financement et de développement original.
Un modèle fondé d’abord sur une large autonomie de gestion, là où on l’attendait moins. Un modèle responsable qui accorde une large place aux populations, à la transmission et à l’éducation, avec, notamment, un atelier-école de restauration où des jeunes Cubains apprennent, en même temps, à aimer et à préserver le patrimoine.
Comme il l’expliquait ici même, au Siège, en 2009, il s’agissait non seulement de protéger et de restaurer ce patrimoine exceptionnel de La Havane, mais aussi de placer la culture au cœur d’un projet de société, qui intègre tout aussi bien ses dimensions matérielles qu’immatérielles.
Cette conviction d’Eusebio Leal, c’est aussi celle de l’UNESCO, 40 ans après l’inscription de la Havane au Patrimoine de l’Humanité et malgré les difficultés actuelles : nous mesurons à quel point ce pari a été gagnant.
Ce succès nous encourage à poursuivre, bien sûr, le travail mené sur la culture avec Cuba, comme nous le faisons avec ce très ambitieux projet Transcultura.
Ce projet mobilise près de 16 millions de dollars, afin de multiplier les échanges culturels entre Cuba, les Caraïbes et l’Union Européenne et de soutenir le développement d’un tourisme durable dans la région caribéenne.
Projet à travers lequel l’UNESCO s’inscrit dans les pas d’Eusebio Leal : mettre le patrimoine de la ville au service de la vie de ses habitants.
Et c’est ce que nous faisons aujourd’hui en réhabilitant le couvent Santa Clara, afin qu’il devienne un lieu de manifestations culturelles et de formation, au cœur de La Havane.
Nous contribuerons ainsi à toujours mieux faire connaître les cultures cubaines, des Caraïbes et de l’ensemble de la région – ces cultures que nous célébrons, ici, à l’UNESCO, tout au long de cette semaine dédiée à l’Amérique Latine et aux Caraïbes.
Mais le succès qu’incarne La Havane nous engage et nous oblige à garder vivant l’héritage d’Eusebio Leal.
En relevant notamment ce défi dont il avait, à la fin de sa vie, mesuré toute l’ampleur. Je veux parler ici des effets dévastateurs du dérèglement climatique. Dans les couloirs de l’UNESCO comme dans les colonnes de notre Courrier en 2019, il nous confiait son angoisse de perdre ce qu’il appelait sa « grande bataille contre la mer et Neptune », celle de la montée des eaux et des cyclones toujours plus fréquents. Autant de périls qui menacent aujourd’hui le Malecón, « ce beau sourire que La Havane adresse à la mer » comme il aimait à le dire.
Ce défi climatique, Cuba n’est pas seule à y faire face.
Pour un site naturel sur trois du patrimoine mondial et un site du patrimoine culturel sur six, cette menace est déjà une réalité. Si rien n’est fait, des pans entiers de notre passé risquent de disparaître. Et les îles sont en première ligne.
Madame l’Ambassadrice, Mesdames et Messieurs,
Le meilleur hommage que l’on puisse rendre à Eusebio Leal c’est d’abord de le reconnaître comme un maître et c’est ainsi que je m’en souviendrai. Mais c’est aussi de continuer d’agir, ensemble, pour La Havane et en faveur de ces villes historiques fidèles à leurs mémoires et à leurs habitants.
D’agir aussi face au dérèglement climatique. De restituer, au-delà du patrimoine, la fierté d’une histoire.
Car c’est bien de la préservation du patrimoine de l’humanité qu’il est question.. »

SE Yahima Esquivel Moynelo, Ambassadrice de Cuba auprès de l’UNESCO avec Perla Rosales, Directrice adjointe du Bureau de l’Historien de La Havane ont remis à la Directrice de l’UNESCO deux livres d’Eusebio Leal, dont la version espagnole de "Pour ne pas oublier".

Photo : Prensa Latina

Victor Fernandez et Agnès Le Gouze lui ont offert des fleurs au nom de Cuba Coopération France.

Photo : Prensa Latina

Un colloque :

Photo : Prensa Latina

La présentation du colloque revenait au président fondateur de Cuba Coopération France, expliquant les raisons particulières de l’association d’organiser cet hommage. Il rappela les liens unissant, pendant près d’un quart de siècle l’association à l’Historiador, avec notamment la création de la Maison Victor Hugo et le développement de son activité. Et puis, ce fut la palette des invités de l’association, ceux venus spécialement de Cuba et les amis français, tous proches d’Eusebio Leal, abordant chacun différentes facettes de la vie et de l’oeuvre de ce grand homme.

L’ouverture du colloque s’est faite avec une courte vidéo de présentation de l’Historien parlant de son plan de réhabilitation de La Vieille Havane :

Le groupe musical cubain Alma Cuarteto (composé de trois nationalités : Argentine, Cuba France) fit entendre trois pièces musicales avant la première intervention de la Directrice de l’UNESCO. Alma Cuarteto, (en trio cette fois -ci) est un groupe de musiciens professionnels, défenseurs de leur patrimoine, très impliqués dans la pédagogie et la valorisation de la culture musicale cubaine à travers le monde. Ils ont eu l’occasion de jouer à la Casa Victor Hugo.

Photo : Prensa Latina

Eduardo TORRES CUEVAS
Historien, grand intellectuel, universitaire cubain, président de l’Académie cubaine d’Histoire et directeur du Bureau du programme Martí, président du jury du Prix Unesco José Martí.

Photo : Prensa Latina

« C’était un ami, j’ai beaucoup d’émotion à parler de lui, de son œuvre. C’était un cœur sensible, spirituel, avec une connaissance profonde. Il était profondément attaché à sa patrie et à sa Révolution. Il entretenait un dialogue et des relations avec Fidel Castro.
Son œuvre a été une œuvre créatrice. Il marchait souvent dans La Havane et ainsi développait son rêve de reconstruire La Havane.
On peut dire qu’aujourd’hui son rêve est devenu réalité.
Ses connaissances dépassaient celles des plus grands maîtres et l’ampleur de sa vision était immense.
La Havane est un cœur et le monde entier a été son inspiration. De plus, ce qu’il a fait était pour le peuple. L’écouter c’était écouter ses propositions mais aussi ses réalisations.
Ses valeurs continuent de vivre, aussi je n’ai pas parlé de lui au passé… »


Paul ESTRADE
Historien, intellectuel français

Photo : Prensa Latina

En préambule, l’historien indique que tout discours concernant Eusebio parait « pauvre » tant l’homme est « riche » ! Eusebio c’est l’historien, l’homme de culture, l’architecte restaurateur de la Vieille Havane…..mais aussi l’orateur !
Sa première rencontre avec Eusebio, eut lieu sans doute en 1986 à Paris à la Maison de l’Amérique Latine. Il s’y tenait un colloque sur l’abolition de l’esclavage présidé par Paul Estrade. Lorsqu’à la fin du colloque il passa la parole à Eusebio Leal, ce dernier avec son talent oratoire écrasa tout ce qui avait été dit, appelant la mémoire de tous les héros de cette lutte anti-esclavagiste !
Paul Estrade évoque la pose de la 1ère pierre de la Maison Victor Hugo de La Havane où, après son intervention (dont le texte sera noyé dans la maçonnerie), Eusebio, sans notes, mais grâce à la magie, la poésie de ses envolées lyriques survola cette cérémonie… mais, sans texte écrit, ces paroles, à la différence de celles de Paul, ne sont pas scellées dans la structure de la MVH !
Les dernières rencontres entre les deux hommes eurent lieu en 2019. Ce fut le dernier déplacement d’Eusebio Leal en France, à l’occasion de la publication en français par Cuba Coop de son livre « Pour ne pas oublier » qu’il présentait ici même à l’Unesco. Il le revit le lendemain à la Sorbonne, lors d’un colloque qui lui était consacré.
Pour Paul Estrade, Eusebio était un collectif représentant l’aspiration de tout un peuple à la dignité !


Jean MENDELSON
Ancien ambassadeur de France à Cuba.

Photo : Prensa Latina
Photo : Prensa Latina

Il se rappelle avec précision sa première rencontre avec Eusebio à Paris en 1989. Il faisait partie de la "mission du bicentenaire ". Eusebio était invité à participer à un colloque international sur la Révolution Française. Eusebio Leal était passionné par la Révolution Française et l’Empire qu’il ne dissociait pas ! Il se souvient des débats souvent passionnés qui se faisaient jour sur quelques points d’histoire et, quand il était pris en défaut, il s’en sortait par une "galipette", citant Alexandre Dumas « On peut violer l’histoire de temps en temps pourvu qu’on lui fasse de beaux enfants ! ».

Autre point d’histoire que la rencontre des deux hommes a permis à Eusebio d’éclairer : il a demandé à avoir accès aux archives françaises concernant l’explosion de La Coubre, en 1961. La lecture de ces archives et des conclusions de l’Amirauté Française ne laissaient pas de doute sur le fait que la thèse de l’accident est peu crédible !

Lors de sa prise de poste à Cuba, à peine arrivé, Eusebio demande à le rencontrer. Il souhaite une intervention de l’Ambassadeur pour l’inauguration du Musée Napoléon de La Havane qui venait d’être rénové. Ce qui fut fait, permettant au nouvel Ambassadeur d’entrer de plain-pied dans son nouveau poste.
Au cours de son dernier voyage à Paris en 2019, Eusebio demande à visiter le Château de la Malmaison, d’où Napoléon est parti en exil….comme un pressentiment de son prochain « départ » pour l’au-delà !
Jean Mendelson souligne une nouvelle fois l’attachement d’Eusebio Leal à la France, à l’Alliance Française de La Havane à qui il a permis de bénéficier de locaux à la mesure de ses besoins, dans un cadre exceptionnel.

Mauro Rosi
centre du Patrimoine Mondial de l’UNESCO

Photo : Prensa Latina

Il a retracé les raisons qui ont fait que le centre de la Vieille Havane et ses fortifications soient déclarés Patrimoine Culturel de l’Humanité par l’UNESCO en 1982.
« ... Comme Leal le voulait, il ne faut pas vénérer les vieilles pierres, il faut vivre dedans, y travailler, y faire de la musique et de la danse... ».

Serge Ussorio
Entrepreneur, patron d’une entreprise d’électricité.
Il a été durant 25 ans en contact avec Eusebio. Ne pouvant être présent à cet hommage, Serge Ussorio a transmis un texte, lu par Michel Humbert, vice-président de Cuba Coopération France.
Sa rencontre avec Eusebio Leal date de 1995. A la suite de la demande du Général Colomé Ibarra, alors Ministre de l’Intérieur, son entreprise a réalisé l’illumination de l’effigie géante du Che sur la place de la Révolution.
Par la suite, il réalisa également l’illumination artistique de la forteresse du Castillo del Morro, le financement étant assuré par la ville de Lyon et quatre entreprises françaises dont celle de Serge. L’inauguration a eu lieu le 16 novembre 1997 en présence des autorités cubaines, de 150 français dont des personnalités comme Raymond Forni, futur président de l’Assemblée Nationale, Michel Dreyfus Schmidt, vice-président du Sénat. Eusebio décida de donner le prénom de sa mère à cette opération et fait poser une plaque commémorative sur le boulevard, à La Punta, « Projet Margarita Morro »..
Quelques jours avant l’inauguration du Capitole de La Havane, Serge a été invité à une visite privée, Eusebio lui confiant que « c’était l’œuvre de sa vie ».
A la faveur d’un déplacement à La Havane la semaine dernière, il s’est recueilli sur sa tombe.

Perla Rosales
Directrice adjointe du Bureau de l’Historien de La Havane.

Photo : Prensa Latina

Elle a accompagné Eusebio Leal ces vingt dernières années dans son travail. Avec les équipes du Bureau de l’Historien, elle a en charge l’héritage de l’Historien de La Havane, pour le faire connaître et poursuivre les nombreux projets décidés par lui. Elle a commenté différentes photos d’Eusebio Leal prises durant ses dernières années de travail. Eusebio, déjà malade, ne laissait jamais rien paraître, poursuivant son travail et ses visites.


A l’issue du colloque, Les nombreuses personnes présentes ont été conviées à partager le Mojito offert par Cuba Coopération France et la Délégation permanente de la République de Cuba auprès de l’UNESCO.