Empreinte japonaise à Cuba : migration, art et cuisine

Partager cet article facebook linkedin email

Par Danay Galletti Hernandez
Publié dans Prensa Latina le 22 mars 2021

La Havane, 22 mars (Prensa Latina) Les Japonais sont arrivés dans le pays attirés par le boom du sucre pendant la Première Guerre mondiale et, aujourd’hui encore, du point de vue artistique, il existe un lien étroit entre les deux archipels.

L’histoire dit que les Japonais ont formé les premières coopératives de production agricole et ont introduit l’utilisation d’engrais chimiques. Dans ce domaine, des noms comme l’horticulteur Kenji Takeuchi, qui a cultivé plus de 700 espèces de fleurs dans le jardin d’orchidées de Soroa, dans la province de Pinar del Río, se distinguent.

Des institutions telles que la Casa de Asia (NdT : La Maison de l’Asie) à La Havane organisent des conférences, des expositions, des spectacles musicaux, des ateliers d’origami, des cycles cinématographiques, des démonstrations de costumes, d’arts martiaux, de calligraphie et des cérémonies du thé pour promouvoir la culture de cette nation asiatique.

Dessins japonais, esthétique et thèmes

L’artiste cubaine Duchy Man Valderá, qui vit en Belgique, connaît la culture japonaise depuis son enfance. Elle se souvient qu’à la maison, il y avait de nombreuses publications, magazines, affiches et livres sur l’archipel asiatique et qu’elle était fascinée par les costumes et les maquillages du théâtre kabuki, l’art millénaire du chant et de la danse.

« Mon père était un artiste amateur et aimait dessiner des samouraïs en imitant l’esthétique ukiyo-e, un genre de gravures courant entre le XVIIe et le XXe siècle. Le Japon possède une culture que je considère comme l’une des plus solides et des plus universelles qui soient, avec une étonnante capacité de permanence », a-t-elle déclaré à Prensa Latina.

L’illustratrice a également fait allusion au phénomène actuel généré par les mangas ou les bandes dessinées qui, selon elle, répandent une diversité de genres et de thèmes - aventures, horreur, histoires d’époque et policières - choisis par les lecteurs à partir de leurs propres préoccupations ou de leur identité, bien qu’il existe des différences de contexte visibles.

« Par rapport à d’autres pays, Cuba est arrivé tardivement au manga et pourtant c’est un processus irréversible. C’est une manifestation artistique qui a transcendé ses frontières d’origine pour assimiler et être assimilée dans le monde entier, et chaque pays y met sa touche, son message, son contenu et son scénario particulier », a-t-elle déclaré.

Dans son cas particulier, elle est attiré par les arts-martiaux, dramatiques, manga, cinéma, littérature et esthétique culinaire et par des concepts tels que "mono no aware", qui fait référence à la sensibilité ou à la capacité d’être surpris ou ému, d’éprouver une certaine mélancolie ou tristesse face à l’éphémère.

« Ces dernières années, j’ai découvert l’œuvre d’Edogawa Ranpo (pseudonyme de Hirai Taro, 1894-1965), précurseur du roman policier japonais moderne, qui m’a permis de connaître le ’ero-guro nansensu’, un mouvement artistique du début du XXe siècle contraire aux tabous de la tradition », a-t-elle indiqué.

Dans ses illustrations, elle a recours à l’art de la période Heian (794-1185), pour la richesse et la couleur de ses représentations de costumes, aux estampes ukiyo-e pour leur "ligne claire", l’utilisation de la couleur et les sujets traités ou à l’école Rinpa pour l’utilisation de fonds plats entièrement recouverts de feuilles d’or afin d’obtenir une sensation de profondeur presque abstraite.

La Havane, la fiancée de mes rêves

Le titre de cette épigraphe correspond au projet d’enregistrement de la danseuse, chanteuse et percussionniste japonaise Yuko Fong. D’abord attirée par l’idiosyncrasie latine, elle a étudié l’espagnol dans son pays natal, puis a participé à un cours intensif de danse contemporaine à Cuba.

« Le son des tambours m’a emportée et j’ai voyagé plusieurs fois dans le pays pour suivre des cours de danses folkloriques. J’appartiens à une culture très organisée, traditionnelle et millénaire, presque antagoniste de la culture cubaine et c’est précisément ce que j’ai aimé", a-t-elle avoué.

Depuis 2000, elle vit dans la plus grande des Antilles, d’abord dans le but d’étudier la danse folklorique à l’Institut Supérieur des Arts puis elle a fait partie de plusieurs groupes professionnels tels que l’Ensemble Folklorique National de Cuba et le groupe féminin "Obini Bata".

« Au Japon, il n’est pas courant d’utiliser le « piropo », phrases pour flatter ou courtiser, très présent dans la nation antillaise. Je suis frappé par le fait que cette pratique est courante à tout âge, des enfants aux personnes âgées et j’aime cela, j’apprécie cette ingéniosité et cette créativité car ce n’est pas une pratique dans mon pays ».

Ce qui lui manque, outre la famille et les amis, c’est la nourriture, bien qu’elle ait incorporé à son régime alimentaire des particularités de cette région comme les ragoûts et les tostones, une recette à base de morceaux de banane plantain verte, aplatis frits.

L’Asie et les Caraïbes unies dans les saveurs et les recettes

Et en matière de cuisine japonaise, le restaurant Fuumiyaki est une référence culinaire dans la capitale. Son propriétaire, Rael Tejeiro García, a participé en 2012 à la création d’une entreprise privée appelée Pepe’s teppanyaki, le premier établissement culinaire de cette nation asiatique à La Havane.

Cinq ans plus tard, il crée son propre espace dans le quartier du Vedado et adapte des plats internationalement reconnus comme les sushis aux préférences de la clientèle nationale et aux produits typiques de cette zone géographique. C’est pourquoi la recette traditionnelle intègre la mangue et l’avocat, selon la saison.

« Nous nous caractérisons par la fusion des saveurs et des tendances. Nous recherchons différentes préparations et analysons les ingrédients dont nous disposons, ceux que nous pouvons remplacer ou ceux auxquels nous pouvons incorporer un élément de la cuisine caribéenne. Nous avons, par exemple, des sushis avec de la ropa vieja (bœuf effiloché), de la banane plantain mûre, frite et du fromage frais qui sont très populaires auprès des touristes », a-t-il expliqué, « mais aussi des sushis avec du riz congrí à base de riz et de haricots rouges, de viande grillée et de yucca frit surtout pendant les dîners de la veille de Noël et les fêtes du Nouvel An ». Ils proposent un large éventail de variétés de ce plat traditionnel, basé sur des techniques telles que les tempuras, les sautés et les teriyakis.

La conception du nom répond aux mots japonais « fuumi », qui signifie nourriture de bon goût et « yaki » faisant allusion à des actions telles que : griller, rôtir et griller et incorpore également des concepts et des modes de vie japonais, parmi lesquels, la discipline et la persévérance.