En attendant Silvio . . .
Silvio Rodriguez, chanteur compositeur, est très estimé à Cuba et sa notoriété va bien au-delà de l’île . . .
Graziela Pogolotti en présentant le concert qu’il donne le 26 avril à la « Casa de las Americas » rend hommage à cette Maison des Amériques en rappelant sa création et son histoire liée à la Révolution, au travail effectué dans le domaine de la culture par la nouvelle équipe à la direction du pays, et en ce qui concerne la « Casa » à celui réalisé par Haydée Santamaria, fondatrice et directrice de cette institution jusquà sa mort en 1980.
Nous reproduisons ci-dessous son texte publié le 20 avril dans Juventud Rebelde.
Paula Lecomte.
Le prochain 26 avril Silvio offrira un de ses concerts habituels au coin de la troisième avenue des Présidents, en plein cœur du Vedado. Ce sera quelques heures avant le soixantième anniversaire de la Maison des Amériques, institution fondée par Haydée Santamaria pour tendre des ponts entre Cuba , l’Amérique latine et les Caraïbes.
Le lieu choisi pour regrouper des hommes et des femmes de notre Amérique latine, jusqu’à maintenant isolés, était un édifice qui était resté silencieux pendant des années. Il s’appelait Société colombienne Panaméricaine et dans sa dénomination on pouvait reconnaître le vestige de plateformes conceptuelles d’enracinement colonial et néocolonial. Selon quelques enquêteurs il y avait plus que cela. C’était une façade permettant de soutirer des pots de vin, provenant dans certains cas de l’atroce tyrannie de Trujillo.
Pendant l’année du triomphe de la Révolution le pays se vêtait d’habits neufs.La dette avec le passé était immense. Simultanément l’impatience de faire et l’impulsion créatrice contenue se libérèrent dans toutes les directions. L’éducation se redessinait et s’étendait à de nouvelles voies pour la culture. La vison devenait intégrale et intégrante. À la nécessaire cohésion interne s’ajoutait le projet de toujours renforcer le rêve de l’unité latino-américaine.
En regardant derrière, la tâche réalisée acquiert des dimensions gigantesques. Articulée autour de projet transformateurs de grande dimension, la Maison de l’Amérique latine accompagna la révolution cubaine dans le domaine de la culture. Contre toute attente, sur l’île une poignée de guérilleros avait réussi à vaincre une armée professionnelle soutenue par les EU.
Aux Nations Unies, Fidel affirma un programme décolonisateur et tiers-mondiste. De toute part les yeux se tournaient vers un petit pays connu jusqu’à ce moment, comme producteur de sucre et de tabac . En Amérique latine, la répercussion fut énorme. Les écrivains et artistes accueillaient des propositions novatrices dépourvues de voies de réalisation concrète.
Il était en train de mûrir une littérature qui très vite conquit au delà de nos frontières.
Pour la Maison de l’Amérique latine l’action immédiate se traduisit par la remise d’un prix littéraire qui prit de l’ampleur et persiste toujours, avec un visage adapté à chaque époque, jusqu’ à aujourd’hui. Il offrait une modeste récompense et la possibilité de publier les œuvres sélectionnées. De cette façon furent connus des auteurs qui aujourd’hui sont des noms établis.
La capacité mobilisatrice s’est étendue aux arts visuels, à la musique, le théâtre. Il n’y a pas eu de frontières entre le culturel et le populaire. Résultant de ces liens solidaires et de l’ouverture vers de plus amples horizons, la Maison de la culture accumulait une excellente collection d’arts et d’artisanats latino américains.
Dans sa soixantième année, elle a offert un appui à une authentique alternative, qui marche à contre courant du pouvoir hégémonique, qui est dans la précarité matérielle, occulté par les médias dominants de communication.
C’est arrivé avec les personnes de théâtre qui construisaient de nouveaux publics sur le continent, sous les dictatures et entre les communautés mexicaines et portoricaines des EU. En se convertissant en un nouveau foyer de la nouvelle chanson, elle eut une plus grande audience populaire. Sa ligne éditoriale offrit un panorama de notre littérature et de nos pensées de l’origine jusqu’ à aujourd’hui.
Les revues « Conjunto » et « Casa » constituent depuis longtemps une référence obligée pour les étudiants d’Amérique latine . « Casa » a toujours fait de la place aux arts et aux lettres, sans fuir les débats fondamentaux sur les idées. En relisant ses pages, on découvre la complexité d’une pensée en permanent développement, on enregistre les signes de changement sans perdre le cap de la proposition émancipatrice. Entre les auteurs qui apparaissent ici, nous rencontrons une grande variété d’intellectuels, écrivains, scientifiques sociaux, politiques. Beaucoup à peine connus lorsqu’ils signèrent leur première collaboration sont maintenant de rang international.
Elle appartient à l’avant-garde, terme qui s’est vulgarisé un peu , qui se situe dans l’avancée d’une formation. Ce sont les explorateurs qui perçoivent ce que les autres ne notent pas. Tel a été le rôle essentiel joué par la revue, incarnation de l’esprit essentiel de l’institution.
En continuant sa pratique courante, la OEA a essayé d’isoler Cuba du continent. Il est connu que soumis à des diktats, tous les pays, sauf le Mexique, rompirent leurs relations avec Cuba. Dans ces moments si difficiles , les intellectuels furent fidèles aux appels de la Maison des Amériques.
Devant tous ces obstacles, les amis de la Maison croisèrent 2 fois l’Atlantique. Ils devaient arriver dan une capitale européenne pour entreprendre un vol jusqu’à la Havane . Rien n’empêchait de continuer à se réunir dans la Maison des Amériques, la maison de Haydée, notre maison, l’endroit où la sagesse de Haydée Santamaria animait un esprit de savoir faire collectif, dépourvu de bureaucratie, ancré dans la passion, l’intelligence et l’intuition.
Le 26 avril nous profiterons des chansons de Silvio. Avec ses morceaux célèbres nous nous unirons à sa voix pour rendre hommage à la Maison des Amériques.
http://www.juventudrebelde.cu/opinion/2019-04-20/en-espera-de-silvio