Familles, et non famille
Reconnaître l’existence à Cuba de structures diverses qui rompent avec les schémas traditionnels de ce que l’on concevait comme la famille est l’un des plus grands sauts effectués par le projet du nouveau Code des Familles par rapport au Code actuel.
Auteur : Granma | internet@granma.cu20 mai 2022 10:05:34
Reconnaître l’existence à Cuba de structures diverses qui rompent avec les schémas traditionnels de ce que l’on concevait comme la famille est l’un des plus grands sauts effectués par le projet du nouveau Code des Familles par rapport au Code actuel.
Assumer la pluralité qui s’observe sur l’Île par rapport à cette cellule fondamentale de la société permet d’inclure et de protéger, en matière de droits et d’opportunités, des formes d’organisation familiale qui se situent en dehors des paramètres les plus conventionnels et les plus conservateurs.
Cela, on peut le dire, donne à ce projet de loi un caractère profondément inclusif, et ouvre la porte à la suppression de préjugés séculaires qui n’ont plus leur place dans une société comme la nôtre.
Ce qui est certain, c’est que, comme l’ont exprimé des spécialistes reconnus dans différents domaines liés à cette question particulière, il s’agit d’un code sur les affects et les liens d’amour qui, en dernière analyse, constituent véritablement une famille.
PREMIÈRES ÉTAPES...
Sans aucun doute, c’est la large consultation populaire qui a précédé le référendum constitutionnel, qui a approuvé l’actuelle Constitution, qui a mis en lumière la nécessité d’un Code des Familles plus en accord avec les changements et la diversité de l’environnement familial cubain.
Les controverses générées par la discussion d’articles tels que celui faisant référence au mariage entre deux personnes, au lieu d’un homme et d’une femme, ont montré qu’il y avait un large secteur social qui poussait à la reconnaissance de ces unions, un autre qui ne savait rien ou presque de cette question et un troisième qui s’accrochait encore à des idées rétrogrades sur le sujet.
Finalement, la Constitution de la République, dans son article 81, dispose que « l’État reconnaît et protège les familles, quelle que soit leur forme d’organisation, en tant que cellule fondamentale de la société et crée les conditions pour garantir que la réalisation de leurs objectifs soit pleinement favorisée ». Les familles sont constituées par des liens de droit ou de fait, de nature affective, et sont fondées sur l’égalité des droits, des devoirs et des chances de leurs membres.
Si nous lisons attentivement cet article, nous pouvons distinguer certains concepts qui se reflètent aujourd’hui dans le projet du nouveau Code des Familles.
On peut donc affirmer que le projet embrasse un principe de respect de la pluralité, et nous conduit vers une vision plus globale de ce que nous concevons comme la cellule fondamentale de la société.
LES YEUX DE L’AMOUR
J’ai toujours entendu dire que tout est possible lorsque l’on regarde avec les yeux de l’amour. C’est pourquoi, au cours de ces mois où, avec le soutien de spécialistes et depuis le cœur des foyers et des communautés, nous avons mis en œuvre une large consultation populaire, le fait d’assumer ce Code comme le code des affects a été une évidence.
Il n’est pas facile de déconstruire des schémas fortement ancrés dans la mentalité collective, mais la première étape consiste à commencer par le respect et l’acceptation.
Attention ! Il ne s’agit pas de prouver que la famille traditionnelle n’existe plus, pas du tout. Cette structure persiste, et continuera sans aucun doute à le faire. Le but est de comprendre qu’il en existe d’autres, en dehors de ces modèles, qui méritent d’être protégées.
Une famille, c’est aussi celle où une mère s’occupe seule de ses enfants, ou bien où un père assume cette fonction ; c’est celle formée par des conjoints du même sexe ; c’est celle qui ne compte parmi ses membres que des petits-enfants et des grands-parents, parce que les parents sont absents. En bref, cet espace où les liens affectifs sont suffisamment forts pour construire une cellule dans laquelle tous les membres ont les mêmes droits et les mêmes opportunités.
Car, comme le souligne le texte en attente d’approbation : « Les différentes formes d’organisation des familles, fondées sur des relations d’affection, se créent entre parents, quelle que soit la nature de la parenté, et entre conjoints ou partenaires affectifs.
« Les membres des familles sont tenus d’accomplir les devoirs familiaux et sociaux sur la base de l’amour, de l’affection, de la considération, de la solidarité, de la fraternité, du partage, de la coopération, de la protection, de la responsabilité et du respect mutuel. »
En d’autres termes, ce n’est pas sa forme qui fait la réussite d’une famille, ni le nombre de ses membres, mais d’être reconnue en tant que telle et de prendre en charge des devoirs et responsabilités que cela implique.
LES « AUTRES » FAMILLES
Face à la possibilité réelle (d’un point de vue juridique) de reconnaissance et de soutien en termes de droits, plusieurs familles en rupture avec les schémas conventionnels ont ouvert les portes de leur intimité, souvent vécue sous des regards accusateurs, plus par ignorance que par de véritables sentiments discriminatoires.
Il n’est pas rare que les gens rejettent ce qu’ils ne connaissent pas, ou ce sur quoi ils n’ont pas voulu ouvrir les yeux à cause d’un tabou.
Cependant, tant dans les consultations populaires que dans les médias et les réseaux sociaux, un espace s’est ouvert pour des témoignages dont la principale leçon est que l’amour et les sentiments sincères sont capables de faire tomber de grandes barrières et que, bien souvent, leurs rêves et leurs attentes ne sont pas aussi différents qu’on pourrait le penser des rêves et des attentes des familles traditionnelles.
Le fait qu’il n’y ait pas de figure paternelle ou maternelle à la maison, que les conjoints soient du même sexe, que ce soient les grands-parents qui élèvent les enfants, pour ne citer que quelques exemples, ne sont en aucun cas une condition pour une mauvaise éducation, ou pour des conflits internes plus complexes ou des dysfonctionnements.
Si nous laissons les préjugés et les modèles préétablis conditionner notre pensée, nous perdons la merveilleuse opportunité de comprendre le monde dans sa diversité et, par conséquent, de mieux nous y intégrer.
ON NE CHOISIT PAS SA FAMILLE, N’EST-CE PAS ?
J’ai souvent entendu dire que l’on ne choisit pas sa famille. C’est comme dire : « c’est ce que le sort t’a réservé, et c’est tout. Que ça te plaise ou non, tu dois le supporter. »
Cependant, s’il est vrai que les liens de consanguinité ne peuvent être modifiés, objectivement parlant, du côté subjectif de la question, l’affirmation devient très relative. La vérité est que, indépendamment de l’environnement familial dans lequel une personne grandit, chacun a le droit de former sa propre famille, avec les particularités qu’il décide. Celle dans laquelle un être humain peut se sentir vraiment épanoui et heureux.
Si les structures familiales qui existent autour de nous sont différentes, les idées que les gens se font de ce qu’ils considèrent comme une famille sont tout aussi diverses, sinon plus.
Ainsi, le premier des droits dans la sphère familiale, inclus dans le projet du nouveau Code des Familles, est précisément celui qui nous donne la possibilité de créer une famille. Bien sûr, à condition de tenir compte des principes, qui sont également clairement définis dans le texte, et qui reposent sur une idée fondamentale : les relations qui se développent dans le milieu familial sont fondées sur la dignité comme valeur suprême.
Alors oui, la famille que nous voulons, celle dont nous rêvons, celle qui répond à nos attentes d’êtres humains, se choisit, se fonde et se construit, et si c’est ainsi, il ne fait aucun doute qu’elle sera toujours notre refuge et notre soutien.
TOUTES LES FAMILLES, TOUTES...
Le nouveau Code des Familles cubaines, s’il est approuvé, est un instrument d’une grande portée qui sera parmi les plus avancés de ceux en vigueur aujourd’hui sur notre continent, ce qui en dit long aussi sur le chemin que nous suivons en tant que société.
Partant du principe que l’amour est la première condition pour qu’une famille existe, cela a le mérite d’élargir nos concepts d’inclusion, de mettre un nom sur ce qui était autrefois pratiquement innommable, d’avancer vers la naturalisation de structures familiales dont le statut en matière de droits est resté pendant des années dans un certain flou.
Ce document, dont tout Cubain informé peut aujourd’hui parler en toute connaissance de cause, constitue un saut qualitatif très important dans ce qui a toujours été un objectif primordial de notre système social : lutter contre les manifestations de discrimination.
Ce Code est un miroir qui reflète avec une fidélité admirable l’image que la Cuba d’aujourd’hui montre en matière de familles.