Hommage à Eduardo Torres-Cuevas

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C’est avec une profonde tristesse que nous avons appris le 31 août dernier le décès du professeur Eduardo Torres-Cuevas. Historien, chercheur, auteur et coordinateur de nombreux ouvrages, Eduardo a exercé également de hautes responsabilités à Cuba. C’était un grand ami de la France, un « pivot de la coopération universitaire franco-cubaine » comme le définit le professeur Paul Estrade dont nous publions le témoignage. Il avait accompagné les activités des associations de solidarité, France Cuba et Cuba coopération.

Parmi les hommages des plus hautes autorités du pays et de nombreux intellectuels, celui de Abel Prieto, ancien ministre de la Culture et actuel président de la Casa de las Américas, résonne particulièrement

Abel Prieto a notamment souligné que Eduardo Torres-Cuevas avait énormément apporté dans l’enseignement, la recherche, l’édition de livres et de revues, la communication et la diffusion de l’histoire, la direction scientifique d’ouvrages et de projets, et que, dans le même temps, « bien qu’il fût un véritable érudit et qu’il eût une vocation irrésistible pour l’étude et la recherche, il ne s’est jamais enfermé entre ses livres et ses archives. Au contraire, il a mis son talent et sa culture au service de la patrie, a accepté et accompli toutes les missions que lui a confiées la Direction de la Révolution et s’y est consacré avec loyauté, dévouement et ferveur. »

A. Prieto a rappelé son apport « lorsque, pendant ces années intenses de la Bataille des idées, Fidel a créé l’Université pour tous, Eduardo Torres-Cuevas a immédiatement apporté sa sagesse et sa longue expérience dans l’enseignement et est devenu le coordinateur du cours d’histoire de Cuba. Ses cours diffusés par la télévision ont eu un grand impact sur la population. 370 000 exemplaires du tabloïd de ce cours ont été imprimés. (…) Il a dirigé, entre autres institutions, la Maison des hautes études Fernando Ortiz, la Bibliothèque nationale, l’Académie d’histoire de Cuba, le Bureau du programme martinien et la Société culturelle José Martí. ».

Abel Prieto a enfin rappelé l’implication de Eduardo Torres-Cuevas dans la vie politique de Cuba, comme député à l’Assemblée nationale, membre du Conseil d’État, membre de la commission de rédaction de la nouvelle Constitution et du groupe de travail pour la création du Centre Fidel Castro Ruz.

Un ami de la France

Eduardo, fait chevalier de l’Ordre de la légion d’honneur en 2012 par la France, entretenait des liens particuliers avec notre pays. Dans le domaine universitaire, comme le souligne Paul Estrade, mais également par ses liens avec les associations d’amitié et de solidarité.

France Cuba avait répondu à ses sollicitations en contribuant financièrement à la rénovation de la Maison des hautes études Fernando Ortiz à La Havane, notamment pour la préservation et la conservation des ouvrages qui y étaient entreposés et à l’achat de papier pour la parution de L’Histoire de Cuba, publié par l’Institut d’histoire à partir de 1994.

Avec Abel Prieto à la Maison des hautes études F. Ortiz en juillet 1998

Eduardo était aussi un partenaire de longue date de Cuba coopération. Il est intervenu à de nombreuses reprises à la Maison Victor Hugo de La Havane ou lors de rencontres organisées par à Paris, pour présenter l’histoire et la situation de son pays ou parler de ses thèmes de recherche.

Avec Roger Grevoul à la Maison Victor Hugo

Il était intervenu notamment lors de l’hommage rendu à Eusebio Leal à l’UNESCO en mai 2022, à l’invitation conjointe de notre association et de la délégation permanente de la République de Cuba, revenant sur les liens entre la France et Cuba.

Au premier plan à l’UNESCO

Et les participants au colloque organisé en novembre 2019 à la Maison V. Hugo de La Havane sur « Victor Hugo, visionnaire de paix » ont en mémoire le brillant exposé qu’il avait fait en ouverture, revenant sur l’héritage de la culture française à Cuba et la situation de son pays. Vous pouvez retrouver cette conférence sur YouTube avec le lien suivant ; https://youtu.be/QunpLtu2X_k?si=qx9HCynKKTIIR2Oc

Un grand merci à Eduardo pour ses contributions, pour son amitié, pour tout ce qu’il a apporté à Cuba et aux relations entre nos deux pays.

Le témoignage du professeur Paul Estrade :

Hommage à l’historien Eduardo Torres-Cuevas, pivot de la coopération universitaire franco-cubaine

Dans sa longue et féconde carrière qui l’a conduit jusqu’à la présidence du « Programa Martiano », où il est mort à la tâche, ETC a élaboré une œuvre historique de premier plan et il a rempli avec honneur de nombreuses responsabilités.

Sa perte est à la hauteur de ce que cet infatigable travailleur intellectuel a apporté à Cuba, et à la France dont il a été un ami constant, par ses écrits et par son action culturelle.

Me viennent à l’esprit ses synthèses remarquables consacrées à la pensée des précurseurs du nationalisme cubain, Félix Varela et José Antonio Saco ; ses études fouillées et novatrices sur la franc-maçonnerie dans son île ; son inégalée et documentée Historia de Cuba en plusieurs volumes publiés voici une vingtaine d’années.

Professeur d’Histoire à l’Université de La Havane, Directeur du Centre d’études Fernando Ortiz, Directeur de la Bibliothèque Nationale José Marti, depuis quelque poste qu’il ait occupé, ETC a aidé aimablement les étudiants français qui effectuaient sur place des recherches en sciences sociales. C’est qu’en effet, il a été, à partir du milieu des années 1980, un des principaux artisans cubains de la coopération entre les Universités de La Havane et de Paris VIII. Dans le cadre d’échanges programmés, des étudiants de Paris VIII furent accueillis à La Havane, et des enseignants de La Havane, ETC en particulier, vinrent dispenser un cours semestriel à Saint-Denis.

Divers colloques organisés conjointement par les deux Universités se tinrent alors, tantôt à Paris, tantôt à La Havane : Centenaire de l’abolition de l’esclavage (1986), Bicentenaire de la Révolution Française à Cuba (1989), Ramon de la Sagra et Cuba (1992), Réformistes cubains en France et en Espagne (1995). Notre cher ami disparu s’y illustra tout naturellement par la richesse de ses contributions et la simplicité de sa manière d’être. Inoubliables. Merci Eduardo.