Jacques Gaillot : un peuple chaleureux

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CCF a choisi de donner la parole, sous forme de tribune libre, à celles et ceux qui peuvent témoigner, par un récit, une analyse, une opinion, un temps fort qu’ils ont vécu dans leur relation d’amitié et de coopération avec Cuba et son peuple. La règle est simple : l’auteur, sélectionné et qui a donné son accord, choisit son thème et son traitement, que ce soit à travers l’histoire ou l’actualité la plus récente.

Comme Grand Témoin, Jacques Gaillot nous livre son témoignage sur Cuba et sur son peuple qu’il décrit comme un peuple chaleureux.

 

Jacques Gaillot est né le 11 septembre 1935 à St Dizier (Haute-Marne) d’une famille de négociants en vin. Très jeune il a le désir d’être prêtre. Après ses études secondaires, il entre au séminaire de Langres.

De 1957 à 1959, il part faire son service militaire en Algérie. Il y est confronté à la violence de la guerre. C’est à partir de cette expérience qu’il s’intéressera à la non-violence. En mars 1961 il est ordonné prêtre à Langres. En mai 1982, Jacques Gaillot est nommé évêque d’Evreux. Homme de terrain, il est souvent intervenu dans les événements de l’actualité.

Il écrivit une douzaine de livres. L’un d’eux, « Coup de gueule contre l’exclusion », ne passera pas inaperçu. L’auteur critique sévèrement les lois sur l’immigration du ministre de l’Intérieur de l’époque. Ce livre jouera un rôle dans sa destitution. En 1995, Jacques Gaillot est convoqué à Rome. Le couperet tombe : il sera évêque transféré.
Jacques Gaillot devient évêque de Partenia, un évêché situé sur les hauts plateaux de Sétif en Algérie, là où il fit son service militaire. Un évêché qui n’existe plus. Depuis il continue d’être au côté des exclus de la société, notamment des migrants, des sans-papiers, des sans domicile fixe.


Un peuple chaleureux

J’aime le peuple cubain qui est vraiment attachant. Les rencontres des habitants des villages ont été pour moi des moments forts que je ne saurais oublier : des gens pauvres et dignes, travailleurs et habitués aux luttes. J’admire que les jeunes soient doués pour la musique et le chant.

La vie dans ces villages est difficile. On ne mange pas toujours à sa faim, mais les gens savent faire la fête sobrement. Quand la vie est dure, on a besoin de se réjouir.

J’apprécie de rencontrer des citoyens responsables, qui savent prendre la parole en public. Ici comme ailleurs, on voit les bienfaits d’une politique qui donne la priorité à l’éducation et à la santé.

Les Cubains aiment leur pays. La révolution de 1959 reste l’événement fondateur de Cuba. Ils sont fiers de leur histoire. L’avenir leur appartient.

Les « cinq Cubains »

C’est une histoire incroyable. Rappelons d’abord que deux terroristes : Luis Posada Carriles et Orlando Bosch, ont fait exploser en octobre 1976 un avion de ligne reliant Caracas à La Havane, causant la mort de soixante-treize passagers ! Ces deux terroristes connaissent la plus totale impunité à Miami !

« Les cinq Cubains » étaient chargés d’infiltrer des groupes d’extrême droite paramilitaires basés en Floride, afin d’empêcher des actions criminelles contre Cuba. Les « cinq » déjouaient des attentats terroristes contre Cuba. Ils ont été arrêtés en 1998 et condamnés à des peines de prison allant de quinze ans à la perpétuité. On croit rêver !

Ils sont accusés de mettre en danger la sécurité des Etats-Unis. Ils paient de leur liberté la lutte contre le terrorisme, dans des prisons de haute sécurité. C’est un procès politique.

C’est un drame pour les familles que l’on traite de façon inhumaine. Les épouses n’avaient pas de droit de visite.

Heureusement, la solidarité internationale s’est organisée. Plus de deux cents comités de solidarité se sont constitués à travers le monde pour demander que justice soit faite.

Tony, l’un des « cinq » écrit : « Quand je vois les gardiens, la première chose que je fais, c’est de sourire. Pour leur faire croire que je suis content, alors que je meurs au-dedans de moi-même. »

Colloque international à Holguín

Le Boeing 747 s’envole de Paris pour la Havane au grand complet. A La Havane, je prends un avion pour Holguín, chef- lieu de province, situé à 800 km de La Havane. La région a beaucoup souffert du passage du dernier cyclone. Cent quatre-vingt-quatre délégués, représentant quarante-deux pays, sont présents pour soutenir et renforcer les efforts de la communauté internationale en faveur de la libération des cinq Cubains.

La délégation américaine retient toute notre attention. C’est aux Etats-Unis surtout que la lutte doit se faire. C’est dans ce pays qu’il faut alerter les médias et sensibiliser l’opinion. Puisque tous les recours en justice ont été épuisés, il ne reste plus que l’opinion publique américaine et l’appel au président Obama.

Jacques Gaillot à Holguin
Site Partenia

Des familles de prisonniers sont là, donnant de l’humanité et de l’émotion à nos débats. Ce colloque est une réussite. Un grand réseau se constitue entre les participants et se poursuivra sur le net.

L’évêque de Holguín est venu me rencontrer : un homme chaleureux et ouvert. Il m’invite à célébrer la messe du dimanche à la cathédrale et à y prendre la parole. J’accepte volontiers. L’assemblée dominicale m’accueille comme un frère. J’explique pourquoi je suis venu à Cuba et quel est mon engagement pour les cinq Cubains emprisonnés. J’ai la joie de rencontrer deux Petits Frères de la communauté du Père de Foucauld, qui sont à Cuba depuis quarante-quatre ans. L’un a travaillé comme mécanicien, l’autre comme charpentier. En retraite, ils continuent de vivre au milieu des gens, dans un quartier pauvre.

Libération des cinq Cubains

Quand on lutte ensemble, on gagne souvent. Les cinq sont revenus à Cuba. Grande joie pour les familles, pour tous les soutiens qui se sont battus pour cette libération. L’un des cinq est venu à l’ambassade de Cuba à Paris pour témoigner, au nom des autres, de sa reconnaissance envers les militants.

Jacques Gaillot et Michel Humbert à l’ambassade de Cuba à Paris lors de la venue de René Gonzalez, un des cinq

Cette victoire nous encourage à continuer la lutte contre le blocus américain qui est illégal, inhumain, injuste. Le peuple de Cuba souffre de ce blocus depuis tant d’années !

Quand le pape Jean-Paul II vint à Cuba en 1998, invité par Fidel Castro, ce fut une visite mémorable. A son départ, le pape fit ce souhait :

«  Puisse Cuba s’ouvrir au monde et puisse le monde s’ouvrir à Cuba. »

Jacques Gaillot

Evêque de Partenia

Paris 16-02-2022

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