L’Union Européenne doit prendre ses responsabilités

Des banques doivent être désignées et défendues pour effectuer les transactions financières avec Cuba

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L’Union européenne doit aller au delà des condamnations de circonstances et prendre des mesures concrètes contre le blocus et pour protéger les banques et les entreprises européennes.

Quand le voleur estime qu’il a été floué.

L’histoire du blocus contre Cuba commence avec la Loi de Réforme Agraire de mai 1959 qui décide la nationalisation des grandes propriétés et leur répartition entre les paysans (80% des meilleures terres étaient la propriété de compagnies US).
Les anciens propriétaires, indemnisés à la valeur qu’ils avaient déclarée du temps de Batista pour calculer le montant de leurs impôts, s’estiment lésés.

L’Administration étasunienne décide de mesures contre Cuba qui répond par d’autres nationalisations, jusqu’à la tentative d’invasion de la Baie des Cochons, en avril 1961, qui se solde par un échec cuisant.

La voie militaire étant fermée, Kennedy signe, en février 1962, l’embargo total du commerce entre USA et Cuba. C’est le début officiel du blocus.

Comme, après la chute de l’URSS en 1991, les dirigeants cubains n’optent pas pour un retour au capitalisme, les USA s’acharnent sur l’Île.

C’est la Loi Torricelli en 1992 : Tout navire étranger accostant dans un port cubain se voit interdire l’entrée aux États-Unis pendant six mois. Cuba doit en conséquence payer un prix bien supérieur à celui du marché afin de convaincre les transporteurs internationaux de la livrer. La loi impose, par ailleurs, des sanctions à tout pays apportant une assistance à Cuba. Une clause interdit, en outre, aux entreprises de pays tiers de louer ou de vendre à Cuba des biens ou des services dont la technologie contiendrait plus de 10 % de composants américains, ce qui est le cas de la très grande majorité des plates-formes pétrolières et d’une grande partie des équipements de santé.

En 1996, la Loi Helms Burton interdit à toute entreprise ou personne dans le monde de réaliser des opérations avec des biens nationalisés par la Révolution Cubaine.

Les 243 mesures prises par Trump aggravent le blocus. C’est en particulier l’application des Titres 3 et 4 de la Loi Helms Burton et le classement de Cuba sur la Liste des Etats Soutenant le Terrorisme. Cette liste est étasunienne et n’a rien d’internationale. L’Union Européenne a sa propre liste d’organisations terroristes, sur laquelle, bien évidemment, ne figure pas Cuba.

Les USA interdisent l’entrée au conseiller délégué de Melia en application de la loi Helms-Burton

Les lois extraterritoriales décidées par les USA aboutissent au paiement de milliards de dollars par des banques et des entreprises étrangères.

Ainsi, rien qu’en 2019, les USA ont fait payer 2,4 milliards de $ à des entreprises pour avoir commercé avec Cuba. En particulier, 27 sociétés et 54 navires se sont vus infliger des sanctions pour avoir fourni du pétrole à la Grande Île. On appréciera le cynisme de ceux qui organisent la pénurie, pour ensuite tenter de dresser la population contre son gouvernement à cause des coupures de courant dues au manque de carburant.

Lors de la crise du Covid, l’Administration étasunienne a durci le caractère génocidaire du blocus en privant délibérément le peuple cubain d’appareils de ventilation pulmonaire assistée, de masques, de jeux de diagnostic, de lunettes de protection, d’uniformes de protection, de gants, de réactifs et d’autres articles nécessaires au traitement de cette maladie.

Cuba estime les pertes cumulées dues au blocus à environ 150 milliards de dollars à prix courant. Si on fait le calcul à prix constant, c’est-à-dire corrigé de l’inflation, on arrive à un montant de 1 400 milliards de dollars.

Comme on l’a vu, les actions judiciaires extraterritoriales illégales menées par les USA ont aussi des effets sur les entreprises françaises et européennes.

Par exemple, le consortium Bouygues et Aéroports de Paris a renoncé à la concession de l’aéroport de La Havane et la SNCF n’a finalement pas travaillé avec la Compagnie des Chemins de Fer de Cuba pour rénover les ateliers et les locomotives de Cuba.

Plusieurs entreprises européennes, dont Pernod Ricard, Société Générale, CMA-CGM et Melia, sont ainsi assignées en justice en application du Titre 3 de la Loi Helms Burton. Le Vice-président du groupe hôtelier espagnol Melia est interdit d’entrer aux USA en application du Titre 4 de la Loi Helms-Burton.

Les banques européennes ont versé, entre 2009 et 2016, 16 milliards de dollars (dont 9 milliards pour BNP Paribas) de pénalités, infligées pour non-respect des lois extraterritoriales imposées par les USA.

Ce fait explique que, comme le rappelait une note de la Direction Générale du Trésor de février 2022 : « Les banques françaises ont aujourd’hui des réticences à s’engager à Cuba et l’incertitude dans le milieu des affaires, générée notamment par l’activation du Titre 3 de la Loi extraterritoriale américaine Helms-Burton en mai 2019, suivi du placement par les Etats-Unis de Cuba dans la Liste des Pays Finançant le Terrorisme en janvier 2021, rendent plus complexes la mise en œuvre des nouveaux projets d’investissements français ».

Dans les faits, les entreprises européennes qui désirent investir à Cuba, ou simplement commercer avec ce pays, ne trouvent pas de banque pour effectuer les transactions nécessaires.

On pouvait penser que les sanctions ne tombaient que lorsqu’on utilisait des dollars dans les échanges. Erreur : il suffit d’être passé par une chambre de compensation US ou même d’avoir simplement utilisé un logiciel ou un courrier électronique US.

Comment les procureurs étasuniens peuvent le savoir ?
La loi « Cloud Act » de 2018 leur donne la possibilité d’obtenir des fournisseurs de stockage de données numériques (qui sont tous étasuniens), toutes les données non personnelles des personnes morales de toute nationalité, quel que soit le lieu où ces données sont hébergées. Ce qui est bien pratique pour obtenir des preuves.

L’Union Européenne a condamné à plusieurs reprises le blocus étasunien imposé à Cuba.

Elle s’est même dotée d’un règlement en 1996 qui interdit de se conformer aux règlementations extraterritoriales US, appelé « Loi de Blocage ». Cette loi, qui prévoit des sanctions pour les entreprises européennes qui renonceraient à travailler avec des pays visés par les directives US, n’a jamais été appliquée.

De plus, les entreprises peuvent demander l’autorisation de résilier des accords économiques en application des lois extraterritoriales US et l’Union Européenne ne communique pas sur les autorisations accordées. De plus, une note d’orientation et une récente décision de la Cour de Justice Européenne ont donné le mode d’emploi à suivre pour ne pas tomber sous le coup de la Loi de Blocage. Il suffit de prouver que la décision de résilier un contrat n’est pas liée aux législations extraterritoriales US (ça c’est le travail des avocats d’affaires) ou que les sanctions seraient tellement disproportionnées qu’il ne vaut mieux pas les appliquer.

La Loi de Blocage précise aussi que les entreprises sanctionnées par les USA peuvent demander réparation. Cependant, la quasi-totalité des affaires aboutissent à un accord transactionnel entre l’entreprise visée et les autorités étasuniennes. Il ne s’agit donc plus d’une sanction au sens strict du terme mais d’un accord signé contre lequel on ne pourrait revenir, si toutefois on le désirait.

Les dirigeants européens doivent abandonner leur posture de soumission aux intérêts US.

Il faudrait se souvenir que l’euro est utilisé pour 60 % des exportations et 50 % des importations de la zone euro. Cela lui donne un poids déterminant par rapport au dollar.

Des actions sont menées en Europe pour tenter de contrer le blocus étasunien.
Par exemple, en Grande Bretagne, le mouvement 1c4Cuba qui consiste à demander à sa banque de faire un petit virement à Cuba. La banque refuse et on a le droit de lui faire payer une pénalité. En Belgique, la Coordination pour la Levée du Blocus à Cuba mène une campagne auprès de leur Ministre des Finances et des directions des banques BNP et ING. En Espagne, l’Association Valencienne de Solidarité avec Cuba a lancé une pétition auprès du Parlement Européen pour que soit activée la solidarité avec Cuba contre le blocus des USA.

Nous désirons passer à un niveau supérieur, en proposant une alliance à plusieurs organisations européennes pour accroître la coopération avec Cuba.

Nous leur proposons, dès maintenant, d’agir au travers d’une pétition qui sera présentée au Parlement de l’Union, en même temps, depuis différents pays européens.

L’objectif est que le Parlement Européen se prononce sur la désignation de plusieurs banques qui seront chargées d’effectuer les transactions avec Cuba. L’Union devra s’engager à les défendre en cas de sanctions en mettant en place des mesures de dissuasion et de rétorsion (exclusion du marché de l’Union Européenne pour certaines entreprises, par exemple).

Cela nécessite une coordination avec nos amis espagnols, belges et italiens, mais aussi un travail de préparation avec les députés européens opposés au blocus.

Grâce à cette pétition, nous élargissons la bataille contre le blocus, en la portant sur le terrain de l’indépendance et de la défense des intérêts économiques de l’Europe.

Il ne s’agit pas d’une pétition pour la gloire, mais bien de desserrer l’étau que fait peser le blocus étasunien sur la population cubaine.

Intervention à l’ Assemblée Générale de Cuba Coopération le 15 octobre 2022 sur notre projet de pétition européenne.