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La solidarité sur roues : un atelier qui donne la vie

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Le journal Tribuna de La Habana vient de mettre à l’honneur un citoyen ordinaire, mais tout à fait exemplaire, un de ces héros du quotidien qui placent au-dessus de tout la solidarité et l’entraide et dont le système de valeurs n’est pas basé sur les relations mercantiles et le profit. Cet entrepreneur a pendant deux ans réparé gratuitement les pneus crevés des ambulances de La Havane, comme une contribution personnelle à la lutte contre la pandémie.

Voici son histoire. Pascale Hébert

La solidarité sur roues : un atelier qui donne la vie

Article de Eduardo Douglas Pedroso

  • Tribuna de La Habana
  • 28 décembre 2021
  • traduit par Pascale Hébert
Photo : Eduardo Douglas Pedroso

C’est l’histoire vécue d’Alexis Morán, le mécanicien qui s’est occupé gratuitement de plus de 2000 ambulances depuis le début de la COVID-19.

On dit que dans les temps difficiles, marqués par des tragédies naturelles ou humaines, beaucoup de gens donnent le meilleur d’eux-mêmes.

C’est ce que j’ai pu vérifier hier quand je suis allé à la rencontre d’Alexis Morán Alfonso, patron d’un atelier de mécanique dans l’arrondissement de Place de la Révolution, qui a offert gratuitement ses services à plus de 2000 ambulances du Service Intégré d’Urgences Médicales (SIUM) de La Havane et d’autres provinces depuis le printemps 2020.

L’origine de ce geste de solidarité remonte à l’année 2016 quand il a décidé de lancer son entreprise dans un hangar désaffecté de la Micro-brigade Sociale, enclavé entre les rues Marino et San Pedro, au fond du potager urbain de la Direction Générale de la Police Nationale Révolutionnaire, avec l’aide du Conseil de l’Administration Municipale.

« Beaucoup de gens ont cru que ça n’était pas possible parce que nous n’avions ni expérience ni infrastructure mais grâce aux conseils de ceux qui savaient faire nous avons remis en état des équipements délaissés et nous avons commencé à faire des réparations de vitrerie, de soudure et d’électricité » se rappelle-t-il.

« En plus des particuliers, nous avons eu rapidement comme clients le parc automobile du Palais de la Révolution, des Ministères de l’Agriculture et des Communications, de la Banque Nationale de Cuba et d’autres institutions qui nous ont fait confiance et qui en plus nous honorent de leur fidélité ».

Photo : Eduardo Douglas Pedroso

« Le 30 novembre 2019 nous avons fêté mon anniversaire en ouvrant un atelier de réparation de pneus dans la partie avant du garage, sans nous imaginer que peu de temps après on nous informerait sur les premiers cas confirmés de Covid 19 en Chine et que, trois mois après, nous aurions déjà la « bestiole » installée ici dans le pays ».

« Je suis de Yaguajay, dans la province de Sancti Spiritus et j’ai été élevé dans une famille très patriote, mes parents sont des militants du Parti et ma sœur est membre du Contingent International de Médecins Spécialisés Henry Reeve et cet amour pour mon pays et pour la Révolution, je le porte en moi depuis le berceau. C’est pour ça qu’à mesure que la situation épidémiologique se compliquait, j’ai dit à mes employés : nous devons faire quelque chose pour contribuer à cette bataille contre l’épidémie ».

« C’est comme ça qu’est venue l’idée d’offrir la réparation gratuite des pneus crevés à toutes les ambulances qui en auraient besoin. Elles n’ont pas à faire la queue, nous nous occupons d’elles tout de suite. Nous avons mis un panneau rudimentaire sur la grille d’entrée de l’atelier et la nouvelle s’est répandue aussitôt. Les premières qui sont venues sont celles de la base Centro, située sur la Place de la Révolution, qui traversait un moment critique : 31 pneus crevés ».

« Ensuite sont venues celles des arrondissements de Playa, de La Havane de l’Est et celles de Santiago de las Vegas. Elles étaient toutes soumises à un travail très intensif et le système n’était pas préparé pour une urgence de ce type. La plupart des matériaux nécessaires pour réparer les crevaisons sont importés. C’est pour ça que nous avons continué d’assurer cette prestation en grande partie grâce à la solidarité des médecins qui sont en mission au Vénézuela et dans d’autres pays et qui nous les font parvenir ».

« Depuis le début, nous avons eu le soutien du Ministre des Transports, Eduardo Rodríguez Dávila, et d’autres membres de son conseil de direction. Ils nous ont fourni ce panneau industriel que vous voyez là et ils passent continuellement par ici pour nous offrir leur aide ».

Photo : Eduardo Douglas Pedroso

« Des anecdotes ? Nous en avons quelques-unes : un jour, alors que nous allions fermer, arrive une ambulance avec les deux roues avant et la roue de secours crevées. Ils partaient pour Santiago de Cuba et transportaient une petite fille handicapée. Immédiatement, nous avons rouvert l’atelier et nous avons solutionné le problème. Le père est venu pour me payer malgré le panneau qui annonçait la gratuité et j’ai refusé tout de suite. J’ai dû le faire plusieurs fois car il insistait. Nous sommes devenus amis et il me téléphone fréquemment ».

« Pendant le pic de la pandémie de l’été 2020, une équipe du SIUM est arrivée avec les pneus dans un état critique et trois appels de patients en attente. Nous leur en avons donné quelques-uns que nous avions en réserve pour qu’ils puissent répondre rapidement aux appels. Il est possible que nous ayons sauvé plus d’une vie comme ça. C’est ça la solidarité du Cubain ».

« Notre contribution sociale comprend aussi la soudure sur des fauteuils roulants, des brancards pour les handicapés physiques et sur le mobilier pour les jardins d’enfants du Conseil Populaire de l’arrondissement Place de la Révolution où nous sommes implantés. Depuis le début, nous avons eu l’écoute de sa Présidente, Idelma Ricardo, qui nous a rendu hommage lors de l’assemblée pilote du processus de reddition des comptes, en novembre dernier ».

Alors que notre entretien est sur le point de s’achever, il se redresse et me montre fièrement des photos de ses enfants. « Le plus important, c’est le soutien de mes enfants, de ma femme et de sa tante, la journaliste Amelia Reverón, de Prensa Latina, actuellement alitée, qui m’a encouragé depuis le début ».

Après avoir retenu difficilement son émotion, il nous raccompagne vers l’atelier de réparation de pneus où il contribue de manière désintéressée à cette bataille pour la santé de ses compatriotes et pour le bien du pays.

Ce pays que, tout comme le duo Buena Fe, il ne cessera d’aimer autant que lui-même.

http://www.tribuna.cu/capitalinas/2021-12-28/solidaridad-sobre-ruedas-un-taller-que-da-vida