L’actualité des provinces

Le boom des véhicules électriques

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Les belles américaines “vintage”, si photogéniques, entretenues avec amour et devenues emblématiques de Cuba pour les touristes étrangers, sont-elles concurrencées par les nouveaux véhicules électriques produits par l’usine Minerva dans la province de Santa Clara  ? Le glamour en moins… la sobriété énergétique en plus, en cette période de très forte tension dans la production d’électricité !

Pascale Hébert

Les véhicules électriques commencent à détrôner les vieilles voitures américaines à Cuba

Article de France 24.com, 16 juin 2022, traduit par Pascale Hébert

Santa Clara (Cuba) (AFP) – «  L’essence ? Imagine un peu, 50 ans passés à se battre pour en avoir, je ne veux plus en sentir l’odeur ! » dit Sixto González, en montrant sa rutilante voiturette électrique bleue, grâce à laquelle il circule à environ 40 kilomètres/heure dans La Havane, où le combustible est rare et où les transports publics sont un supplice.

Des milliers de Cubains disent adieu à l’essence et souhaitent la bienvenue à l’avenir.

Les scooters, tricycles et voiturettes électriques émaillent de plus en plus le paysage urbain de la capitale cubaine, dominé jusqu’à présent par les vieilles automobiles américaines de la décennie des années 50 et les berlines Lada de l’ère soviétique.

Avec un prix oscillant entre 4 000 et 8 000 dollars, les voiturettes sont devenus le rêve de nombreux Havanais assaillis par les difficultés de transport. La dernière fois que Sixto a rempli de gasoil le réservoir de son automobile à combustion, il a fait la queue pendant huit heures. Ce chauffeur de taxi retraité, âgé de 58 ans, a la chance de posséder, en plus de la voiturette, l’une des 600 000 automobiles à combustion qui circulent sur l’Île, où vivent 11,2 millions de personnes, d’après les chiffres officiels. Beaucoup de Cubains, qui n’ont pas cette chance, optent pour un scooter ou pour un tricycle électrique, utilisé le plus souvent comme taxi ou pour le transport des marchandises.

Dans une ancienne unité de montage de camions soviétiques abandonnée, dans la ville de Santa Clara, au centre du pays, se trouve l’usine Minerva, où on assemble actuellement la plupart des scooters importés de Chine ou du Vietnam. Dans le bruit des visseuses électriques, une centaine d’ouvriers montent et peignent les véhicules électriques qui avancent encastrés sur les rails de la chaîne de production.

La première voiture électrique “fabriquée à Cuba” circule dans les rues de Santa Clara. 5 avril 2021
Photo : Facebook-Erduin Oramas Espinosa

"Ça résout beaucoup de choses”

L’objectif est de fabriquer 10 000 scooters cette année, dit Elier Pérez, directeur de Minerva, dont la production annuelle maximum était jusqu’à présent de 5 000 unités. Dans un autre secteur du hangar, s’emmagasinent des files de tricycles prêts à la vente. C’est une partie des 2 000 véhicules à trois roues prévus pour cette année 2022, dit M. Pérez. D’après les autorités, entre 40 000 et 50 000 scooters électriques circulent dans le pays. […]

Des scooters sur la ligne de production de l’usine Minerva

Ce type de transport est en train de « résoudre beaucoup de choses, c’est une bonne initiative », indique M. Suárez, un agent de sécurité de 52 ans. Il y a trois ans, le Gouvernement a commencé à promouvoir l’usage des véhicules électriques, en les introduisant dans les entreprises publiques pour leur personnel.

« Cuba est un musée roulant », avec un grand nombre de voitures qui ont « 35 ans d’âge », se lamente Guillermo González, directeur d’Ingénierie du Ministère des Transports. Avec les voitures électriques, « la consommation de combustible, aussi bien de gasoil que d’essence, baissera et en même temps nous diminuerons la pollution », ajoute le fonctionnaire.

Des motos et des réfrigérateurs

Les transports publics sont, eux aussi, un calvaire. Presque 50% des autobus sont hors service « par manque de pneus et de batteries ». Les Havanais attendent parfois des heures pour prendre un bus qui leur permette d’arriver à leur travail. Pour le gouvernement, la priorité ce sont les transports publics et les transports utilitaires pour la livraison des aliments, affirme ce responsable.

Tricycle électrique dans une rue de La Havane, le 25 mai 2022 Yamil LAGE AFP

Mais les obstacles sont nombreux à cause du « blocus qu’on nous a imposé, qui ne nous permet pas d’acheter les pièces de rechange, ni d’obtenir des crédits », explique M. González, faisant allusion à l’embargo étatsunien contre l’Île qui dure depuis six décennies déjà. Les gens s’agglutinent dans d’interminables queues en priant pour avoir de l’essence ; et trouver du gasoil ces dernières semaines relève de l’exploit.

Le problème remonte à 2019, quand Washington a durci les sanctions, bloquant l’accostage des pétroliers vénézuéliens. Les livraisons de pétrole ont chuté de 100 000 barils par jour à près de 50 000 par jour en moyenne en 2021, explique Jorge Piñón, spécialiste cubain en politique énergétique de l’Université du Texas. A cela s’ajoute le déficit de production d’énergie électrique depuis presque un mois à cause de pannes et de travaux de maintenance dans les centrales thermoélectriques du pays. Pour pallier ce manque d’énergie électrique, les autorités ont recours à des groupes électrogènes, équipements qui fonctionnent avec du gasoil, la majeure partie de ce combustible étant de ce fait réservé à cet usage.

Cependant, le Directeur de politique stratégique du Ministère de l’Énergie, Ramsés Calzadilla, affirme que ce déficit n’empêche pas le fonctionnement des véhicules électriques. « Nous pourrions dire qu’un scooter électrique est très similaire à un réfrigérateur, quant à sa consommation », dit Calzadilla, optimiste sur la prochaine relance des centrales thermoélectriques afin que Cuba ait suffisamment d’électricité.