L’énigme de l’explosion du bateau français La Coubre à La Havane

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Le vendredi 4 mars 1960, le cargo français La Coubre qui venait d’accoster au quai de la Havane à 9h30, explose vers 15h alors que le déchargement de sa cargaison était en cours. L’énorme explosion, suivie d’une seconde peu après, fait près de 100 morts et des centaines de blessés.
Rapidement les autorités cubaines éliminent la cause accidentelle et privilégient celle d’un sabotage orchestré par les Etats-Unis avec la complicité de la France.
Cet évènement est peu connu chez nous, d’autant que les archives officielles restent toujours étonnamment inaccessibles 64 ans après.

Source : Granma, Cubadebate, Trabajadores

Crédit photo : @MemoriaDenuncia/Twitter.

Ce vendredi 4 mars 1960, le cargo français La Coubre accoste au quai de la Havane vers 9h30.

Il a chargé ses marchandises dans les ports de Hambourg, d’Anvers et du Havre à la mi-février.

Dans la cargaison du bateau il y avait des armements : des munitions, des cartouches, des grenades, des obus, environ 30 tonnes. Cet armement avait été vendu par la Fabrique nationale d’armes de guerre de Belgique et chargé à Anvers entre le 15 et le 16 février.

Il y avait 36 membres d’équipages et deux passagers à bord : un prêtre français qui se rendait au Mexique et un journaliste américain.

A 11h le déchargement a commencé, par les marchandises situées à l’avant du navire, soient un million et demi de munitions dans des caisses en bois, déposées sur le quai à l’aide des grues du bateau.

Vers 15 h une énorme explosion a lieu, générant un gigantesque champignon de fumée, avec des morceaux de métal, de bois et des éclats d’obus qui s’élèvent et retombent dans un rayon de 500 mètres.

Le second capitaine Jean Le Fèvre ordonne d’évacuer le navire. Le capitaine doit être porté parce qu’il a eu les jambes brisées par une porte.

Les pompiers, le personnel médical, la police, l’armée et plusieurs citoyens arrivent en un temps record pour apporter leur aide, ignorant les cris des français qui leur demandent de s’éloigner du navire.

C’est alors que, vers 15h40, la deuxième explosion a lieu. Plusieurs dirigeants du pays auraient pu être tués, Fidel et Raoul Castro étaient à 300 mètres et Che Guevara, en tant que médecin avait commencé à soigner des blessés sur le quai.

Sabotage du paquebot La Coubre. Photo : Archives

Peu de temps après la deuxième explosion une enquête a été ouverte. Aux premières heures du matin du 5 mars, Fidel Castro et d’autres dirigeants commencent à analyser ce qu’ils ont recueilli.

L’équipage et les témoins sont entendus. Ils sont emmenés à l’hôtel Plaza dans le centre de La Havane, où ils reçoivent la visite de Jean-Paul Sartre et de Simone de Beauvoir qui étaient de passage à Cuba.

Quelques semaines plus tard, la plupart rentrèrent chez eux, sauf le second capitaine Le Fèvre, l’ingénieur en chef, Guerin, et d’autres marins qui restèrent 6 mois jusqu’à ce que le bateau soit renfloué, réparé par une compagnie cubaine, pour être remorqué jusqu’en France.

Les premiers enterrements ont eu lieu dès le samedi 5 mars après-midi. Les voitures avec les cercueils ont parcouru environ cinq kilomètres dans des rues couvertes de fleurs. Fidel Castro, alors Premier ministre, a prononcé les mots d’adieu sur une estrade improvisée à quelques mètres du cimetière de Colón. Jean-Paul Sartre et Simone de Beauvoir ont été invités à monter sur le podium, d’où ils ont vu, sous le choc, cette marée humaine de personnes en deuil, peut-être un demi-million.

Le Premier ministre Fidel Castro lors de la cérémonie funéraire des victimes de l’explosion du navire La Coubre.

Lors des funérailles Fidel Castro, a prononcé pour la première fois le slogan qui, depuis ce jour, accompagne le processus révolutionnaire de Cuba : « Patria o Muerte », « La Patrie ou la Mort ».

Comment ces explosions se sont elles produites ?

Evidemment comme il y avait beaucoup de munitions et de grenades dans La Coubre, on peut penser qu’elles sont à l’origine de ces explosions.

Pourtant ces armes n’exposent pas toutes seules.

Etonnamment, dès le 10 mars la direction de la compagnie maritime a déclaré qu’ils n’avaient pas l’intention d’enquêter sur la cause du sinistre et que ce qui importait était de savoir si La Coubre devait être considérée comme perdue ou pouvait être réparée, et les assureurs, dont le principal, la Lloyd de Londres, ont accepté cette déclaration.

Dans un rapport préliminaire au mois de juin, du ministère belge des affaires étrangères il a été indiqué qu’il était possible d’avoir des mécanismes d’horlogerie capable de s’activer après un délai de plus de 14 jours.

Si une bombe a été posée elle a pu l’être au Havre ou à Anvers.

Un ancien chef du contre espionnage cubain a déclaré que pour l’installation d’une bombe il devait y avoir eu la collaboration des services de renseignement de la France et de la Belgique.

Après le chargement à Anvers, le bateau a été sous surveillance de seulement deux douaniers qui, étrangement, ont demandé à être remplacé le 15 février parce qu’ils avaient la grippe…

Il faut savoir aussi que après la révolution, les services de sécurité de la France ont commencé à travailler en étroite collaboration avec les Américains, et une cellule clandestine du ministère français de l’intérieur, appelée « Main Rouge » était chargée d’empêcher des armes d’arriver au FLN algérien, avec de nombreux sabotages qui ont tous eu lieu à Anvers.

La « Main Rouge » a-t-elle collaboré avec la CIA pour placer la bombe à Anvers parmi les grenades et contrer la livraison d’armes à Cuba ?

Il faut savoir que les documents classifiés de cette époque sur cet évènement ne sont toujours pas accessibles, aussi bien en France qu’aux Etats-Unis, malgré les délais qui aujourd’hui devraient permettre de les consulter.

Il semble que nous ne connaitrons jamais la vérité sur l’explosion de La Coubre qui reste donc une énigme.