L’équation de l’économie cubaine

Partager cet article facebook linkedin email

Cette réunion nous a apporté des fruits ; les questions que vous avez abordées étaient déjà diagnostiquées, mais à présent elles sont consolidées avec vos opinions, a déclaré le Premier secrétaire du Parti communiste de Cuba, Miguel Diaz-Canel Bermudez, aux spécialistes et étudiants en sciences économiques avec lesquels il a discuté mercredi de l’état actuel de l’économie cubaine

Photo : Estudios Revolución

« Les problèmes soulevés sont exposés dans le rapport central au 8e Congrès du PCC et dans le discours de clôture, et maintenant vous les ratifiez et les soutenez », a souligné le président de la République, en remerciant les participants pour leur sincérité au cours du débat, « mais vous nous avez aussi donné des solutions que nous pouvons travailler et mettre en œuvre en comptant sur vous-mêmes, et en vous incorporant davantage à ce que nous faisons.

La réunion tenue durant la matinée au siège de l’Association nationale des économistes et des comptables de Cuba (ANEC) a marqué le début d’un nouveau cycle d’échanges réguliers du président de la République avec différents secteurs sociaux, qui se poursuivra dans les prochains jours avec les jeunes, les responsables religieux et les producteurs agricoles, entre autres.

Parmi les participants figuraient des représentants de centres de recherche économique basés dans la capitale, des directeurs de l’ANEC, des membres de l’Université de La Havane (professeurs des facultés d’économie et de comptabilité et finances, et étudiants) et des spécialistes de ces sciences issus de divers organismes.

Diaz-Canel a souligné que l’objectif est d’échanger des informations sur la situation du pays, sur nos problèmes, d’expliquer où en sont les actions proposées par le et de recueillir des propositions, des idées et des contributions que les différents secteurs peuvent apporter.

Le blocus, a déclaré le Premier secrétaire, nous affecte à tous égards, encore plus après l’entrée en vigueur du Titre III de la Loi Helms-Burton et l’inclusion injustifiée de Cuba sur la liste fallacieuse des pays soutenant le terrorisme.
Photo : Miguel Febles Hernández

En présence de Joel Queipo Ruiz, membre du Secrétariat du Comité central du Parti et responsable de son Département économique, la réunion a eu comme modérateur le vice-Premier ministre et ministre de l’Économie et de la Planification, Alejandro Gil Fernandez.

Notre objectif, a ajouté le vice-Premier ministre, est de débattre et d’avancer des propositions qui nous permettront, dans le contexte actuel de l’économie cubaine, de consolider le travail réalisé et d’entreprendre d’autres actions.

«  Échangeons ouvertement entre nous tous, générons des idées, des consensus, identifions les opportunités – car nous en avons -, identifions les réserves et nourrissons-nous d’énergie pour pouvoir avancer et consolider le travail accompli et tout ce qu’il nous reste à faire  », a-t-il indiqué.

LA FORMATION, LA FORMATION… ET ENCORE LA FORMATION

Oscar Hung Penton, président de l’ANEC, s’est félicité de la nouvelle opportunité donnée aux économistes et aux comptables « de continuer à participer aux tâches que le pays doit mener à bien, comme ils l’ont fait pendant toutes ces années. L’ANEC, comme toujours, a accompagné la nation  », a-t-il rappelé.

L’une de ses propositions - sur laquelle plusieurs intervenants se sont accordés – a porté sur la nécessité de renforcer la formation.

« Face aux défis auxquels est confrontée l’économie cubaine, la formation est devenue un enjeu stratégique pour améliorer efficacement la performance professionnelle des acteurs économiques, notamment des spécialistes en sciences économiques », a-t-il affirmé.

« Le premier défi que nous devons relever aujourd’hui est de comprendre l’essence des mesures et des politiques, qui ne sont pas peu nombreuses, bien au contraire ; par conséquent, il ne suffit pas de connaître le cadre juridique, mais nous devons comprendre chacune des particularités de ces mesures et être en mesure de les appliquer, pour chacun des acteurs économiques, de manière sensible et avec une approche innovante », a-t-il ajouté.

Il a souligné que, pour atteindre cet objectif, les entreprises de services professionnels de la Zone économique doivent s’impliquer davantage, y compris les étudiants universitaires, afin d’enseigner par la pratique et d’apprendre par la pratique, grâce à la formation sur le tas, dans laquelle l’ANEC a beaucoup d’expérience.

« Il y a beaucoup de normes et beaucoup de défis dans le travail quotidien, donc il n’y a pas toujours de clarté sur la façon de les adapter à chaque individu, si bien que nous devons contribuer à développer les compétences, aider les gens à utiliser les mécanismes économiques et financiers », a-t-il indiqué.

Au cours du débat, il a été souligné que pour que les entreprises puissent aller de l’avant, elles ont besoin d’une comptabilité qui favorise la transparence, la rigueur professionnelle et l’actualité.
Photo : Juan Pablo Carreras / AIN

Penton a également abordé les performances de la comptabilité dans les entités, domaine dans lequel, selon lui, peu de progrès ont été réalisés, bien que son amélioration soit prévue dans les Orientations économiques et sociales et qu’il existe un accord du Comité exécutif.

Pour que les entreprises puissent aller de l’avant, a-t-il ajouté, elles ont besoin d’une comptabilité qui favorise la transparence, la rigueur professionnelle et l’actualité ; par conséquent, pour que l’économie en mesure d’appliquer les normes, les politiques et les mesures déjà adoptées et celles qui sont annoncées, nous devons nous attaquer au renforcement de la comptabilité avec une grande rigueur.

TRAVAILLER, RECTIFIER LE TIR ET AVANCER

Carlos Manuel Pérez Cueva, économiste, professeur à l’Université de La Havane pendant plusieurs années, chercheur et responsable, pendant une longue période, de l’unité budgétaire de ce centre d’études supérieures, est actuellement directeur général du Jardin botanique national (JBN), l’une des plus grandes institutions de ce type au monde et un joyau de la culture et de la science cubaines, comme il l’a décrit.

Dans son intervention lors de la rencontre avec le président de la République, il a souligné les résultats obtenus à la JBN grâce à une bonne gestion, constante et innovante. Le centre (un investissement du pays de l’ordre de 500 millions de pesos) a réalisé des progrès notables, malgré sa complexité et ses coûts de fonctionnement, a-t-il précisé.

Pendant 50 ans, le JBN a été subventionné par l’État, une situation qui a commencé à s’inverser en 2019, sur la base d’un programme gouvernemental qui l’a favorisé et lui a permis de s’engager sur la voie de l’autosuffisance, a-t-il rappelé.

Pérez Cueva a expliqué que ce travail a été réalisé sur la base d’un programme de dépenses spécifiques et en constante augmentation, grâce, entre autres, à des processus d’investissements constants en réponse à chacune des opportunités qui se sont présentées, et grâce au fait que le plan économique national est désormais plus souple. Il a donné l’exemple de l’auvent qui y a été érigé, qui a coûté 200 000 CUC, et qui a été financé en un an.

Faisant référence à l’exemple du JBN, l’économiste a insisté sur la nécessité pour le Plan pour l’économie de défendre les investissements stratégiques et de se débarrasser de ceux qui ne sont pas essentiels, indépendamment du fait que les ressources sont désormais très limitées.

Dans cette optique, il a appelé à permettre aux acteurs économiques de l’État de développer leurs propres entreprises (le JBN, qui a eu une liberté absolue de le faire, a-t-il rappelé) sans avoir à faire face à la faible tolérance pour les erreurs.

Face à cette réalité, de nombreux acteurs économiques étatiques - qu’ils soient budgétivores ou entrepreneurs - plutôt que de faire des choses et de prendre des risques, choisissent de ne rien faire, a déclaré Pérez Cueva, qui a également critiqué les contrôles excessifs.

Un chef d’entreprise s’intéresse davantage à la manière de contrôler qu’à faire ce qu’il a à faire, a-t-il dit. Les gens ne veulent pas prendre de risques ; on n’a pas idée de combien vous perdez en ne faisant rien, a-t-il dit, avant de conclure que les acteurs économiques « ne changeront pas avec les nouveaux modèles si l’on continue avec les anciennes pratiques ».

LOCOMOTIVES, LIMITES, OPPORTUNITÉS...
Alfredo Garcia Jiménez, directeur de l’Institut national de recherche économique (INIE), rattaché au ministère de l’Économie et de la Planification (MEP), a évoqué le développement du tourisme mondial et national dans les conditions actuelles.

Avec nos efforts et notre talent, nous devons surmonter le blocus et faire les choses différemment, en sachant que ce n’est pas facile, mais nous devons trouver les moyens de nous en sortir, a déclaré Diaz-Canel.
Photo : Ortelio González Martínez

Les prévisions des organisations internationales, a-t-il signalé, indiquent que la reprise du secteur ne sera pas possible avant quatre ou cinq ans, et cette réalité, à laquelle Cuba n’est pas étrangère, devrait imposer une révision des stratégies d’investissement, des capacités disponibles et de la demande.

Pour sa part, Carola Salas, directrice du Centre de recherche sur l’économie internationale de l’UH, a abordé la situation des investissements étrangers dans le pays et l’attraction des flux financiers étrangers, entre autres questions.

Ces questions ont été abordées il y a plus de dix ans dans un livre de l’institution sur l’insertion de Cuba dans l’économie internationale, mais bon nombre des propositions énoncées dans cet ouvrage n’ont pas encore été mises en œuvre, a-t-elle signalé.

Des progrès ont été réalisés en matière de financement extérieur, mais sans la rapidité dont le pays a besoin, a-t-elle dit, et il en va de même pour les investissements étrangers qui, malgré le blocus économique, commercial et financier du gouvernement des États-Unis, continuent de représenter une opportunité qui n’a pas été pleinement exploitée.

Le processus d’insertion dans nos réglementations des exigences nécessaires pour encourager les investisseurs étrangers à placer leurs capitaux dans un pays très risqué comme Cuba continue d’être lent, a-t-elle rappelé, si bien que nous avons besoin de politiques plus attractives, avec des incitations ciblées et différenciées pour chaque investisseur.

Elle a également appelé à l’établissement de liens entre les investissements étrangers et les projets de développement locaux, y compris pour les Cubains vivant à l’étranger, et à la création d’alliances stratégiques dans des secteurs tels que la biotechnologie et les neurosciences.

Carola Salas a également appelé à un recours accru aux obligations, comme le « Bon Soberano », qui existe déjà, mais aussi aux obligations d’entreprises en tant que mécanisme de financement. Et il en va de même pour les transferts d’argent.

Les envois d’argent - a-t-elle précisé - constituent un accès au financement qui n’a pas été développé, et au-delà du blocus, il faut concevoir des politiques pour les capter et les utiliser, y compris les banques et le développement de fonds d’investissement dont ils constituent une composante de base.

La directrice du Centre de recherche en économie internationale de l’UH a insisté sur la nécessité que les investissements étrangers dans le tourisme contribuent aux infrastructures, en les encourageant à le faire ; que l’intégration internationale, ainsi que politique, se base également sur la complémentarité avec d’autres économies, ce qui ouvre une nouvelle fenêtre de possibilités pour le pays ; et que la coopération internationale trouve des mécanismes plus nombreux et nouveaux.

RENFORCER LA GESTION DU GOUVERNEMENT

Dans les conclusions de la rencontre avec des économistes, des comptables et des étudiants, au cours de laquelle plus d’une dizaine d’interventions ont abordé les sujets les plus divers liés à l’économie cubaine, le Premier secrétaire du Parti communiste, Miguel Diaz-Canel Bermudez, a procédé à ce qu’il a lui-même défini comme une « caractérisation à froid du moment que nous traversons ».

Il existe un retard dans l’administration publique et dans la gestion et l’administration des entreprises dans le pays ; nous avons un retard dans les bonnes pratiques et conceptions dans les secteurs du commerce, des services, du logement, de l’urbanisme ; nous accusons un retard dans la base industrielle, dans l’agriculture…

Tout cela, a souligné le président de la République, nous oblige à renforcer la gestion du gouvernement, et cet échange avec vous révèle plus clairement ce que nous avons déjà déclaré auparavant par rapport au fait que nous devons informatiser la société, développer la communication sociale, et chercher des réponses dans la science et l’innovation est une bonne chose.

Toutes les questions que vous avez soulevées ont trait à la communication ; nous devons apprendre à communiquer ; si nous ne communiquons pas bien, nous brisons l’essence de ce que nous avons entrepris de faire, et tout cela doit être soutenu par la participation, qui passe par plusieurs moments.

Un moment est que les gens ont des espaces pour dire, expliquer, argumenter, proposer et aussi pour exprimer des opinions, pour montrer l’insatisfaction ; un autre est la participation concrète, pour dire, « j’ai exprimé mon opinion, j’ai proposé, et je vais prendre mes responsabilités et je vais être actif dans ce type de proposition ». Et un autre moment est la transparence, comment ceux d’entre nous qui dirigent sont responsables et comment ceux qui ont fait une proposition ou un engagement et l’ont réalisé sont responsables.

C’est sur cette voie, a expliqué le Premier secrétaire, que nous devons construire l’amélioration de l’action gouvernementale ou de la gouvernance au niveau national, sans oublier qu’il y a des choses qui sont urgentes et d’autres qui nécessitent un travail à moyen et long terme, bien qu’elles doivent toutes être faites en même temps.

Après avoir abordé d’autres contradictions de l’économie, Diaz-Canel a évoqué l’impact écrasant du durcissement du blocus économique, commercial et financier du gouvernement des États-Unis sur la réalité cubaine.

Le blocus, a-t-il souligné, nous affecte à tous égards, plus encore après la mise en œuvre du Titre III de la Loi Helms-Burton et l’inscription injustifiée de Cuba sur la liste fallacieuse des pays soutenant le terrorisme.

Et il faut ajouter à cela la COVID-19 et les énormes ressources que nous avons dû consacrer à la protection de la santé de notre peuple. La pandémie, a-t-il rappelé, a été traitée plus efficacement que dans la plupart, sinon la totalité, du reste du monde, mais c’est Cuba qui est attaquée.

Comme vous pouvez le constater, a expliqué le président de la République aux économistes, « l’équation de l’économie cubaine est très complexe, et le blocus fait partie de ces complexités, indépendamment de tous nos problèmes et des meurtrissures du processus économique et social.

Néanmoins, a-t-il souligné, «  le blocus va se poursuivre, et nous ne pouvons pas continuer à nous lamenter sur le blocus ». Ce que nous devons voir, c’est «  comment, avec nos efforts et notre talent, nous pouvons surmonter ce blocus et faire les choses différemment, en sachant que ce n’est pas facile, mais nous devons trouver des moyens ».

« Mais nous avons aussi des lumières », a-t-il dit. Il a évoqué les mesures récemment adoptées à Cuba et à d’autres qui ont eu un impact, plus ou moins rapide, sur la performance de l’économie nationale et le bien-être de la population.

Diaz-Canel a fait référence aux mesures prises dans le domaine de l’agriculture, l’ouverture anticipée des micro, petites et moyennes entreprises (MPME), les investissements dans le système électrique national, y compris la flexibilité pour l’importation, sans tarifs, d’équipements qui tirent parti des sources d’énergie renouvelables, la mise au point de vaccins contre la COVID-19 qui bénéficieront, avant tout, à notre peuple, et la relance attendue de l’activité économique, tant dans le secteur étatique que non étatique.

« Les Cubains ayant le sens des responsabilités devons rechercher une solution différente pour que ce pays obtienne ce qu’il mérite après tant d’années soumis à un blocus de fer, brutal et génocidaire », a conclu le président de la République.