La France et Cuba, quelle histoire...

Le mois de la culture française à Cuba par LAZ

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La France et Cuba, quelle histoire pleine d’enseignements ? Cet article donne la vision cubaine avec quelques uns des temps forts et de nombreuses anecdotes. Du côté français, les livres sur le sujet sont rares. Je ne peux que renvoyer à mon livre "la France et Cuba, petit manuel d’une relation particulière" édité voici quatre ans par Agnès Le Gouze aux éditions Gris Souris. Il est déjà épuisé mais lisible encore dans sa version web. Dans ce petit livre, je vous recommande le prologue très intéressant de Jean Mendelson, historien, diplomate, ancien ambassadeur de France à Cuba. Depuis 2005 la Maison Victor Hugo de La Havane perpétue ces liens entre nos deux pays.

Présence française à Cuba
Le mois de la culture française à Cuba par LAZ Publié
(06/03/2023)
A l’occasion de la célébration du mois de la culture française à Cuba, qui s’achève aujourd’hui, voici ces notes hâtives.
Les idéaux de « Liberté, Égalité et Fraternité », proclamés par la Révolution Française, ont suscité très tôt le mouvement révolutionnaire et anticolonialiste de l’île. Un grand nombre d’indépendantistes cubains ont trouvé refuge en France, et il en sera de même sous la dictature de Machado Le premier condamné à mort pour crime d’infidélité fut celui envoyé par José Bonaparte pour renverser l’ordre dans la colonie. .
En ce temps-là, et jusque bien avant, dans la première moitié du XXe siècle, Paris, et non New-York, serait la Mecque de l’aristocratie et de la bourgeoisie cubaines. Une nuit, aux Tuileries, Napoléon III se jettera, mort d’amour, aux pieds de la Cubaine Serafina Montalvo, troisième comtesse de Fernandina, réputée pour être l’une des plus belles Cubaines de son temps. Marta Abreu et Luis Estévez y Romero meurent à Paris. Le manoir de Rosalía Abreu devient, par décision de son propriétaire, Casa Cuba et une auberge pour étudiants cubains étudiant à la Sorbonne. Catalina Lasa et son mari Juan Pedro Baró ont également une maison à Paris. Le poète Saint John-Perse, Prix Nobel de Littérature, entretiendra, plus ici dans le temps, des liaisons amoureuses avec une jeune femme cubaine distinguée, Lilita Sánchez Abreu, à qui il dédiera son poème À l’ Étranger.

Dans la résidence parisienne de la Cubaine María de las Mercedes Santa Cruz y Montalvo, comtesse de Merlin, amante, dit-on, du prince Jerónimo Bonaparte, alternent Victor Hugo, Lamartine et Musset. Paris est le théâtre des grands succès initiaux de Claudio José Brindis de Salas, le Paganini noir. Un autre Cubain, José White, auteur de La bella cubana, viendra remplacer Jean Delphine Alard dans sa chaire au Conservatoire de Paris. La peinture moderne commence à Cuba après le séjour de Víctor Manuel à Paris et Alejo Carpentier écrira des histoires surréalistes en français jusqu’à ce qu’il ressente l’urgent besoin d’exprimer ce qu’il y a d’américain dans son travail.

Vagabonds de l’aube seront à Paris le peintre Carlos Enríquez et le poète Félix Pita Rodríguez, avant que toute une légion d’écrivains et d’artistes cubains ne soient éblouis par Sartre et ses pages sur l’engagement intellectuel et suivent avec sympathie la guerre de libération algérienne et s’enthousiasment pour Cinéma Nouvelle Vague.

L’enlèvement de l’évêque
Espejo de paciencia, écrit en 1608, chante l’enlèvement de Fray Juan de las Cabezas Altamirano, évêque de Cuba, par le corsaire français Gilberto Girón, près de la côte de Manzanillo. D’ici là, en 1555, un autre corsaire français, Jacques de Sores, s’était emparé de La Havane et l’avait détruite avant de l’abandonner.

À la fin du XVIIIe siècle, la contradanza est apparue à Cuba à la suite de l’influence française dans les tribunaux espagnols et de l’arrivée des premiers colons français d’Haïti et de Louisiane. En 1794, le Journal de La Havane rapporta une danse officielle qui commençait par un menuet et se poursuivait par la contredanza. Des années plus tard, en 1809, El Aviso de La Habana s’attaque aux danses d’origine française. De la contredanza, il dit que c’est « une invention indécente que la France diabolique nous a présentée ». Une danse qui est, dans son essence, diamétralement opposée au christianisme, "faite sur la base de gestes lascifs et de grossièretés imprudentes... qui provoquent, en raison de la fatigue et de la chaleur subies par le corps, la concupiscence". A cette époque - début du XIXe siècle - est née la contradanza créole, la cellule initiale de la habanera, le danzón, la guajira, la clave, la criolla et autres modalités de la chanson cubaine. La valse et la contradanza apportée par les immigrés français eurent bientôt un certificat de citoyenneté parmi nous.
Paris est, dans les premières décennies du XXe siècle, l’une des premières scènes internationales de la musique cubaine. La France, qui avait traditionnellement ignoré l’Amérique, a alors commencé à s’intéresser aux choses de ce continent et c’est la musique cubaine, avec Moisés Simons et Eliseo Grenet au milieu, qui a ouvert cette porte. Ce sont les jours d’ El Manisero et de Mama Inés. A l’époque, l’original Los Sapphires cartonne au théâtre Oyimpia à Paris, et Edith Piaf va conquérir de nouveaux fans lors de ses soirées au cabaret Sans Souci. En 1977 encore, leTthéâtre des Champs-Élysées à Paris servait de rampe de lancement au grand pianiste Jorge Luis Prats.

La France dispute toujours à Cuba la nationalité de l’éminent urologue Joaquín Albarrán, qui a légué à sa Sagua la Grande natale son bonnet et sa toge de professeur à la Sorbonne. En 1887, le projet réalisé par l’ingénieur Francisco de Albear pour l’aqueduc de La Havane, l’une des sept merveilles du génie civil cubain, obtient une médaille d’or à l’Exposition Internationale de Paris. D’importants travaux sociaux et économiques dans la vie cubaine, tels que le tunnel de La Havane et le tunnel de la Cinquième Avenue, ont été réalisés par des entreprises françaises. Cienfuegos, La Perla del Sur, est une ville fondée par les Français.

Lezama Lima, qui a connu la culture française comme peu d’autres, n’a jamais été en France. Le moderniste Julián del Casal, disciple de Baudelaire et de Verlaine, investit la maigre fortune que lui a léguée son père dans un voyage tant attendu à Paris. Il traverse l’Atlantique, mais ne dépasse pas l’Espagne. Il a tellement rêvé de la capitale française qu’il craint que la réalité ne le déçoive, que son rêve ne s’évanouisse. José Martí, quant à lui, arrivera à Paris à la fin de son premier exil en Espagne et rencontrera Víctor Hugo, qui venait de publier Mes fils, un texte dont Martí se délecte lors de son voyage de retour en Amérique. Au siècle dernier, Mariano Brull fera une excellente traduction du Cimetière marin et de La Jeune Faucheuse, de Paul Valéry. Cintio Vitier traduit en espagnol les Illuminations de Rimbaud. Et Lezama Lima assume la version espagnole de Lluvias , de Saint-John Perse. Depuis le XIXe siècle, il y a toujours eu des poètes nés à Cuba qui ont faite leur la langue de la France et qui, au lieu d’écrire en espagnol, ont aspiré à inscrire leur nom dans les lettres françaises.

Aussi dans la cuisine
La cuisine française est l’un des tributaires de la cuisine cubaine. Des restaurants comme Le Vendôme, Normandie, Mes Amis, La Torre et, surtout, El Palacio de Cristal, ont maintenu à La Havane, déjà au XXe siècle, les gloires de la cuisine française. Malgré le fait que les cuisiniers étrangers étaient l’exception dans les foyers cubains, le millionnaire Oscar Cintas avait un chef français dans sa résidence de La Havane pour assister à sa table les trois ou quatre jours qu’il passait chaque année à Cuba. Agustín Batista González de Mendoza l’avait aussi. En 1949, le propriétaire de The Trust Company of Cuba, fit venir de France Sylvain Brouté, qui avait travaillé pour des célébrités telles que les Rothschild, la princesse de la Tour d’Auvergue, le comte de Vianne et Jacques Guerlain.

Au fil du temps, Brouté met fin à son contrat avec le couple Batista-Falla Bonet et ouvre sa propre entreprise, Sylvain Pâtisserie, un buffet de confiserie et de fine cuisine française à l’angle de Línea et calle 8, au Vedado, qui, après la mort de son fondateur, donnera naissance à une chaîne prospère d’établissements de pain et de confiserie. Un plat emblématique de la cuisine cubaine, le homard au café, est né à Paris, et de nombreux plats français ont été cubanisés à La Havane lorsque nos épices ont été incorporées dans leur préparation. Ainsi, le homard thermidor cubain est assaisonné d’ail, de piment guaguao, de thym et de moutarde qui lui confèrent une saveur et une odeur différentes.

Napoléon a son palais à La Havane. C’est, dans son genre, le plus important musée qui existe hors de France. L’Empereur n’a jamais été à Cuba ; mais son masque, en revanche, est arrivé là-bas. Il a été apporté par Antommarchi, son médecin pendant sa captivité à Santa Elena, qui a vécu et est mort à Santiago de Cuba.

Nous avons également reçu la visite du duc d’Orléans, futur roi de France sous le nom de Louis-Philippe Ier. Il est arrivé en compagnie de ses frères, le duc de Montpensier et le comte de Beaujolais. La visite des princes d’Orléans était un événement mondain. La comtesse de Jibacoa mit sa maison à la disposition des Français, paya leurs dépenses et donna à Luis Felipe, lorsqu’il quitta Cuba, un sac avec 1 000 onces d’or.

Don Martín Aróstegui y Herrera était également très généreux, qui a fourni aux princes une belle somme d’argent sous forme de prêt, dont il a refusé d’accepter le retour. On dit que Luis Felipe s’adressa à lui comme "mon ami Martín" et qu’il lui envoya en cadeau le portrait de sa mère dessiné par David, lorsqu’en 1838, le prince de Joiunville, son fils, visita La Havane avec ledit colis.

Marie-Antoinette de France vit à La Havane. L’imagination populaire situe son arrivée à la fin des années 1920. Vêtue de blanc, elle erre sans tête dans le Salón de los Pasos Perdidos (salle des pas perdus) du Capitole de La Havane. Personne n’a réussi à lui parler. Elle est extrêmement craintive et fuit les inconnus.