La recherche scientifique cubaine pour se débarrasser des plantes invasives.
"Avec les gènes de la botanique" : Ramona Oviedo Prieto a dirigé le projet national sur les plantes envahissantes à Cuba.

Cuba est riche d’une flore estimée à près de 7 500 espèces, dont la moitié est exclusive à Cuba, un des territoires insulaires qui possède la plus grande diversité de flore et au niveau d’endémisme le plus élevé du monde. Mais la "Liste Rouge de la Flore de Cuba 2016", élaborée à l’Institut d’écologie et de systématique du Ministère de la Science, de la Technologie et de l’Environnement (Citma) indique que près de la moitié des 4 627 espèces végétales évaluées dans cette recherche sont en voie d’extinction. Cela est dû comme partout à l’impact des activités humaines, (déforestation, élevage, agriculture) et aussi à la présence d’espèces exotiques envahissantes.
L’éducation familiale, à Cuba, privilégie l’observation et le respect de l’environnement. Grandir dans un environnement familial où l’on aimait la nature et où l’on en prenait soin, a conduit Ramona Oviedo à une formation de technicienne intermédiaire en chimie et parfumerie. Les gènes de la botanique l’ont accompagnée ensuite jusqu’à un doctorat et à un poste de conseillère experte auprès de l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) et du ministère cubain de l’agriculture.
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Le Dr Ramona Oviedo Prieto, docteur en sciences, s’est spécialisée dans la botanique, après une enfance dans la campagne de Santo Domingo (Villa Clara) et des études de technicienne intermédiaire en chimie et parfumerie puis à l’Institut de botanique de l’Académie Cubaine des Sciences, qui est devenu plus tard l’Institut d’Écologie et de Systématique (IES), son seul lieu de travail pendant plus de cinq décennies.
« CHASSEUR » DE PLANTES INVASIVES
Pour Ramona Oviedo, qui a obtenu son doctorat en sciences à l’université d’Alicante, en Espagne, pour la soutenance de sa thèse « Diversité végétale de la zone humide de Ciénaga de Zapata », se consacrer à la botanique lui a permis d’aller bien au-delà de ses espérances professionnelles. Conseillère experte auprès de l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) et du Ministère cubain de l’agriculture, elle a participé à 28 projets de recherche de l’IES et d’autres institutions cubaines, dont 15 en collaboration avec des organisations non gouvernementales internationales reconnues.

Le Dr Ramona Oviedo a reçu le prix pour la conservation de la flore cubaine. Photo : Granma, avec l’aimable autorisation de Ramona Oviedo
Ces projets comprennent les conséquences du changement climatique mondial dans les écosystèmes de montagne, l’évaluation de l’état de conservation de la flore endémique de Cuba, la conservation de la biodiversité et l’atténuation du changement climatique dans le développement durable du tourisme à Cuba, et la réduction de la vulnérabilité aux inondations côtières dans l’écosystème du sud des provinces d’Artemisa et de Mayabeque, nommé Manglar Vivo (Mangrove Vivante).
Elle a dirigé le projet national « Plantes envahissantes dans la République de Cuba. Stratégie de prévention et de gestion » avec une priorité donnée aux zones protégées. Ce projet étudie les plantes exotiques introduites intentionnellement ou non par l’activité humaine, qui se sont déjà adaptées à l’environnement avec une grande capacité de dispersion. Ces plantes portent atteinte à la diversité biologique, en particulier à la flore endémique et aux écosystèmes fragiles et parviennent également à endommager les rendements des sols.
Ses recherches ont permis d’identifier la présence à Cuba de plus de 300 espèces reconnues comme envahissantes et plus de 200 dans la catégorie des espèces potentiellement envahissantes, c’est-à-dire des espèces qui n’ont pas encore d’impact significatif sur l’environnement dans lequel elles se trouvent, mais qui nécessitent un suivi permanent .
La Liste rouge de la flore de Cuba 2016 avec en tête le marabu, comprend également le casuarina ou pin d’Australie, le jamrosat, l’arôme, le leucaena-ipil-ipil, le tulipier du Gabon et le Melaleuca leucadendra, tous dans l’environnement terrestre, et en milieu aquatique, l’agave lechuguilla, la jacinthe d’eau ou camalote, et le myriophylle aquatique.
CINQ NOUVELLES ESPÈCES PORTENT SON NOM
Avec plus de 100 publications d’articles scientifiques dans des revues nationales et étrangères, le Dr. Ramona Oviedo a participé à la collecte de 35 espèces nouvelles pour la science et de trois nouveaux enregistrements spécifiques à Cuba. Compte tenu de ses performances et de son rôle prépondérant dans la connaissance de la flore nationale, cinq de ces nouvelles espèces végétales et un genre endémique de la région de Baracoa lui ont été dédiés, avec l’inclusion de son nom ou de son prénom dans leur dénomination. Elle a également été distinguée à plusieurs reprises par le prix annuel de l’Académie cubaine des sciences. Elle va publier un livre sur la diversité biologique du marais de Zapata.
LA RECHERCHE SCIENTIFIQUE AU SERVICE DE L’AGRICULTURE
Tout ce travail d’investigation et ses résultats s’inscrivent dans le cadre du respect des engagements pris par Cuba envers les Objectifs nationaux pour la diversité biologique et la Stratégie mondiale pour la conservation des espèces végétales.
Ramona Oviedo a souligné que, ces derniers temps, de nouveaux effets nocifs associés à ces plantes ont été détectés dans diverses activités agro-industrielles. Par exemple les difficultés dans un nombre important de champs de canne à sucre pour pouvoir procéder à la coupe mécanisée, en raison des obstacles créés par l’invasion croissante d’espèces ligneuses, telles que le caroubier d’Inde. Ses recherches concernent aussi la régénération naturelle et la plantation d’espèces indigènes dans les forêts bordant les zones humides pour réduire la présence de plusieurs plantes envahissantes, en particulier l’amande.

L’élimination des espèces exotiques envahissantes fait partie des actions entreprises à Cuba pour mieux gérer et contrôler les plantes exotiques les plus nuisibles et les plus répandues. Photo : Ramona Oviedo
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Les effets des espèces exotiques envahissantes à Cuba in Granma, août 2019
>https://fr.granma.cu/cuba/2019-08-28/les-effets-des-especes-exotiques-envahissantes-a-cuba]