La sécheresse, un autre fléau pour l’île

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Cuba connaît des périodes de sécheresse qui peuvent se révéler dramatiques dans le contexte d’une île. La gestion des réserves d’eau tout comme la gestion de sa mise à disposition de la population et de la qualité des réseaux fait l’objet des grands projets de l’Etat cubain. Nous en avons publié plusieurs articles dans nos pages.
Nous abordons aujourd’hui la question des périodes de sécheresse.

GD

Prévoir la sécheresse bien à l’avance ?

Auteur : Orfilio Peláez
Publié par Granma le 3 février 2023

Depuis plus de trois décennies, les épisodes de sécheresse à Cuba ont montré une tendance marquée à devenir plus fréquents, étendus et prolongés, ce qui a causé de graves dommages à l’économie nationale.

Il suffit de mentionner, par exemple, les sécheresses notables qui se sont produites au cours des périodes pluvieuses de 1993, 1994, 1998, 2000 et 2004, considérées comme les plus critiques enregistrées dans l’archipel cubain au cours des 100 dernières années.

Plus récemment, en 2014, un nouveau processus de sécheresse a débuté, dont les impacts fondamentaux se sont concentrés dans la région centrale, en particulier dans la province de Ciego de Avila où l’événement a mis à l’épreuve les systèmes de surveillance du climat et la gestion des ressources hydriques du territoire.

Les recherches menées par une équipe d’experts de l’Institut de Météorologie (Insmet), sous la direction du Dr. Braulio Lapinel, au cours de la première décennie du siècle actuel, ont montré que l’influence persistante et de plus en plus expansive de l’Anticyclone Atlantique sur notre zone géographique est la cause principale de la récurrence de la sécheresse en imposant des conditions défavorables aux processus pluviométriques.

Tenant compte de la nécessité de disposer d’une information climatique plus précise qui réponde aux nouveaux besoins du contexte économique et social du pays, des spécialistes du Centre de Physique Atmosphérique et du Centre Climatique de l’Insmet travaillent sur un projet de recherche visant à améliorer la précision de la prévision de la sécheresse à Cuba à travers une prévision saisonnière des précipitations qui puisse se répercuter, de façon effective, sur la planification et le rendement d’une grande partie du secteur productif national.

Le centre de météorologie agricole de l’Insmet et les centres météorologiques provinciaux de Ciego de Avila et de Matanzas participent à sa mise en œuvre.

UN EFFORT LOUABLE

Arnoldo Bezanilla Morlot, spécialiste du Centre de Physique de l’Atmosphère et l’un des responsables du projet avec les docteures Lourdes Álvarez Escudero et Idelmis González, a expliqué à Granma que la recherche vise à améliorer la capacité de prise de décision afin de promouvoir l’adoption des stratégies de gestion de l’eau les meilleures et les plus efficaces pendant les périodes où les niveaux des barrages sont bas (alerte sécheresse), et lorsque les niveaux de disponibilité sont élevés ou de l’ordre de la normale (exploitation des barrages).

"Il contribuera également à réduire le risque de sécheresse et de dommages économiques en déterminant les configurations les plus appropriées des modèles numériques régionaux pour aider à établir bien à l’avance une prévision saisonnière des précipitations pour Cuba et pour alimenter cette information dans le système d’alerte précoce pour la sécheresse.

"Il renforcera également la capacité des autorités nationales, provinciales et locales au moment de définir et d’adopter les mesures efficaces requises pour faciliter l’adaptation aux épisodes de sécheresse récurrents.

"Avec cela, nous contribuerions à « Tarea Vida » ou Plan d’État pour faire face au changement climatique, approuvé par le Conseil des Ministres en avril 2017"

"Les résultats de la recherche profiteront aux populations vulnérables vivant dans les zones d’intervention, aux producteurs agricoles et aux autres personnes et institutions impliquées dans la gestion de l’eau".

Comme l’a souligné Bezanilla Morlot, les résultats de ce projet d’une durée de quatre ans permettront de mettre en place une plateforme efficace capable de fournir une prévision quantitative de la quantité de précipitations attendues pour les trois à six prochains mois, permettant ainsi aux acteurs économiques et sociaux du pays de planifier la quantité d’eau disponible et d’établir des codes précis, qui aideront à déclarer l’état de sécheresse dans les différentes zones du pays.

Il a souligné que les provinces de Matanzas et de Ciego de Avila seraient les terrains d’essai de sa mise en œuvre [...]

"Les bénéficiaires indirects comprennent l’Insmet elle-même, l’Agence Environnementale du Ministère cubain des Sciences, de la Technologie et de l’Environnement, la Faculté Latino-américaine des Sciences Sociales et l’Institut Supérieur des Sciences Appliquées et des Technologies appartenant à l’Université de La Havane".

Bezanilla Morlot a déclaré qu’il sera essentiel de mettre en œuvre un système de prévision saisonnière qui couvre entièrement le territoire national et ses mers adjacentes et dont l’efficacité devra être proche de 80 % ou plus.

Outre l’utilisation du modèle de recherche et de prévision météorologique, de nouvelles techniques d’intelligence artificielle et d’apprentissage automatique seront utilisées pour tirer parti du grand volume d’informations à traiter, car le système de prévision travaillera directement avec les données des modèles climatiques mondiaux, a-t-il précisé.

Lancé en décembre 2021 sous le nom de Building Drought Resilience in Cuba, le projet est financé par le Centre de Recherches pour le Développement International du Canada et mis en œuvre techniquement par l’Institut de Météorologie de Cuba.

Selon le chercheur du Centre de Physique Atmosphérique, il est prévu que, sur la base des résultats, le système intégré de prévision climatique soit mis en œuvre dans certaines communautés sélectionnées de notre pays.

Il a rappelé que des études élaborées à différents stades par des spécialistes renommés de l’Insmet suggèrent que le climat futur de Cuba sera plus extrême, que la température annuelle moyenne pourrait augmenter jusqu’à 4,5 degrés Celsius et que les précipitations annuelles diminueront de 20 à 50 % d’ici la fin du XXIe siècle.

"Si les prédictions ci-dessus se réalisent, les processus de sécheresse et les événements de fortes précipitations deviendront plus intenses et plus fréquents. De même, l’élévation moyenne du niveau de la mer pourrait être de l’ordre de 27 centimètres d’ici à 2050, et atteindre 92 centimètres d’ici à 2100, avec un scénario de recul du littoral en certains endroits pouvant atteindre sept kilomètres, et généralement entre deux et trois kilomètres.

"Ces changements entraîneront une détérioration de la qualité globale de l’environnement, en raison d’une réduction du potentiel hydrique de plus de 30 %, de la perte de 6 % des terres sèches dans les zones côtières de faible altitude, de l’appauvrissement des sols, de l’intrusion saline et tout cela aura un impact sur la diminution des rendements agricoles des cultures clés, affectera la biodiversité et entraînera une augmentation des maladies transmissibles".