Le Ballet National de Cuba

Le travail jusqu’à la reconnaissance internationale et la gloire

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A l’occasion du 75ème anniversaire de la création du Ballet National de Cuba, l’article rappelle les difficultés qu’a rencontrées cet art pour être reconnu avant la Révolution. Il souligne aussi tout le travail accompli par des figures éminentes de cette discipline artistique et la reconnaissance internationale dont il jouit aujourd’hui.
CD

Nous poursuivons cette Chronique Culturelle que notre regretté Philippe Mano avait à coeur de nous faire partager chaque mois. Comme il le souhaitait, connaissance d’un aspect de la richesse culturelle de ce pays.
RG

Les 75 ans de gloire du Ballet National de Cuba

Publié par Excelencias News Cuba le 24 novembre 2023

Le Ballet National de Cuba a célébré, pour la fierté de tous, ses 75 ans de lutte glorieuse, mémorable, évènement qui a marqué un tournant non seulement dans le domaine de la danse scénique mais aussi dans l’histoire de notre culture nationale.

Au cours d’une célébration spéciale, organisée pour l’occasion, diverses institutions de la sphère culturelle et sociale du pays lui ont rendu un vibrant hommage accompagné d’une riche programmation, dans la salle Avellaneda du théâtre National de Cuba au mois d’octobre. Ce programme comprenait des mises en scène signées de chorégraphes cubains, avec la contribution de créateurs aussi prestigieux que Alberto Méndez, Iván Tenorio, Gustavo Herrera, Jorge Garcia y Pedro Consuegra : Des légendes telles que les mises en scène de Bodas de sangre et Carmen d’Alberto Alonso, le triptyque classique avec le 1er acte de Copellia, le second du Lac des cygnes ainsi que le 3ème de Don Quichotte.
Cette célébration a aussi inclus des spectacles pédagogiques dans différents endroits du pays, des cycles de conférences, des éditions philatéliques, des cycles de films dédiés à la danse et des présentations de livres, ainsi que des expositions de chorégraphies et d’arts plastiques.

Ça a été et c’est, comme l’avait très bien défini Juan Marinello « plus qu’un ensemble d’excellence et une école singulière, l’inlassable voix d’une résistance populaire ». Cette force populaire a trouvé son expression dans les sentiments et les actions du trio Alonso- Alicia, Fernando y Alberto- qui depuis le milieu des années 30 du siècle dernier ont eu l’audace de sortir du cadre élitiste de l’Ecole de Ballet de la Société de Pro Arte Musical de La Havane et de partir à l’étranger à la recherche d’une solide formation artistico-technique, leur permettant de devenir d’excellents danseurs professionnels.

Et c’est ce qu’ils ont fait : Alberto dans les Ballets russes de Montecarlo et du Colonel Basil, et Alicia et Fernando au sein de diverses écoles et compagnies des Etats Unis, tels que la School of American Ballet, le Ballet Caravan et le Ballet Theater de New York. Mais au-delà de la gloire et du succès qu’ils ont obtenus, ce qui les a hissés au plus haut niveau qu’ils occupent aujourd’hui dans l’histoire de la danse scénique cubaine , ce fut l’inébranlable vision fondatrice et d’avenir qui ne les a jamais quittés.

Dès le 10 juin 1947, Alicia, déjà promue au grade de première danseuse de l’une des compagnies les plus respectées au monde et proclamée « plus grande Giselle contemporaine » déclarait, inquiète et triste, au journal Redención, Organe National de la Milice Martiene Nationale au cours d’une interview accordée à Angela Grau, fidèle collaboratrice des Alonso depuis qu’elle était dirigeante de la FEU : « quel dommage qu’à Cuba aucun gouvernement ne s’occupe de protéger l’Art, Le Ballet, nous avons, nous les Cubains, des conditions exceptionnelles pour la danse, nous l’avons démontré. Il y a des danseurs qui peuvent être considérées comme professionnels, mais qui, lassés d’attendre une opportunité pour se faire connaitre, pour devenir professionnels, abandonnent la danse, après lui avoir donné le meilleur de leur jeunesse (…) « Que notre Patrie gagne en prestige aux yeux du monde n’intéresse-t-il ni nos gouvernements ni les Cubains en général ?

Elle a aussi fait l’amère expérience de ressentir l’hostilité et l’incompréhension des porte- paroles de la pseudo culture élitiste de l’époque pour avoir osé danser une Rumba colombienne sur pointes et d’avoir représenté le ballet Antes del Alba mettant en scène pour la première fois la dure réalité des milieux vulnérables et laissés pour compte de la société de l’époque.

Cette tentative de vérité et de cubanité, fruit de de la détermination du chorégraphe Alberto Alonso, du compositeur Hilario Gonzalez, du scénariste Francisco Martinez Allende et du peintre Carlos Enriquez fut le déclencheur qui les amena à lutter sans hésitation pour un ballet authentiquement cubain.

Peu de temps après le 28 octobre1948, les Alonso avec un groupe de collaborateurs enthousiastes, nationaux et étrangers (sur un total de 40 membres seul 16 étaient cubains) ont entrepris la tâche historique de créer dans notre pays un groupe national de danse, qui sortirait cette discipline artistique du cadre exclusif dans lequel elle s’était jusqu’alors développée, pour en faire une expression authentiquement cubaine et populaire.

Sa lutte dans cette période difficile entre sa fondation et 1956, date à laquelle il s’est trouvé confronté à la dictature de Batista, qui a tenté d’en faire un agent de propagande de son régime sanguinaire, lui a valu l’admiration et le respect de tous les Cubains pour la noblesse de ses objectifs et le courage dont ses fondateurs ont fait preuve pour faire face aux incompréhensions et aux agressions des gouvernements défaillants de l’époque. Malgré cela, le nouveau groupe a réussi à développer trois axes fondamentaux de travail réunissant le domaine de la création chorégraphique, celui de la pédagogie et de la diffusion massive du ballet.

Depuis le début, la première compagnie professionnelle de danse de l’histoire de la nation a révélé son immense souci d’enrichir la culture de la danse chez les Cubains, tâche accomplie avec succès par le développement d’un nouvel espace chorégraphique dans lequel se sont inscrits les ballets d’action du XVIII siècle les plus importants et de la grande tradition classico – romantique du XIX siècle ainsi que l’encouragement à un mouvement de création contemporaine, sur les thèmes les plus divers.

En 1950, la création de l’Académie de Danse Alicia Alonso, s’est chargée de former la première génération de danseurs professionnels cubains et de servir de laboratoire pédagogique au phénomène artistique de l’école cubaine de danse aujourd’hui mondialement reconnue.

Concernant son travail de vulgarisation, les nombreuses représentations publiques, gratuites, à prix réduits, dans des espaces ouverts de la capitale et de l’intérieur du pays, plus particulièrement celles réalisées au Stadium Universitario avec le soutien déterminé de la Fédération Etudiante Universitaire (FEU) ont permis au ballet d’éclore dans les milieux les plus divers de l’île.

Comme l’a très bien dit Alicia dans sa lettre publique historique à la figure de proue du dénommé Institut National de culture en 1956, le ballet ne pouvait plus mourir parce qu’il avait été implanté au sein du peuple.

Le triomphe révolutionnaire de 1959 a franchi une nouvelle étape, permettant au ballet cubain de concrétiser ses grandes aspirations historiques.

La loi 812 du gouvernement révolutionnaire, ratifiée par le Commandant en Chef, Fidel Castro, garantissait définitivement l’existence de la compagnie et lui apportait tout le soutien matériel et spirituel pour mener à bien son œuvre.

Au cours de ses 75 années de travail ininterrompu que nous célébrons aujourd’hui, le Ballet National de Cuba a réussi a accéder au plus haut niveau dans la culture nationale et au sein du mouvement international de danse, en tant que plus grand représentant d’une nouvelle école.

Au total 216 tournées, comprenant des représentations dans 62 pays sur les cinq continents, des représentations dans plus de 100 villages et villes de l’île. La création d’un répertoire vaste et varié de 784 titres, par 212 chorégraphes venus de 29 pays, dont la plupart en première mondiale, fut une entreprise fructueuse à laquelle la compagnie a associé 423 compositeurs, dont 85 Cubains, et le travail de 158 designers.

Présentations, conférences et spectacles pédagogiques dans des lieux de travail, des campus universitaires et des unités militaires ; de Mantua à Maisí ; programmes de radio et de télévision, éditions de livres et de publications spécialisées, des dizaines de prix obtenus lors de compétions de très haut niveau, en Europe, en Asie et en Amérique. Plus d’un millier de distinctions culturelles, sociales et politiques, tant nationales qu’étrangères et la reconnaissance enthousiaste de la critique mondiale, confirment son niveau créatif.

Le 19 juin 2018, par la résolution numéro 31 du Ministère de la Culture, l’Etat cubain a décidé de déclarer le Ballet National de Cuba Patrimoine Culturel de la Nation, geste qui peut symboliquement être envisagé comme la revendication par la Révolution des tristes requêtes faites par Alicia il y a 75 ans.

Le monde face à la grandeur de l’œuvre créatrice de la compagnie, y voit le fruit du talent de tout un peuple, de l’inébranlable foi d’un groupe de bâtisseurs et d’une sage politique artistique qui, comme l’a un jour prédit le sage Don Fernando Ortiz, a su valoriser l’héritage du passé, accomplir les devoirs de son temps et répondre aux revendications non moins impérieuses de l’avenir. Avec cette fierté le Ballet National de Cuba au sein duquel se mêlent anciennes et jeunes générations s’apprête à poursuivre à l’avenir cet engagement historique.