Le « Havanoscope », bible d’un art de vivre à la cubaine
Havanoscope 2021 : le havane de l’année est…
Après avoir dégusté l’intégralité des havanes disponibles en France, le Comité de dégustation de L’Amateur de Cigare a tranché.
Le havane de l’année est le Romeo y Julieta Churchills.
Voici la dégustation publiée dans le Havanoscope 2021, disponible actuellement en kiosque et sur notre Boutique en ligne.
"L’amateur de cigare"
Chaque année, un journal français livre ce classement des meilleures vitoles de l’île des Caraïbes, un terroir au-dessus du lot à la culture proche de l’œnologie.
Jacques Chevalier01/11/2020 à 09:00
À ce stade de l’emballage, le précieux havane a fait l’objet de multiples soins avant d’aller affronter le verdict du Havanoscope. © John Dowland / MAXPPP / AltoPress / Maxppp
« Dieu est un fumeur de Havane » et, sans aucun doute possible depuis plus de vingt ans, lecteur d’une bible qui est consacrée à la divine vitole. Unique au monde, le Havanoscope vient de débarquer chez les bons marchands de journaux et les civettes spécialisées qui le diffusent, une vraie tuile pour cette compilation annuelle au moment du reconfinement. Heureusement, on pourra se le procurer via le site (1) du journal L’Amateur de cigare, qui, depuis 1998, est la vigie de toute une culture à tort assimilée à celle des autres fumées.
Le Havanoscope 2020 © L’Amateur de Cigare
Gainsbourg le savait bien en confrontant dans sa chanson havanes et gitanes, et pas que pour la rime. Enopposant le raffinement de la dégustation à la compulsion indifférente, il définissait deux mondes qui souvent s’ignorent. C’est à un maître du goût, journaliste œnologue averti s’il en est, Jean-Paul Kauffmann, que l’on doit la création de ce journal sans équivalent sur la planète.
Même les Américains nous l’envient, mais, sans accès au marché cubain, ils ne peuvent toucher aux produits et à leur complexité. Privilégiés et en terrain de connaissance, les Français le sont, car, comme le vin, le havane est vivant et varie d’un millésime à l’autre, en fonction de son vieillissement et de sa maturation. Et ce n’est pas faire injure à la vigne que d’oser cerapprochement tant les assemblages et élevages sont similaires et le rituel de la dégustation aussi codé qu’un office religieux.
« L’amateur du cigare est aussi un sage qui sait, pendant un instant, considérer avec distance et humour les hommes, les choses et surtout lui-même », dit Jean-Paul Kauffmann, dont la longue captivité au Liban l’a instruit sur le retour sur soi. C’est ainsi que L’Amateur de cigare est né pour traduire ce qu’est ce monde d’esthètes en mouvement constant, où les terroirs s’étendent bien au-delà de l’arc caraïbe. Mais si le Cigaroscope rend compte de ces nouveaux crus venus du Nicaragua, du Honduras, de Saint-Domingue et tant d’autres, le havane reste unseigneur qui mérite sa propre compilation annuelle.
De 1 à 5 bagues
Le Havanoscope est là pour cela, pour débusquer les pépites, guetter les défaillances. « Celles-ci ouvrent sur une deuxième chance pour notre comité de dégustation, dit Laurent Mimouni, le rédacteur en chef de la revue, afin de confirmer cette baisse de régime. Si un désaccord subsiste, rarement de plus d’une bague sur un maximum de cinq à décerner, nous donnons une demi-bague pour acter la divergence. » Car c’est à un travail de bénédictin que se livrent les six juges, dont une femme, pour disséquer chaque vitole et lui donner l’appréciation détaillée qu’elle mérite.
Le Havanoscope 2020 © L’Amateur de Cigare
Et ils ne ratent rien, car, le saviez-vous, le marché français est devenu leplus riche en termes de diversité et de qualité, mais il est également fort bien placé pour les prix. Ils sont d’ailleurs recensés ici et comparés dans dix pays, dont Cuba. « Si l’Espagne reste le premier marché pour le volume consommé, l’offre est beaucoup plus étendue chez nous et les prix serrés. Il faut donc faire confiance à sa civette [adresses répertoriées dans le monde dans le guide, NDLR] et espérer qu’elle sera approvisionnée des meilleurs modules. Ainsi, notre Grand Prix de l’année 2020, le Romeo y Julieta Churchills, risque d’être difficile à trouver », convient Annie Lorenzo, la directrice de la revue.
Il est vrai que le magnifique terroir cubain, qui produit environ90 millions de vitoles chaque année, est exposé comme tout le monde au Covid. Si la production n’a guère baissé en dépit de l’adoption de règles sanitaires rigoureuses, l’acheminement souffre de la raréfaction des liaisons aériennes avec Cuba. Dommage, car le Havanoscope propose un abécédaire pour éclairer le béotien et un extraordinaire carnet d’adresses élaboré par le correspondant local, Stéphane Ferrux. Pour séjourner dans l’île et ne rien rater de ce monde pétri de savoir-faire, c’est un vade-mecum indispensable.
Le prix ne fait pas tout
En attendant que les voyages reprennent, on peut toujours s’évader depuis le fond de son fauteuil en nelivrant plus sa dégustation au seul hasard. Le Havanoscope, parmi les 230 cigares testés, a trouvé, cette année, 22 modules touchant au firmament des 5 bagues, décerne 6 coups de cœur et 3 coups de gueule. Il y a aussi un classement par manufacture, Hoyo de Monterrey se distinguant cette année avec Ramon Allones, alors que La Gloria Cubana, délaissée, traverse une mauvaise passe.
Les éditions régionales ou limitées sont à la mode, mais gare aux prix, car certaines valent par leur rareté, la perfection de leur construction et une boîte originale qui incite à les collectionner. Certains cigares culminent à plus de 80 euros la pièce (Cohiba Novedosos Robustosn° 2, 5 bagues) quand d’autres, comme le Corona Partagas de Luxe à 8,10 euros décrochent le coup de cœur (4 bagues). Le Havanoscope est là pour ça et, type de modules mis à part, rétablir la véritable hiérarchie.
Bonne nouvelle cependant, la qualité est largement là et apte à estomper les vicissitudes d’un long confinement. George Sand le disait ainsi : « Le cigare engourdit le chagrin et remplit les heures solitaires d’un million de choses agréables. »