Le cinéma cubain à Marseille

Entretien avec le réalisateur cubain Ernesto Pina

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Mai à Marseille - les Rencontres du Cinéma Sud-américain, avec toujours du cinéma cubain, sont un rendez-vous incontournable. 2023 marque le 25ème anniversaire de ce festival de qualité, réalisé par l’ASPAS (Association de Solidarité avec l’Amérique Latine). Réfugiée à Marseille voici trente ans, sa présidente Leonor Harispe, argentine, en eut l’idée il y a fort longtemps, pour "montrer des films impossibles à voir avant ce festival, susciter débats et réflexions sur cette partie du monde "." Il nous semble nécessaire de faire connaître dans notre région, un cinéma presque toujours absent des circuits commerciaux. Près de 50 réalisateurs et réalisatrices parmi les plus importants nous ont honorés de leur présence. Nous avons initié de nouvelles habitudes pour les festivals de cinéma de la région : le vote du public, les jurys jeunes et l’Agora des jeunes, les séances scolaires, les séances de ciné-philo, le buffet participatif authentiquement latino ". Leonor Harispe.

Très connu à Marseille, ce festival est couvert par les médias : deux pages entières dans La Provence pour ce 25ème anniversaire. Toutes les projections sont pleines d’un public curieux et attentif, même celles consacrées aux jeunes détenus des Baumettes.

Mai 2023, trois films cubains à l’affiche.
En compétition, un film d’animation montré en France pour la première fois, sur lequel nous revenons, peu après, avec un entretien avec son réalisateur ; un moyen métrage formidable et très drôle, "La Campana", traite avec humour de l’alphabétisation à Cuba, avec un jeune brigadiste censé apprendre à lire et à écrire à une famille de paysans qui savent déjà lire et écrire, parler l’anglais et dont le vieux paysan de père ne cache pas son admiration pour Kiekergard ... Comment le jeune brigadiste va s’en sortir dans cette situation impossible ? Enfin, une séance scolaire avec des lycéens venus voir le long métrage « Habanastation ». Le hasard d’un rendez-vous raté permet à deux élèves, que les différences sociales opposent, de nouer une relation singulière. Le film nous emporte dans les quartiers méconnus de la Havane, très peu montrés par le cinéma cubain. Il s’agit d’une réflexion sociale universelle et intemporelle, même si elle prend une importance toute particulière dans la Cuba d’aujourd’hui.

Rappel
Fin 22 et début 23, dans la salle du Cours Julien Vidéodrome 2, deux semaines exceptionnelles de cinéma cubain des années 70, avec des longs métrages peu connus, chacun précédé d’un noticiero, magazine d’actualité de l’époque, restauré par les spécialistes français de l’INA.

Même sans un festival entièrement consacré au ciné cubain, les Marseillais peuvent voir depuis des années de nombreux films cubains. Ils s’y précipitent. *Marseille aime Cuba.
Vous pouvez connaître toute la programmation et plus encore sur ce festival grâce à son dossier de presse :
https://drive.google.com/file/d/1L0l0wMmztavQlk_ttZtEf6VfQwPrfD0n/view?usp=share_link

Ernesto Piña réalisateur cubain

Rencontre avec Ernesto Piña réalisateur cubain
(merci à Chantal Subias, Vice-présidente de l’ ASPAS, pour la traduction)

Un film d’animation en compétition officielle, c’est assez rare pour être souligné. c’est le cas de "La Super", film d’animation pour la défense des femmes, à l’accent d’ une BD très colorée et de personnages que les jeunes peuvent aimer.

Âgé aujourd’hui d’une quarantaine d’années, Ernesto fut un adolescent fou de BD qu’il réalisait autant qu’il en lisait. Il se forme aux Arts Plastiques pendant quatre ans à l’École d’Art de Camaguey et devient peintre. Suivent ensuite cinq années à l’université L’ISA à La Havane où il apprend le cinéma.
Le déclic viendra d’un stage à l’ICAIC (l’organe du cinéma cubain équivalent de notre CNC ) où il décide de choisir le cinérama d’animation.
Depuis les débuts de l’ICAIC, dans les années soixante, un secteur animation a été créé avec un festival dédié chaque année. Ernesto soutient sa thèse à l’ICAIC avec un film d’animation de 12 mn qu’il appelle "EXPIRO MUNDO" et crée un petit studio autonome EXPIRO STUDIO. Réalisateur indépendant de 2000 à 2013, il remportera le 1er Prix à la Mostra Animation de l’ICAIC. Avec la création d’un Fonds du Cinéma d’Animation en 2020, il poursuit un itinéraire typiquement cubain, entre indépendance et appui public.

Son long métrage d’animation "La Super" sort en 2022. Le choix d’Ernesto est de faire des films sociaux, en particulier sur les questions de genre, de rapports difficiles entre hommes et femmes. En 2019, il fait une série pour la TV cubaine avec Mariela Castro, directrice du Centre National d’Éducation Sexuelle de Cuba, à La Havane. Mariela est la fille de Raul Castro et de Vilma Espin..
Son expérience internationale au Portugal, en Espagne, en Bulgarie, donnera rapidement à ce film accès aux manifestations internationales où Ernesto s’est fait connaître par de nombreuses master-class sur le film d’animation. En France, il est en contact régulier avec le Festival de Clermont-Ferrand, spécialisé dans l’animation.
Sorti fin 2022, le film est reconnu par la Mostra Valencia / La Havane, la MUCE La Habana dès avril 2023.
Ce film, distribué par l’ICAIC, sera largement diffusé et montré à la jeunesse cubaine.

Dans City X, l’esprit de la mythique guerrière aborigène Jevalentina est présent et donne à la jeune Yudelsi le pouvoir de l’Harmonie. En peu de temps Yudelsi devient "La Super" , une héroïne qui défend les femmes de la maltraitance des Hommes . La « Super » devient la femme à abattre.
Ce film reflète bien l’esprit de ce Festival Latino, dans lequel les débats sont aussi importants que les films eux-mêmes.