Le rôle des sciences sociales

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Graziella Pogolotti rappelle combien l’interdisciplinarité est nécessaire pour appréhender la réalité en perpétuelle transformation. Elle insiste sur les transformations nécessaires dans le domaine agricole qui devront se faire avec les acteurs : les agriculteurs.

Auteur : Graziella Pogolotti

26 septembre 2021

Juan Pérez de la Riva.
Photo : Archive

Par son action et sa parole, le Président Miguel Diaz-Canel Bermúdez insiste sur la nécessité d’associer l’énorme potentiel des savoirs à la prise de décisions afin de trouver des réponses efficaces aux défis auxquels nous sommes confrontés aujourd’hui.

Sa prédication s’appuie sur les résultats tangibles atteints dans le domaine de la biotechnologie avec la production de vaccins, conquête inimaginable dans n’importe quel pays soumis à une pression économique implacable et durable.

Nous bénéficions des retombées d’une stratégie conçue par Fidel Castro depuis le triomphe de la Révolution, quand, au même moment, ont été entreprises la Campagne d’alphabétisation, la Réforme Universitaire, la création d’institutions de recherches scientifiques de pointe et qu’a été mis en place un système de bourses pour récupérer des talents dispersés à travers tout le pays.

L’impulsion donnée à la biotechnologie se concrétise dans le combat contre la pandémie, dans le développement d’emplois hautement qualifiés et dans la production de biens avec une valeur ajoutée importante. Une conduite analogue peut être appliquée aussi dans d’autres secteurs comme celui de l’agriculture, indispensable pour le bien-être de notre peuple et pour l’ouverture vers des marchés extérieurs.

Reconnaitre le rôle de la haute technologie n’implique pas de négliger le poids décisif de ceux qui, ancrés dans la terre et en bas de la pyramide, construisent avec l’inlassable labeur quotidien de leurs mains et de leur esprit. Pour cette raison, il est indispensable de mettre à jour le diagnostic des tenants et des aboutissants d’une réalité sociale complexe et en constante mutation, c’est pourquoi, sans nuire à l’investissement nécessaire, il faudra réaliser un nouveau Recensement de la Population et de l’Habitat.

L’analyse démographique ne se limite pas à une simple récapitulatif statistique. Pour comprendre ce que nous sommes et les circonstances qui régissent notre existence tant matérielle que spirituelle, l’information devra être examinée par d’autres domaines des sciences sociales. C’est ainsi que nous l’a enseigné l’historien et démographe Juan Pérez de la Riva, personnalité singulière qui mérite de sortir de l’oubli avec la relecture de ses travaux fondateurs, comme celui, incontournable, sur les baraquements, indispensable pour mesurer la conséquence dramatique d’un héritage historique ; formatant les mentalités et les expressions d’une culture de la pauvreté.

Juan Pérez de la Riva était né dans un berceau en or. Les cinq membres de sa petite famille se perdaient dans l’immensité du palais devenu aujourd’hui Musée de la Musique.

Esprit sensible, il a rejoint la cause des plus modestes. Il s’est attaché à connaitre le marxisme et s’est opposé à la dictature de Machado. IL est né en France par hasard, ce qui a servi de prétexte pour son expulsion de Cuba en tant qu’étranger indésirable.

Son séjour en Europe lui a ouvert l’horizon vers les tendances modernes de la démographie et de l’histoire. De retour sur l’île, il s’est réfugié dans l’administration de son domaine aux alentours de la Sierra del Rosario. Il a connu de près la condition du paysan. Au moment de la Révolution, avant la Réforme Agraire il a fait don de ses terres et il est parti à La Havane en quête de travail. Dès lors, il s’est consacré à la recherche et à la formation des nouvelles générations. Avec ses étudiants il a réalisée des travaux agricoles dans les zones les plus rurales du pays.

La langue, l’acculturation, le métissage culturel et la tradition historique partagée assurent l’unité de la nation. Mais ignorer le poids des différences territoriales serait une erreur de perspective. Juan Pérez de la Riva a analysé cette realité.

Favorisée par le passage des flottes, La Havane s’est enrichie des bénéfices d’une économie de services précoce. Ensuite la traite négrière est devenue une source d’accumulation de capitaux qui ont stimulé l’industrie sucrière dans la zone occidentale du pays. La région orientale, en revanche, a survécu avec la production de fruits et du commerce de contrebande avec la région caribéenne, jusqu’à son remplacement par les grandes exploitations sucrières et les élevages de bétail entrainant l’exploitation extrême des colons. D’où une émigration interne attirée par le mirage que représentait l’apparence étincelante de la capitale. Au siècle dernier, dans les années 60, on a mis en en œuvre des politiques de développement urbain en vue d’améliorer la situation des provinces défavorisées.

La démographie, référent nécessaire à la prise de décisions, offre une synthèse des comportements de la société à un instant donné. L’hier et l’aujourd’hui y coexistent, ainsi que des facteurs objectifs et subjectifs. Pour une interprétation globale des données, on a besoin de l’approche multidisciplinaire et transdisciplinaire de l’ensemble des sciences sociales, depuis l’histoire, l’économie, la sociologie, jusqu’à la psychologie sociale et l’anthropologie. Une perspective intégrative des savoirs semble de la même façon d’une grande utilité pour la conception des actions actuellement entreprises dans nos territoires les plus précaires.

La solution des problèmes les plus urgents exige l’adoption de mesures conduisant à favoriser, à moyen terme, des transformations substantielles dans les mentalités des colons, en tant que protagonistes conscients de la modification de leur réalité.