Le transport à La Havane : une impasse ?

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Cet article met en évidence, à travers des témoignages, à la fois les dysfonctionnements et problèmes que rencontrent les transports urbains à La Havane, mais aussi les mesures mises en œuvre pour essayer d’en limiter l’impact sur la vie quotidienne des usagers.

L’état des bus urbains dans la capitale et les longues files d’attente nous montrent que la situation est toujours compliquée.

  • Publié le lundi 18 juillet 2022
  • Auteurs : Raciel Guanche Ledesma – Rosmery Pineda Mirabal

L’arrêt très populaire de San Pedro et de l’avenue Independencia, connu sous le nom de station de Bohemia, est interminable. En vue, quelques 40 ou peut-être 50 personnes impatientes attendent un bus qui, en réalité, semble jouer avec les horaires au milieu de l’un des trajets les plus longs.

C’est que, ces derniers mois, on peut considérer qu’arriver jusqu’à la municipalité de Cotorro, comme jusqu’à beaucoup d’autres, relève de l’exploit. En effet, selon quelques jeunes qui attendent sur le trajet P-2 au milieu de tant de personnes épuisées de fatigue, « c’est exaspérant ».

C’est ce qu’a vécu, il y a quelques jours avec le transport, au même arrêt, Maria Karla Fleitas, étudiante à l’Université. Elle est restée là de six heures à huit heures du soir. « Depuis que nous partons de très bonne heure à la faculté nous sommes confrontés à cette situation. On peut rester très longtemps au premier arrêt » raconte –t-elle.

Il en est de même pour les travailleurs comme Vladimir Quintas, qui doit se déplacer quotidiennement de la municipalité de La Lisa vers La Havane de l’Est, où il travaille ; ça a été le moment le plus tendu après les difficiles années 90, à cause de la Période Spéciale.

Cet entraîneur du Centre de Haut Rendement Giraldo Córdoba Cardín raconte que ce qui est important et compliqué à la fois c’est d’attraper un bus « il arrive que, par chance, on puisse accéder à un transport précis à l’heure « prévue », mais la situation ne se stabilise pas pour autant. Quand tu crois avoir les bons horaires, le lendemain il ne passe déjà plus à l’heure », dit-il.

Entre allers et retours, Vladimir doit compter quatre ou cinq heures journalières pour son déplacement. Selon lui, la question du transport est le problème le plus important qu’il rencontre aujourd’hui, alors que ni lui ni la majorité des Cubains ne parviennent à payer de leur poche les prix exorbitants des transports privés.

La situation des bus urbains dans la capitale et les longues files d’attente aux arrêts continuent de nous montrer un tableau complexe.La situation des bus urbains dans la capitale et les longues files d’attente aux arrêts continuent de nous montrer un tableau complexe.
Auteur : Adán Iglesias

C’est toujours difficile

La situation complexe, entre les pannes des bus et le manque de moyens pour les réparer, jusqu’à l’impatience qui, dans de nombreux cas, frôle l’inconfort constant, dépasse le cadre de la localité ou de la municipalité de la capitale et même d’autres provinces du pays.

Evidemment, de tels scénarios ne concernent pas que les chauffeurs et les gens qui rencontrent des difficultés aux arrêts, mais c’est aussi un sujet de débats pour trouver des solutions possibles et urgentes au sein de l’Entreprise Générale de Transport Provincial de La Havane.

Son directeur, Leandro Méndez Peña, reconnaît que, dans la capitale, on vit des moments difficiles avec les transports, où la capacité des bus y circulant ces derniers mois, est inférieure à 400 et n’atteint parfois même pas les 350, et cela dans une ville dont les besoins, pour son bon fonctionnement, se situent aux alentours de 800 bus quotidiens.

Il rappelle que ce qui pèse le plus sur le déficit affiché et évident dans les itinéraires est d’ordre technique. « Aujourd’hui, les relations contractuelles avec les fournisseurs pour l’acquisition des pièces de rechange deviennent extrêmement difficiles, car ce n’est un secret pour personne que le blocus nous oblige à aller vers des marchés beaucoup plus coûteux et lointains et, par conséquent, les délais de livraisons sont beaucoup plus longs » précise –il.

Certaines personnes associent le phénomène actuel à une faible disponibilité de carburant. Cependant, Méndez Peña assure que ça n’a pas été la cause du problème. « Tant les bus scolaires, Transmetro, que les transports publics disposent du carburant nécessaire assigné pour les déplacements quotidiens dans la capitale, » ajoute –t- il.

Des inspecteurs et des contrevenants

On entend encore au sein de la population des plaintes contre les véhicules publics qui, en toute impunité et peu solidaires, ne s’arrêtent pas devant les arrêts bondés. Les chauffeurs de ces véhicules continuent à violer un dispositif crucial par les temps qui courent, et obligatoire, pour l’amélioration de la situation du transport.

Selon Yuniel de la Rosa Hernandez, directeur de l’Inspection de la Direction Provinciale des Transports, il n’existe aucune limitation pour que les véhicules d’état cessent de prendre des voyageurs ; au contraire la Résolution 382 de 2020 du Ministère des Transports l’exige.

Par exemple, sont identifiés dans la capitale 311 arrêts concentrant une forte densité de passagers et qui doivent être suivis par des Inspecteurs Populaires des Transports. Parmi ceux-ci, a –t-il expliqué, 279 sont desservis et les 32 restants le sont par du personnel administratif redéployé

Il a ajouté que, parmi les mesures en vigueur à l’encontre des contrevenants, figure la réalisation de visites de contrôle par le Groupe Provincial d’Inspection, et par la structure municipale pour les conducteurs qui présentent des récidives et, enfin, lors d’une réunion de mise au point hebdomadaire présidée par le Gouverneur de La Havane avec les contrevenants, on décide des mesures à appliquer.

Dans le cas particulier des chauffeurs de bus, la disposition disciplinaire administrative consiste à les faire descendre du véhicule et à leur assigner d’autres activités que les leurs, s’appliquant jusqu’à ce qu’ils se conforment à ce qui est déterminé par l’administration. Pour ceux qui récidivent, le délai est plus long, a- t- il conclu.

Vision à court terme

Si, en temps de crise, il existe quelque chose de valable, c’est généralement lié aux solutions nouvelles. A ce sujet, le directeur a émis l’idée de travailler sans immobilisation, surtout dans le domaine des transports spéciaux vers les universités auxquels participent 38 bus sur 21 points de ramassage ainsi que l’accroissement du service de tricycles électriques, un moyen qui prend de l’essor et crée des alternatives aux transports en commun.

Méndez Peña s’est exprimé sur les perspectives du secteur pour les mois à venir et il a assuré qu’elles visent à accroître la reprise et la disponibilité des bus que compte la province. En dépit des difficultés, un effort est fait pour garantir à la population un meilleur service cet été. Car, en cette période de loisirs et de villégiature pour les familles, les trajets les plus complexes sont traditionnellement renforcés.

Dans le cas spécifique des plages à l’est de La Havane on a, depuis le 21 du mois dernier, ouvert en renfort une nouvelle ligne de train à destination de Guanabo pendant les journées de départs. Elle fonctionne du mardi au dimanche et compte 70 places.

De même, en juin, les entreprises qui disposent des équipements pour prendre en charge les passagers aux arrêts particulièrement fréquentés ont également été intégrées, selon Sergio Enriquez Fajardo, directeur des passagers de la Compagnie Générale des Transports à la Havane.

Par ailleurs, de façon encourageante- non sans oublier les désagréments du manque d’aération et de la chaleur ressentie à l’intérieur- déjà plusieurs des 29 bus belges, donnés d’occasion et de marque fiable, circulent depuis le 4 juillet sur les trajets P-12 et P-16. Ce qui bénéficie à près de 32 000 personnes qui empruntent le couloir Boyeros.

Mendez Peña a récemment déclaré que la transformation des fenêtres est effectuée, à un rythme soutenu et en respectant la qualité requise, par l’Entreprise de Production de Bus Evelio Prieto dans la municipalité de Guanajay, province d’Artemisa, en vue d’obtenir une ventilation adaptée. Il a précisé que cinq fenêtres seront installées dans les bus articulés P-12 et trois dans les autres P-16.

Au milieu de tant de défis, la responsabilité morale et humaine devrait être un lien présent et même qui nous renforce, en tant que peuple traditionnellement solidaire que nous sommes. C’est donc l’affaire de tous de gagner une autre bataille complexe qui, en matière de transport, frappe toujours l’immense majorité.

https://www.juventudrebelde.cu/cuba/2022-07-18/transporte-en-la-habana-ruta-sin-salida