Les enfants de Tchernobyl à Cuba, une histoire jamais racontée - Épisode 4/4 –

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En 21 ans d’un fonctionnement gratuit et d’excellente qualité, le programme humanitaire des enfants de Tchernobyl à Cuba a non seulement permis d’obtenir des résultats sur la santé, mais également permis de systématiser les applications dans des environnements divers, scientifiquement et médicalement.

Le Programme Cubain de Prise en Charge Médicale Intégrale pour les enfants touchés par la catastrophe de Tchernobyl a existé officiellement entre le 29 mars 1990 et le 24 novembre 2011. Son siège se trouvait à l’hôpital pédiatrique de Tarara, mais d’autres institutions hospitalières du système de santé cubain, des institutions et des organismes du pays ont apporté leur aide à 26 114 patients venant de Russie, de Biélorussie et d’Ukraine. Le rapport émis à la fin du programme présente des données générales ainsi que des résultats très probants.

Enfant dans la résidence Tarará. (image Archive équipe médicale)

ORGANISATION DES SERVICES :

Les services médicaux ont été structurés en fonction des trois niveaux de soins médicaux :
- prise en charge médicale intégrale par les médecins et infirmiers dans les habitations de Tarara où logent les patients.
- soins dispensés à l’hôpital de Tarara, dans les services hospitaliers pédiatriques et les cliniques de la capitale du pays.
- soins dispensés dans des instituts et centres spécialisés équipés de technologies de pointe.

PROGRAMME D’ASSISTANCE MÉDICALE :

- Examen médical intégral pour tous les patients dès leur arrivée, préparation des dossiers médicaux et redirection dans les services lors de la première semaine.
- Examen général de tous les patients afin de confirmer et évaluer les maladies rapportées, permettant d’orienter les rayonnements ionisants à mettre en place.
- Images médicales.
- Examen spécifique en fonction des indications médicales fournies et des spécificités de chaque patient.
- Consultation spécialisée croisée en fonction du besoin.
- Traitement médical intégral et rééducation.
- Rééducation psychologique au travers de consultations avec les spécialistes, d’activités de groupe, d’un large programme récréatif et culturel comme les visites de musées, de zoo, d’aquarium…
- Soins stomatologiques complets.
- Mesures dosimétriques et pronostics.
- Surveillance sanitaire et épidémiologique.

Traitement médical. Photo : Archive équipe médicale
Pendant l’un des traitements. Photo : Archive équipe médicale

NOMBRE DE PATIENTS REÇUS

Enfants - Adultes
Moldavie 2 / 2
Arménie 9 / 2
Russie 2715 / 213
Biélorussie 671 / 59
Ukraine 18477 / 3964
86% des patients reçus venaient d’Ukraine, 11,2% Russie 2,8% Biélorussie

PYRAMIDE DES ÂGES

Moins de 5 ans 2203 57% entre 10 et 14 ans
5 à 9 ans 4814 22% entre 5 et 9 ans
10 à 14 ans 12480 11% plus de 15 ans
15 ans et plus 2377 10 % moins de 5 ans
Total 21874

Famille de Tchernobyl à Tarará. Photo : Archive équipe médicale

CONSULTATIONS RÉALISÉES
Par spécialité Total  %
Allergique 2717 2,4% Cardiovasculaires 1561 7,1%
Dermatologiques 9225 42,1% Endocriniennes 12822 59,6%
Stomatologiques 7346 33,5 % Psychiatriques 2209 10,0 %
Gastro-entérologiques 10634 48, 6% Génétiques 49 2,2 %
Gynécologiques 714 3,2 % Hématologiques 389 1,7 %
Immunologiques 1447 6,6 % Pneumologiques 923 4,2 %
Neurologiques 1114 5,0 % Néphrologiques 1050 4,8 %
Ophtalmologiques 2110 9,6 % Oncologiques 117 0,5 %
Orthopédiques 6581 30 % Oto-rhino-laryngologiques 4758 21,7%
Psychologiques 1259 5,7 % Rhumatologiques 634 2,9 %

Il est important de noter que la majeure partie des patients souffraient de plus d’une maladie chronique.

MALADIES PRINCIPALES

- Infections endocriniennes - 59,6% des patients présentaient des infections du système endocrinien.

Un grand nombre de ces patients ont vu leur état s’améliorer en étant dans un environnement naturellement riche en iode. On leur a fait faire des analyses, on les a soignés. Ils sont rentrés en meilleure santé avec des recommandations particulières.

Trois maladies ont été particulièrement mises en évidence parmi le groupe des autres endocrinopathies : l’obésité exogène, la gynécomastie et la petite taille.

- Infections de l’appareil digestif - 48,6% des patients présentaient des infections digestives telles que des douleurs abdominales récurrentes, ce fut le principal motif de consultation.

Des études endoscopiques ont été réalisées sur 60% des personnes affectées.

Il en a découlé que les découvertes endoscopiques étaient liées à :

- L’œsophage : l’hernie hiatale pour 5,7%.
- L’estomac : la gastrite chronique pour 54,8 %, l’hyperplasie lymphoïde pour 12,8%, la gastrite aiguë pour 1,7%, les polypes gastriques pour 1,7%.
- Le duodénum, la duodénite chronique pour 39,5 %, l’hyperplasie lymphoïde pour 6,4 %.
- Suite aux frottis duodénaux parasitologiques, on estima la positivité au giardiase à 34,5%.

Grâce au changement des habitudes alimentaires, aux diagnostics, au traitement et à la diminution du stress à Cuba, tous ont vu leur état s’améliorer et sont repartis en meilleure santé ou guéris.

Les infections dermatologiques représentaient 42,1% des infections.

Le vitiligo 22,2 % - L’alopécie 14,3% - Le psoriasis 2,6 % - Autres infections 3 %

Grâce à l’expérience accumulée au centre d’histothérapie placentaire de Tarara, les patients atteints de ces infections restaient plus de six mois en traitement et cela permettait de revenir à une repigmentation à 90,3% dans le cas d’un vitiligo, ou à 86,4% de la repousse de cheveux dans le cas de l’alopécie. Pour ce qui est du psoriasis, les traitements ont amélioré de 95,4% le temps entre les crises.

Les infections stomatologiques représentaient 33,5%

Le taux de carie était élevé, 4,2%, tout particulièrement dans la première décennie du programme.
96,4% des patients furent examinés et les patients infectés ont reçu des soins bucco-dentaires.

Les maladies orthopédiques représentaient 30%

Scolioses 15,2% Pieds plats 9,1% Autres déformations osseuses 5,7%

Tous les patients ont reçu un traitement de rééducation, des compléments orthopédiques et, le cas échéant, ont subi des opérations chirurgicales.

Infections oto-rhino-laryngologiques

Amygdalites chroniques pour 8,2% - Pharyngites chroniques pour 5,5% - Pertes auditives 3.6%
Déviations du septum nasal 3,1% - Épistaxis 1,3%

Les infections allergiques représentaient 12,4% et les infections immunologiques 6,6 %

Maladies infectieuses récurrentes - Allergie saisonnière - Dermatite atopique.

Elles ont été traitées par des vaccins immunomodulateurs, ce qui permit d’espacer les crises.

Maladies hématologiques

Parmi les patients ukrainiens qui ont résidé au centre, 1,7% présentaient des maladies hématologiques. 122 ont eu différents types de leucémie et 6 d’entre eux ont dû subir des transplantations de moëlle osseuse. Les autres ont été traités par chimiothérapie ou radiothérapie en fonction des besoins de chaque individu.
Leucémie 122

Autres dérangements hématologiques 267

- Anémie aplasique 6 (2,2%) - Hémophilie 4 (1,4%) - PTI 17 (6,3 %) - Autres troubles 240 (89,8%)

Infections oncologiques

117 patients (0,5%) ont été traités pour des tumeurs. 90,5% étaient des tumeurs malignes, 9,5% seulement étaient des tumeurs bénignes.

À ce jour, nous n’avons pas connaissance d’un cas qui se serait révélé mortel.

Les changements psychologiques se sont surtout manifestés lors de la première décennie du programme, tel un stress post-traumatique : anxiété, dépression, estimation, survalorisation des pertes objectives et subjectives liées à la catastrophe. Cela a entraîné des effets indésirables sur la formation de la personnalité. Lors de la seconde décennie, améliorations notables grâce à l’intégration sociale.

Les patients en rééducation pour déficiences représentaient 10%.

Les infections cardiovasculaires représentaient 7,1%.

- Souffles fonctionnels 3,3 % - Valvulopathies 1,4 % - Autres infections 2,4 %
18 interventions chirurgicales complexes ont dû être réalisées.

Les infections ophtalmologiques représentaient 9,6%, dont des troubles de réfraction corrigés grâce à la prescription de lunettes, et des hétérotropies qui ont été corrigées majoritairement grâce à des interventions chirurgicales.

Infections néphrologiques - Il y eut peu de patients infectés, 4,8%, mais il est important de dire que 6 transplantations rénales et des glomérulopathies ont tout de même été réalisées.

INFECTIONS NEUROLOGIQUES

Elles ont représenté 5,0% et les principales étaient - des céphalées migraineuses - céphalées vasculaires récurrentes - paralysies cérébrales infantiles.

Dans le cas des paralysies infantiles, il a fallu intervenir de manière chirurgicale afin de corriger les déformations osseuses, puis suivre un programme de rééducation.

INTERVENTIONS CHIRURGICALES
7,7% des patients furent opérés, certains ont dû l’être plus d’une fois avec l’intervention de plusieurs spécialités dans les hôpitaux : William Soler et le Centre Cardiologique, Juan Manuel Márquez, le Centre Pédiatrique du Centre de La Havane, Pedro Borras, Frank País, CIREN, entre autres.

Les patients opérés de la glande thyroïde sont les plus nombreux pour la chirurgie générale, l’amygdalite chronique et la déviation de la cloison nasale pour l’O.R.L.

Ont été réalisées 18 opérations cardiovasculaires lourdes, 99 interventions sur tumeurs malignes, 6 transplantations de moelle épinière et 2 transplantations rénales.
En ophtalmologie, les cas les plus nombreux ont été ceux de strabisme, pour l’urologie ce furent des malformations et la varicocèle, pour l’orthopédie la scoliose et des déformations de certains membres. La chirurgie reconstructrice a permis de soigner les séquelles de brûlures.

24% des patients ont subi des biopsies, endoscopies, laparoscopies, médullogrammes, cryochirurgies entre autres.

RECHERCHES FONDAMENTALES COMPLÉMENTAIRES

Laboratoire clinique 17 4992 - Études microbiologiques 15 937 - Imageries médicales 50 788 - Autres 5 937

Les examens ont été réalisés sur tous les patients par défaut, il s’agissait d’études de laboratoire clinique incluant des hémogrammes complets, études hormonales de TSH, T3, T4, transaminases et autres. La routine intégrait également les images médicales et les examens tels que l’ultrason simple de l’abdomen ou de la glande thyroïde, et ceux nécessaires pour un patient en particulier.

Des recherches complexes ont été réalisées par des spécialistes dans les hôpitaux et instituts de la capitale.

SOINS APPORTÉS AUX ADULTES UKRAINIENS

Même si le programme a été créé pour soigner les enfants victimes de la catastrophe de Tchernobyl, des adultes ont également bénéficié d’une aide médicale. Ils voyageaient en tant qu’accompagnants et, pour beaucoup, étaient eux-mêmes porteurs de maladies chroniques qui se sont intensifiées lors de leur séjour dans notre pays. Ils ont alors demandé à être soignés, ce qui a permis aux médecins cubains de confirmer leurs diagnostics.

SOINS MÉDICAUX EN UKRAINE (1998-2011)

Dès 1998 dans la ville de Evpatoria, province de Crimée, un groupe de médecins cubains collaborait avec les médecins ukrainiens, notamment : un pédiatre, un médecin généraliste, un hématologue, un endocrinologue, un psychologue et un traducteur de langue russe.

Environ 5 000 à 6 000 personnes participaient à ce programme chaque année, programme agréé par nos spécialistes.

Dès le début du programme, un médecin cubain spécialiste en pédiatrie était présent à Kiev. Il travaillait à la sélection et la classification des patients en collaboration avec le Fond Juvénile de Tchernobyl, puis ensuite avec le Ministère de la Santé ukrainien.

Tchernobyl permit d’apporter à Cuba un regard différent : la compassion, la solidarité, l’apprentissage commun, le partage de moments difficiles dans les années 90 pour les habitants de Cuba.

Tchernobyl est devenu un défi médical et scientifique. Il a mis en évidence l’intelligence et l’humanisme, les histoires d’amour et de déracinements. Il a épaulé beaucoup de personnes qui ont vécu l’horreur de la perte et de la maladie, il leur a rendu l’espoir et il a sauvé des vies.

Il a montré le meilleur des êtres humains. C’est pour cela que ces enfants de Tchernobyl reviennent toujours à Cuba, leur autre maison dans le monde.

Portfolio

Enfant de Tchernobyl à Cuba. Photo : Archive équipe médicale
Sur la plage de Tarará. Photo : Archive équipe médicale
Des enfants dans la résidence Tarará. Photo : Archive équipe médicale