Les problèmes d’alimentation en eau ne cessent de couler

Les très grandes difficultés, anciennes et récurrentes, d’alimentation en eau et d’assainissement de la population cubaine ont bien du mal à être résorbées, ceci étant dû essentiellement à la vétusté des installations. Cette situation est d’autant plus préoccupante qu’elle est accentuée par la dégradation du contexte économique du pays. Toutefois, le gouvernement persiste dans ses efforts pour amener dans tous les foyers ce produit vital qu’est l’eau potable.
N.B.
Les responsables du secteur de l’eau reconnaissent l’existence de 2 500 à 3 000 pertes en eau, comme on appelle localement les fuites dans les canalisations.
Un groupe de personnes utilise divers récipients en plastique pour se ravitailler en eau potable à La Havane. Les problèmes d’approvisionnement en eau se sont aggravés ces derniers mois à Cuba, en partie à cause des coupures d’électricité qui interrompent le pompage du liquide dans les réseaux hydrauliques, et parfois même à cause de pannes d’équipement – Photo : Jorge Luis Baños / IPS
La Havane, 27 février - Des problèmes liés aux pannes dans les réseaux hydrauliques, des fuites dans les canalisations, des coupures d’électricité et même des pénuries de carburant rendent difficile, à Cuba, l’accès de la population aux services de distribution d’eau.
La situation de l’alimentation en eau a été décrite à IPS comme étant « très mauvaise » par Mariam Alba, vendeuse dans une cafétéria et habitante de la ville de Manzanillo, située à 750 kilomètres à l’est de La Havane, dans la province orientale de Granma.
Et elle ajoute : « Dans mon quartier, Reparto Gutiérrez, il y a de l’eau presque tous les jours, mais je connais des endroits qui restent des mois sans eau. Au petit matin, on voit des gens transporter de l’eau récupérée dans un trou qui s’est rempli à cause d’une fuite. Ce n’est pas de l’eau potable. Dans certains quartiers, des citernes ont été installées : elles sont remplies le matin, et le soir elles sont vides. Elles sont remplies à nouveau au bout d’un mois ».
Dans cette province de 804 000 habitants, 76 % seulement d’entre eux ont des canalisations qui amènent l’eau à domicile, et tout juste 38,7 % ont de l’eau au robinet au moins une fois tous les trois jours. D’autre part, les autorités des Ressources hydrauliques de Granma ont confirmé à IPS, en août 2024, que plus de 66 000 habitants dépendent de l’eau livrée par des camions-citernes.
Un mois après l’entretien, l’Institut national des ressources hydrauliques (INRH) a annoncé que plus de 30 000 personnes dans cette province n’avaient pas accès à ses services, sur un total de plus de 600 000 dans l’ensemble du pays.
En ce qui concerne La Havane, où les problèmes d’approvisionnement ne durent peut-être pas aussi longtemps qu’à Manzanillo, ils sont plus massifs : quelque 130 000 « clients » ont été affectés en septembre dernier.
« J’ai passé jusqu’à deux semaines sans eau à cause d’une prétendue rupture des réseaux (d’eau). Ensuite, la situation s’améliore, mais peu de temps après, ça recommence. Depuis 40 ans que je vis ici, il n’y a pas eu un jour où je n’ai pas eu de doutes sur l’arrivée de l’eau », a déclaré à IPS Flora Álvarez, une comptable de 43 ans qui réside dans la municipalité de Centro Habana.

Un employé de l’entreprise des Eaux de La Havane contrôle le remplissage d’un camion-citerne qui fournit de l’eau potable aux habitants des communautés de La Havane. Au début du mois de février 2025, plus de 600 000 personnes à Cuba étaient ravitaillées en eau par des camions-citernes de façon permanente. Photo : Jorge Luis Baños / IPS
Un problème d’infrastructure
Cuba n’a pas de grands fleuves et en tant qu’île, elle est en danger constant de salinisation de sa nappe phréatique. Elle dépend fortement des précipitations, de sorte que les sécheresses ont souvent un impact sérieux sur l’approvisionnement en eau, en particulier dans le secteur agricole.
Cependant, l’année 2024 n’a pas été autant marquée par les effets du changement climatique que les années précédentes : les précipitations cumulées ont atteint 97 % de la moyenne historique nationale et les réservoirs sont à 63 % de leur capacité totale, soit 98 % de la normale pour le début du mois de février, date à laquelle l’INRH a présenté son bilan annuel.
Le problème de la ressource commence avec plus de 40 % de l’eau pompée perdus en raison de fuites dans les grandes canalisations, dans les ramifications des réseaux hydrauliques, parfois visibles dans des dizaines ou des centaines de rues de La Havane, et jusque dans les fuites aux robinets des habitations.
Les responsables du secteur de l’eau reconnaissent l’existence de 2 500 à 3 000 de ces pertes, comme on appelle localement les fuites dans les canalisations.
D’autre part, les pannes des équipements de pompage ou leur interruption en raison des fréquentes coupures d’électricité qui caractérisent la crise énergétique à Cuba entachent également la qualité du service, auquel n’a pas non plus accès l’ensemble de la population.
Dans cette nation insulaire des Caraïbes de quelque 10 millions d’habitants, seulement 83,9 % d’entre eux disposent d’eau fournie par les entreprises publiques Eau et Assainissement, soit 4,5 % de plus qu’à la fin de 2023, selon les données du bilan annuel.
L’INRH a reconnu dans son rapport que cette amélioration est principalement due à la diminution de la population.
Par ailleurs, le processus d’investissement visant à créer de nouveaux raccordements aux réseaux d’eau ainsi que d’autres travaux d’assainissement s’est ralenti, avec 45 % de l’investissement prévu, en raison de l’impact négatif des sanctions économiques des États-Unis contre Cuba et du non-respect des dettes envers les créanciers.
En outre, seulement 61,2 % de la population disposent de services d’eau potable administrés « sans risques », soit 1,6 % de plus qu’en 2023.
La définition « sans risques » peut être assimilée à une gestion « sécurisée », selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS), qui la définit comme étant l’accès à « une eau potable provenant d’une source améliorée située à l’intérieur du logement ou dans la cour ou le terrain, disponible au moment requis, et exempte de contamination fécale et de produits chimiques prioritaires ».
Début février, plus de 600 000 personnes étaient desservies en permanence par des camions-citernes et près de 1,5 million à des points « d’accès facile », où les gens peuvent apporter des récipients pour obtenir de l’eau en moins de 30 minutes, y compris le trajet aller-retour et le temps d’attente.
Cependant, ces chiffres ne tiennent pas compte des milliers de personnes qui souffrent de la rupture « temporaire » d’une canalisation et qui doivent alors transporter de l’eau durant des semaines à partir de points facilement accessibles ou la recevoir de camions-citernes qui arrivent au fur et à mesure de la disponibilité du carburant, un autre problème récurrent à Cuba.

L’entreprise des Eaux de La Havane pose un tuyau en polyéthylène haute densité dans le cadre de l’installation de nouveaux réseaux d’eau dans la capitale cubaine. En 2024, le gouvernement a installé 241 kilomètres de nouveaux réseaux d’approvisionnement en eau, de tuyaux et de raccordements afin de réduire les problèmes chroniques d’approvisionnement en eau de la population. Photo : Jorge Luis Baños / IPS
De lents progrès
« Les objectifs et les buts programmés pour 2024 ont été respectés à un niveau acceptable, compte tenu du scénario défavorable », résume le rapport de bilan annuel de l’INRH.
Un tel optimisme se fonde sur le fait que, bien que seulement 60 % environ des plaintes ou des signalements de la population dans plusieurs provinces aient été résolus, 241 kilomètres de réseaux, de tuyaux et de nouveaux raccordements de distribution d’eau ont été installés.
Soit une moyenne de 512 litres d’eau par habitant et par jour, ce qui représente 91,8 % de ce qui était prévu, même s’ils arrivent de manière inégale, comme le montrent les chiffres à ce sujet.
L’INRH a également travaillé à l’installation de 32 stations d’épuration, 10 stations de traitement des eaux usées et 9 stations de dessalement, ainsi qu’au remplacement d’équipements de pompage et à l’installation de près de 25 000 compteurs d’eau, utiles pour promouvoir les économies d’eau, avec des tarifs correspondant à la consommation réelle. En l’absence de ces équipements, de nombreux ménages paient un montant mensuel fixe.
Toutefois, les autorités ont prédit que l’essentiel des problèmes d’eau actuels continuerait à « couler » jusqu’en 2025, malgré les investissements de plusieurs millions de dollars alloués par le gouvernement pour améliorer la situation.