MIPYMES*, coopératives non agricoles et travail indépendant : que disent les nouvelles règles ?

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Par : Oscar Figueredo Reinaldo, Lissett Izquierdo Ferrer
Publié dans Cubadebate le 20 août 2021

Le Journal Officiel a publié ce jeudi (NdT : le 19/8) un ensemble réglementaire qui légalise, pour la première fois à Cuba, la création de micro, petites et moyennes entreprises (MPME), tout en établissant des changements dans le fonctionnement des coopératives non agricoles et du travail indépendant.

* MIPYMES : Micro, Pequeñas Y Medias Empresas (Traduit par Micro, Petites et Moyennes Entreprises – MPME)

Conférence de presse sur les nouvelles règles relatives aux MPMEs, aux coopératives non agricoles et au travail indépendant. Photo : Cubadebate.

Selon la vice-ministre de l’Economie et de la Planification, Johana Odriozola Guitart, l’importance de ce moment ne réside pas seulement dans la naissance d’un nouvel acteur, mais aussi dans le fait que de nouveaux concepts sont introduits dans le système juridique cubain, comme la société à responsabilité limitée et l’entreprise individuelle (c’est-à-dire qu’il n’y a qu’un seul propriétaire).

Dans le pays, a-t-elle expliqué lors d’une conférence de presse, il existe des sociétés anonymes pour les coentreprises ou des sociétés à capital 100% cubain, mais dans le nouveau type de société, les règles changent, car elles ont trait aux apports des partenaires.

Le recueil législatif, qui entrera en vigueur 30 jours après sa publication au ournal Officel, comporte un autre aspect nouveau. Pour la première fois, a déclaré Odriozola Guitart, "on réglemente un acteur économique qui répond à différents types de propriété, puisque les MPME peuvent être publiques, privées ou mixtes (une combinaison des deux premières)".

Pour la création de sociétés mixtes, a-t-elle précisé, il faudra attendre l’émergence des sociétés mixtes étatiques et privées.

Le vice-ministre a souligné qu’un objectif fondamental est de veiller à ce que les MPME participent activement à la vie économique du pays. "Il s’agit de contribuer à la transformation productive et de faire en sorte qu’elles ne soient pas comme dans certains cas en Amérique latine où elles ont un caractère de subsistance. Nous voulons qu’elles aient un impact non seulement sur l’emploi, mais aussi sur le produit intérieur brut. Nous voulons créer de nouvelles industries, de nouveaux services qui n’existaient pas.

• Micro : de une a 10 personnes
• Petites : de 11 à 35 personnes
• Moyennes : de 36 à 100 personnes

Expliquant pourquoi cette façon de classer est assumée, Odriozola Guitart a dit que s’il est vrai qu’on peut le faire par le chiffre d’affaires et le niveau des ventes, le double scénario monétaire existant à Cuba jusqu’au 1er janvier 2021 fait qu’il est impossible d’avoir un point de comparaison, en plus, "nous vivons une forte contraction économique et les entreprises ne sont pas à leur capacité de splendeur".

Elle a déclaré qu’afin d’établir le nombre de membres, les normes de la CEPALC (NdT : Commission économique pour l’Amérique latine et les Caraïbes) pour les petites économies comme celle de Cuba ont été prises comme référence, en tenant également compte de la population.

Odriozola Guitart a précisé qu’il existe un groupe d’éléments qui ne sont pas inclus dans les normes récentes, car il s’agit de dispositions de conformité générale, basées sur des lois préexistantes, comme le cas des importations et des exportations ou la réglementation des investissements étrangers.

Les coopératives non agricoles, un acteur économique qui fonctionnait à Cuba à titre expérimental depuis 2013, disposent désormais d’un texte légal avec une réglementation allégée, alignée sur celle des micros, petites et moyennes entreprises, a déclaré la vice-ministre de l’Économie et de la Planification.

Le texte juridique ratifie les principes des CNA (NdT : « Cooperativas No-Agropecuarias » - Coopératives Non-Agricoles), tout en éliminant les réglementations et les restrictions actuelles telles que le nombre de membres et le champ d’application territorial. "Un acteur plus social, où tous les membres sont propriétaires et où la richesse est distribuée en fonction du travail fourni".

Odriozola Guitart a souligné que le Ministère de l’Economie et de la Planification dirigera le processus de création de coopératives et de MPME, qui se fera progressivement, "afin d’établir les conditions organisationnelles nécessaires dans les entités concernées".

La vice-ministre a compté qu’il y a actuellement quelque 602 000 licences de travailleur indépendant (TCP) dans le pays et qu’avec les nouvelles dispositions, de nombreux titulaires devront convertir leur entreprise en MPME ou en CNA.

Le TCP est un travailleur indépendant qui peut engager des membres de sa famille ou trois personnes ; lorsque ce chiffre est dépassé, il s’agit d’une entreprise ou d’une coopérative. Les titulaires auront un an pour se reconvertir.
Quelles sont les activités autorisées ? Les projets peuvent être réalisés dans toutes les activités. Selon le règlement, seules certaines 112 activités sont interdites, tant pour les Travailleurs indépendants que pour les coopératives et les MPME.

Comment les projets doivent-ils être soumis ? Le site web du Ministère de l’économie et de la planification fournira une plateforme sur laquelle les parties intéressées pourront s’inscrire et remplir les données collectées dans un formulaire, qui pourra également être téléchargé et envoyé par e-mail.

Le formulaire est déjà disponible sur le site web et comprend, par exemple, le nom de la future société et le nombre d’associés. Il contient également un projet de statut, l’un des documents requis pour la présentation du projet de coopérative ou de MPME.

• Les entreprises préexistantes n’auront pas besoin de licences supplémentaires pour exercer leur activité, tandis que dans le cas des CNA, il sera possible de reprendre les dossiers qui étaient en attente d’approbation.
• Les partenaires n’auront qu’à se rendre chez le notaire pour signer le dossier qui sera envoyé numériquement au registre du commerce où la certification sera ensuite recueillie.

La Vice-ministre a déclaré qu’il a été convenu avec le Ministère de la Justice et l’Organisation nationale des cabinets d’avocats collectifs qu’il y aura des conseils juridiques pour la constitution de ces entités.

Quelles sont les nouveautés en matière de travail indépendant ?

Le décret-loi 44 établit des changements importants pour le travail pour son propre compte - promu dans le pays depuis 2010 - et le plus significatif est sa définition, puisqu’il est désormais considéré comme un travail qui s’effectue de manière autonome, bien que le titulaire puisse embaucher jusqu’à trois employés.

Selon le règlement, le travail indépendant est l’activité ou les activités exercées de manière autonome par des personnes physiques, qu’elles soient ou non propriétaires des moyens et objets de travail qu’elles utilisent pour fournir des services et produire des biens.

Le directeur juridique du ministère du Travail et de la Sécurité sociale (MTSS), Yudelvis Álvarez, a reconnu que la signification du travail indépendant était autrefois déformée car de nombreuses entreprises fonctionnaient comme une société, non seulement en raison du nombre d’employés mais aussi de la taille de l’activité.

• Les personnes physiques âgées de plus de 17 ans et les citoyens étrangers résidant à Cuba peuvent être des TCP.
• Le nouveau règlement actualise les dispositions relatives à cette forme de gestion, qui sont désormais unifiées dans un seul règlement de rang supérieur.
• Les demandes se feront auprès des bureaux de traitement qui ont déjà été mis en place dans les directions municipales du travail. Dans le cas d’activités liées au transport, les demandes doivent être déposées auprès des bureaux mis en place par le ministère des transports.

Il s’agit d’une procédure rapide, a souligné la spécialiste, qui a précisé que l’autorisation est accordée dans un délai maximum de 25 jours. Si le demandeur n’est pas satisfait du résultat, il peut se plaindre auprès du chef du bureau voire saisir la justice.

Le contrôle de cette forme de gestion est entre les mains des gouvernements du pouvoir populaire et des conseils d’administration municipaux.

Infractions personnelles : les moins graves (amende de 500 CUP), graves (1 500 CUP) et très graves (4 000 CUP). Mesures accessoires : confiscation, obligation d’obtempérer et annulation définitive.
Le directeur juridique du MTSS a souligné qu’un régime spécial de sécurité sociale est établi pour les TCP, les coopératives et les MPME.

• L’affiliation au régime spécial est obligatoire pour exercer l’activité et bénéficier des avantages.
• Exceptions : les personnes protégées par le régime général ou par tout autre régime spécial ; les membres de la famille des travailleurs sur le marché du travail ; les travailleurs âgés de 60 ans et les travailleurs âgés de 65 ans et plus.
• La couverture est étendue à : la maladie et les accidents d’origine commune ou professionnelle ; la maternité, l’invalidité totale, la vieillesse ; en cas de décès, la famille est protégée.
• Financement : la cotisation des membres du régime spécial est fixée à 20 % de l’assiette de cotisation choisie.
• Un nouveau barème de base des cotisations est proposé, commençant à 2 000 pesos et allant jusqu’à 9 500 pesos.
• Les TCP et les partenaires des CNA qui cotisent actuellement selon l’ancien barème peuvent continuer à le faire pendant les deux premières années d’application de la nouvelle règle, et à partir de la troisième année, il est obligatoire d’en changer.
• Base de calcul : le montant des pensions est déterminé sur la base de la moyenne mensuelle des 15 dernières années.

Innovations fiscales

Vladimir Regueiro Ale, premier vice-ministre du Ministère des Finances et des Prix (MFP), a précisé que les ajustements fiscaux sont conformes au principe selon lequel celui qui génère plus de revenus doit contribuer davantage.

Tous les travailleurs indépendants doivent présenter une déclaration sous serment, y compris ceux qui paient des impôts dans le cadre du régime simplifié.

Les paiements mensuels sont plus en adéquation avec les revenus générés, ce qui élimine les versements fixes : 5% sur le revenu personnel.

Regueiro Ale a expliqué que le régime d’imposition simplifié est repensé en fonction du revenu obtenu, au lieu des caractéristiques de l’activité. Les TCP doivent avoir un revenu annuel inférieur à 200 000 pesos et ne pas embaucher de salariés.

Paiement des impôts dans le régime simplifié :
• 20% du revenu mensuel, en déduisant l’exemption minimale de 3 260 CUP,
• la cotisation est trimestrielle,
• pas de liquidation annuelle.

L’augmentation de la base de calcul de l’impôt pour l’utilisation de la main-d’œuvre est éliminée dans la mesure où davantage de personnes sont embauchées. Ceci s’applique à toutes les personnes embauchant de la main-d’œuvre (appliquer 5% sur le total des rémunérations versées aux personnes embauchées, tout en définissant une base mensuelle minimale équivalente au salaire mensuel moyen de la province).

Comptes bancaires : il est obligatoire pour tous les travailleurs indépendants d’avoir un compte bancaire fiscal, un solde minimum de 3 000 pesos est défini, et l’obligation de déposer 1% des revenus générés dans le mois est supprimée.

En ce qui concerne les CNA, le premier vice-ministre a précisé que leur régime fiscal agréé est ratifié, tandis que les MPME paient des impôts sur les bénéfices, sur les ventes au détail ou les services à la population, sur l’utilisation de la main-d’œuvre, ainsi que des cotisations à la sécurité sociale.

En même temps, ils doivent payer une contribution territoriale (1 % du revenu), mais pas pendant les deux premières années de fonctionnement.

En ce qui concerne les prix, Regueiro Ale a expliqué que des réglementations uniques et inclusives sont appliquées, qui placent les acteurs économiques sur un pied d’égalité.

Les prix et les tarifs sont déterminés en fonction de l’offre et de la demande, "sauf lorsque la régulation est nécessaire".