Maïlys Khider « Médecins cubains »
Les armées de la Paix
L’ouvrage de Maïlys Khider « Médecins cubains » - Les armées de la Paix – met en évidence le fait que la médecine cubaine conjointement à d’autres facteurs a joué un rôle déterminant dans le succès de la Révolution cubaine au niveau national comme sur le plan international. Il s’agit de l’une des composantes majeures de la Révolution.
Editeur : LGM 12/2021
Prix du livre : 9 euros
Nombre de pages : 118
L’autrice nous montre aussi comment les grands desseins de celle-ci,- et plus spécifiquement ici, de la médecine cubaine, sont confrontés pour leur accomplissement à deux types d’obstacles. Certains de ceux-ci peuvent être considérés comme objectifs, liés qu’ils sont notamment au niveau de développement très inégalitaire de la société et de l’économie de la Grande Île lors de l’avènement de la Révolution cubaine. Mais Maïlys Khider nous montre aussi comment ces composantes majeures de la Révolution cubaine, - le développement sanitaire et la coopération internationale - ces apports fondamentaux se sont heurtés et continuent d’être confrontés aux obstacles élevés en grande partie de l’extérieur par les forces hostiles à l’Etat cubain, à sa politique et à la mise en œuvre de ses programmes et actions sur les plans domestique et international.
Quatre points seront principalement soulignés dans cette présentation :
- 1- La considération de l’humain, fondement de l’action dans le secteur médical.
- 2- Les médecins et personnels de santé cubains viennent en aide aux populations démunies- Vocation et responsabilisation.
- 3- Les apports de Cuba, de ses médecins et équipes médicales aux pays en difficultéUne réalité vérifiée
- Le rôle de l’Ecole latino-américaine de médecine.
- 4- La Santé et la solidarité internationale : en dépit du Blocus.
1/ La prise en considération de l’humain
Qu’il s’agisse, sous ce terme, des personnels soignants ou des populations secourues est au centre de la philosophie qui conduit à l’action. On peut penser que ceci va de soi. Pourtant il est bon de rappeler qu’il s’agit là de l’un des piliers de l’action cubaine dans le domaine médical. L’auteure situe cette observation et cette attitude au centre de l’analyse et de la démonstration et le ton ainsi donné à l’ensemble de l’ouvrage et de l’illustration des actifs de la médecine cubaine constitue certainement un élément directeur, prépondérant, de l’analyse qui nous est proposée. Il s’agit bien du lien qui unit, sans doute, les divers volets de l’action conduite en même temps que les différentes parties de l’ouvrage.
Maïlys Khider nous montre que très vite la Révolution cubaine, notamment sous l’impulsion d’Ernesto Che Guevara va accorder, à la médecine et aux soins à donner aux populations une priorité. Parallèlement une même priorité sera attribuée à l’éducation, depuis l’alphabétisation jusqu’à l’enseignement supérieur – dont l’étude de la médecine et des disciplines nécessaires à sa mise en œuvre -
En même temps que la formation des médecins et des soignants, le Gouvernement cubain va chercher à développer la disponibilité des matériels nécessaires, les médicaments et vaccins indispensables à l’efficacité des soins à l’intérieur du pays mais aussi, à partir du moment où la médecine cubaine, les médecins cubains seront appelés à participer à des opérations à l’extérieur, sur le plan international.
Sans entrer dans une énumération exhaustive (néanmoins des données importantes existent dans plusieurs tableaux figurant dans l’ouvrage) il nous est exposé comment ces interventions extérieures vont se multiplier sous diverses formes et en fonction des différentes périodes de la vie politique internationale et du rôle de Cuba dans celle-ci. Ainsi, l’appui que la Révolution cubaine souhaitera apporter aux populations en quête de leur indépendance, dans le cadre de la décolonisation et des conflits qui l’accompagneront ou la suivront, sera régulièrement conforté par l’envoi de missions médicales destinées en partie aux populations locales. Ce fut le cas notamment en Afrique. Peu à peu ces « brigades » appuieront les politiques nationales pour la diffusion des soins médicaux dans les zones les moins couvertes. Ces appuis se développeront depuis cette première phase soit pour répondre à des besoins structurels, soit pour pallier les insuffisances de l’offre au sein de chaque pays lors de catastrophes naturelles ou de besoins d’aide d’urgence liés à des risques sanitaires.
Nous sommes conduits à comprendre que cette solidarité internationale prodiguée sous diverses formes, efficace, est probablement ce qui a le plus attiré, en même temps que l’admiration, les critiques les plus vives des adversaires de la politique internationale cubaine. Il fallait, pour les initiateurs de ces contre-propagandes, éreinter ces actions généreuses et efficaces ainsi que leurs auteurs.
Or on a pu constater que dans ce « débat » -souvent lamentable par l’inanité des critiques jetées dans ce creuset néfaste- on semble oublier totalement le facteur humain ou le dissimuler. Les médecins -hommes ou femmes – et les personnels soignants en général ne sont pas décrits dans leur être, leurs motivations ne sont pas suffisamment explorées, diffusées ou bien elles sont grossièrement faussées.
Ce livre répond à ces insuffisances.
Les entretiens qui sont rapportés participent à la diffusion de ces informations indispensables. Ils mettent en évidence la vocation qui anime ces hommes et ces femmes pour dispenser leurs soins, mobiliser leur attention, dépenser leur énergie au profit de leurs concitoyens et concitoyennes. Mais aussi leur volonté de soulager - et ceci avec l’aide d’équipes sanitaires et de médicaments adéquats- le sort de toutes ces populations confrontées de par le monde à des catastrophes et aux désastres qui les accompagnent, aux maladies qui se répandent parmi elles, dans des milieux insuffisamment équipés en médecins, comme en matériels médicaux,
L’évocation de cette dimension – celle de l’humain - et le rôle majeur qu’elle devrait jouer dans l’amélioration d’un débat qui pourrait être utile à condition qu’il soit honnête est en outre appuyée par une analyse stricte et nourrie des facteurs et moments saillants de la politique mise en œuvre par Cuba depuis plus de soixante ans dans le domaine de la santé. Il ne s’agit pas de répéter ici les observations, descriptions, réflexions qui nourrissent sur ce sujet cet ouvrage très bien fondé.
Il s’agit bien plutôt de s’appuyer sur cette base solide et objective pour mettre en lumière l’apport particulièrement positif des « médecins » cubains et jeter au panier certains commentaires fondamentalement malveillants. Deux exemples de ces campagnes négatives sont apportés ci-dessous.
2 - Les médecins cubains à l’aide des populations démunies- Vocation et responsabilisation
L’ouvrage de Maïlys Khider met en lumière – car cette information est nécessaire - l’image insupportable donnée des médecins cubains par certains milieux des EU d’’Amérique, ou par des pays alliés inconditionnels ou traditionnellement fidèles aux positions de ce pays vis-à-vis de Cuba, ou bien encore, la reprise de ces thèmes dans certains pays, par des organes de presse qui apparaissent malheureusement oublier les règles élémentaires de la déontologie.
Il en est ainsi de la qualification attribuée aux médecins cubains selon laquelle il s’agirait « d’esclaves du communisme » « exportés » par les autorités cubaines.
Il est assez étonnant de penser que l’on puisse porter l’injure à un tel niveau. L’ouvrage s’élève contre cette attitude et la réplique est simple :
on devrait demander aux italiens, par exemple, qui ont bénéficié pendant la diffusion de la Covid de la présence sur leur terre d’équipes médicales cubaines, s’ils ont eu conscience qu’ils avaient, à nouveau depuis deux millénaires, « importé » des esclaves. Dans d’autres Pays, réputés développés, qui ont pourtant bénéficié de l’appui d’équipes médicales cubaines, la même question pourrait être posée.
Mais les attaques contre la solidarité médicale cubaine ne se limitent pas à ces propos et campagnes médiatiques, elles prennent la forme d’accusations graves sur le rôle politique occulte qui serait confié aux membres des équipes. L’ouvrage fournit une information nourrie sur ces mises en cause.
3 – L’apport de Cuba, de ses médecins et équipes médicales aux pays en difficulté. Quelles motivations ?
Et l’Ecole latino-américaine de médecine, quelles sont ses raisons d’être ?
L’ouvrage nous rappelle, pour la mettre efficacement au rebut, l’assertion selon laquelle le Gouvernement cubain rechercherait avant tout, par ses missions médicales à l’étranger ; à réaliser des bénéfices et à alimenter son budget en « vendant » cette force de travail (et pourquoi pas cette « pseudo aide humanitaire »), ces qualifications, et tout ceci au détriment des personnels cubains mobilisés, de leurs familles, etc. « contraints » de participer à ces missions.
Là aussi la réponse est aisée : Si des incitations à l’engagement peuvent exister (pourquoi pas ?), elles n’impliquent ni menaces, ni risques de difficultés dans la poursuite de la carrière. Par ailleurs, on ne peut mettre en cause le souhait de l’Etat cubain d’éviter ou de limiter les défections qui pourraient se produire en raison de fortes disparités des rémunérations entre la situation à Cuba et celle du pays hôte (en raison notamment de la pénurie de médecins dans ce dernier).
Par ailleurs, - il faut insister sur ce point - il convient de ne pas oublier que l’éducation est totalement gratuite à Cuba, la formation d’un médecin ou d’un infirmier est coûteuse, aussi peut-il être entendu que les services rendus soient, d’une certaine manière, compensés par une participation des pays -qui eux n’ont pas supporté, ou n’auront pas à contribuer à des formations sur leur propre budget-. Il faut en outre ajouter que les pays partenaires ou « bénéficiaires » ne contribuent, lorsque c’est le cas, qu’en fonction de leur capacité financière, à ces dépenses engendrées par la venue de médecins (et autres personnels médicaux) cubains.
Ces contributions sont le plus souvent momentanées. Elles viennent en quelque sorte combler les insuffisances des politiques d’éducation et de formation des pays demandeurs (quelle qu’en soit la cause).
Maïlys Khider met aussi en évidence, à juste titre l’une des créations les plus intéressantes de l’Etat cubain :
L’Ecole latino-américaine de médecine. Fondée en 1998, elle accueille des boursiers de tous les horizons, de multiples pays, afin de les former et de leur permettre, leurs études terminées, de retourner exercer dans leurs pays et combler ainsi les insuffisances durables qui s’y manifestent. Sans doute ne serait-il pas inutile de mettre en évidence l’impact de cette institution sur le maintien (au minimum) ou l’amélioration des services médicaux et de l’état de santé des populations ainsi secourues par les médecins formés à La Havane.
4 – La Santé et la solidarité internationale en dépit du Blocus .
Le blocus contre la santé ! Contre la solidarité !
Le sujet du « blocus » fréquemment cité, qui fait l’objet de nombreux écrits et polémiques est dans cet ouvrage parfaitement mis en évidence et clarifié. Il concerne donc les principaux éléments de cette mesure de même que ses conséquences sur l’île de Cuba mais aussi sur d’autres pays. Ce blocus mis en place il y a bientôt 60 ans, avait été allégé par l’Administration Obama. Il fut aggravé par le Président Trump et non encore corrigé par l’Administration Biden. L’ouvrage analysé ici met en évidence les objectifs pour la partie nord-américaine de cette pression exercée sur Cuba et sur son peuple et la résistance manifestée par ce pays aux tentatives de déstabilisation.
Le blocus imposé en 1962 après la tentative ratée de la Baie des Cochons et en période de guerre froide a été maintenu pendant 30 années jusqu’à l’explosion de l’entité soviétique. Il fut renforcé dans son application au cours (bientôt) des 30 années supplémentaires.
Ses objectifs étaient (pour résumer) :
- de ruiner les réussites de la Révolution cubaine ;
- de susciter des mécontentements au sein de la population pour renverser les institutions cubaines,
- de décourager les éventuelles tendances à l’imitation de la Révolution cubaine en Amérique latine et dans la Caraîbe.
Il faudrait ajouter les mesures interdisant d’insérer Cuba dans les relations économiques internationales, de s’équiper, de remplacer des équipements hors d’usage ou obsolètes, de satisfaire ses besoins d’importations alimentaires pour sa consommation nationale comme pour les besoins d’un secteur en cours de développement et pourvoyeur de ressources monétaires et financières indispensables : le tourisme provenant de l’étranger. On voit bien que le secteur de la santé est directement concerné par ces restrictions au commerce international et aux financements extérieurs imposées par les E.U. malgré une opposition maintes fois affirmées lors des réunions aux Nations-Unies.
Globalement, on peut considérer que ce blocage interdit aux entreprises étrangères utilisant le dollar ou ayant des intérêts aux E.U. de poursuivre leurs activités avec Cuba. Ceci est évidemment contraire au développement de la coopération internationale parfois utile sinon nécessaire dans le domaine médical.
Enfin pour compléter le dispositif mis en place par le blocus et dans le but de ruiner les effets positifs de la solidarité médicale développée par Cuba en faveur de pays démunis, une forme d’interdiction fut imposée par les Etats-Unis à des pays sous domination, ou vulnérables à leurs injonctions, de recourir à des médecins cubains (Il en résulta des annulations de contrats très importants comme ceux du Brésil, de la Bolivie, de l’Equateur..)
On se trouve bien en face d’une sorte de blocus complémentaire.
Ceci, ces mesures, une fois de plus, manifestent une absence totale de considération de l’humain. Elles ont pour conséquences de priver les populations pauvres de pays dont le niveau de développement est très déséquilibré de la possibilité du recours à des ressources médicales gratuites adaptées à leur niveau de dépouillement. Il faut noter qu’aucun appui des E.U. n’est offert en substitution.
Il va de soi que les conséquences négatives de ce blocus général renforcé sont énormes pour la population cubaine, dans tous les domaines de la vie sociale et économique. Ceci ne vient pas faciliter l’absorption des complications liées à la pandémie que nous connaissons.
Quoiqu’il en soit et en dépit des mesures hostiles, de toutes sortes, imposées par les E.U., Cuba poursuit ses recherches en termes de médicaments, de vaccins, etc., et obtient des succès très positifs.
Il en résulte ainsi que la Science Cubaine est parvenue à mettre au point cinq formes de vaccins à même de lutter contre l’expansion de la pandémie.
Une fois de plus Cuba montre - et cet ouvrage contribue pleinement à la perception de cette démonstration- combien la qualité de ses chercheurs, la volonté de développer la solidarité, celle de permettre aux médecins de jouer pleinement leur rôle de « pourvoyeurs de santé » constituent des stimulants bien partagés pour atteindre les objectifs élevés confiés dans le pays et à l’étranger aux Médecins cubains
Note
La lecture des quelques pages qui précèdent ne peut en rien, c’est évident, se substituer à la lecture de l’ouvrage de Maïlys Khidder qui fournit sur la base d’informations de natures diverses et d’origines multiples– entretiens, sources officielles, articles de presse, ouvrages, statistiques, etc.., les clés les plus utiles à la compréhension des succès obtenus par la Révolution cubaine dans certains secteurs fondamentaux du développement social, économique et humain.
Il convient de préciser que les lecteurs de l’ouvrage ici analysé bénéficieront en outre d’une préface de Salim Lamrani et de ce que l’on me permettra de dénommer une post-face de José Marti, à la pensée duquel notre autrice se réfère comme à un héritage. Intellectuel nécessaire et fondateur.
En outre, Maïlys Khidder, dresse un tableau documenté de la lutte menée à Cuba contre la Covid 19.
La lecture des témoignages rapportés par M.K est très importante pour comprendre la durabilité de cette action de solidarité sans égale développée par un gouvernement à l’occasion d’épidémies, de catastrophes naturelles, de conséquences de conflits ou de manifestations chroniques des insuffisances de moyens de développement que connaissent nombre de pays encore peu développés ou très inégalement au sein de leur population.
La compréhension du système médical cubain permet aussi de s’interroger sur la situation et l’évolution des politiques de santé dans les pays dits « développés » qui dans certains cas semblent ne plus répondre aux « besoins essentiels » des populations. L’application des moyens techniques sophistiqués d’investigation, et d’intervention de plus en plus coûteux tendant à « justifier » les concentrations géographiques des installations et des équipes, ont aussi pour conséquence de créer corrélativement ce processus de désertification médicale et dans une certaine mesure le déclin de la prévention. Faut-il y faire face, même en dehors des périodes exceptionnelles que nous connaissons ces temps-ci, en ayant recours aux équipes médicales cubaines de manière durable ?
Philippe Bonnet